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Le muscle au prix d’une rigueur spartiate

18 mai 2012

Body building – Demain, Georges Beyeler participera aux Championnats suisses de cette discipline pas comme les autres. Des terrains de football à la scène, itinéraire d’un sculpteur de son propre corps.

Georges Beyeler. 1m77, 89 kilos de muscles bâtis et entretenus avec une rigueur inaltérable. S’adonner au body building ne se résume pas à soulever des poids.

«Quand j’étais plus jeune, je faisais du foot. Pour la préparation hivernale, on allait au fitness. Je me suis rendu compte que j’y avais de meilleures sensations, encore plus de plaisir que sur un terrain.»

Aujourd’hui encore, Georges Beyeler taquine le ballon rond sous les couleurs du FC Nord Gros-de-Vaud, en 4e ligue. Mais depuis plus de huit mois, il ne répond plus aux convocations de son entraîneur. Demain, il participera aux Championnats suisses de body building, à Epalinges, et, compte tenu des sacrifices consentis en vue de cette compétition, il préfère se prémunir temporairement des diverses blessures qui guettent les footballeurs.

Les premiers effets

Cela fait douze ans que Georges Beyeler, d’Yvonand, sculpte son corps. «J’ai commencé à 19 ans, se souvient-il. Je ne me plaisais pas trop. J’étais tout maigre.» Sur la balance, 60 trop petits kilos pour son mètre 77. A raison de quatre, puis cinq séances de fitness hebdomadaires, il décide d’y remédier. Rome ne s’est pas faite en un jour, et il faut une année pour que s’impriment, sur ses muscles, les premiers effets de l’entraînement. Mais la machine est en marche. «J’ai tout de suite croché. Déjà, ça défoule. Ensuite, on peut se dire que si on bosse, ça va payer. On décide seul de forcer ou pas. Pas comme au foot, où on doit compter sur les dix autres pour arriver à quelque chose.»

Douze ans. Georges Beyeler, 31 ans maintenant, a bien bossé. Beaucoup progressé. Ça se voit, même quand il garde son T-shirt. Mais si passer du temps dans une salle de musculation est une chose, se préparer pour une compétition en est une autre. Demain, il renouera avec elle après une pause de six ans. Sur une étagère, des coupes témoignent de ses résultats passés, dont un titre de champion suisse en 2005, dans la catégorie body léger.

Prendre la décision de monter sur la scène d’une compétition de body building n’est pas un acte anodin. Cela implique de s’astreindre à une année de préparation plus qu’intensive, de se soumettre à une rigueur quasi spartiate. Trois phases de trois à quatre mois chacune: prise de masse, pré-sèche, sèche. En résumé, il s’agit de prendre du muscle, bien sûr, puis de «sécher» pour le laisser apparaître au mieux, en éliminant au maximum les graisses et autres. Cette ultime étape est cruciale, parce que le body building est une discipline esthétique: les juges se prononcent quant à la ligne de l’athlète, son volume musculaire et, donc, sa sèche. «Les quatre derniers mois sont les plus durs, confirme Georges Beyeler. On ne s’autorise plus le moindre écart. Tout ce qu’on mange et boit est calculé au gramme, au décilitre près.»

Vie sociale en retrait

Le régime est strict: du blanc de poulet, du riz, des épinards, des flocons d’avoine et de l’eau, en quantités contrôlées. De quoi changer un homme. La vie sociale en prend un coup. «Aller à des anniversaires, des mariages, des fêtes, voir les gens manger des gâteaux devant vous… c’est impossible», sourit Georges Beyeler. Et l’humeur n’est pas, non plus, toujours à son meilleur. «On devient nerveux, impatient. C’est très, très dur. Parfois, je ne me reconnais pas.» C’est pour toutes ces raisons que, s’il aime les compétitions, le Nord-Vaudois ne les enchaîne pas comme des séries de développé-couché. Trop éprouvant, pour lui comme pour ceux qu’il aime.

Heureusement, si celui qui est employé comme mécanicien aux CFF aime n’avoir à compter que sur lui-même pour progresser dans sa discipline, il n’est pas seul. Il peut compter sur le soutien de ses parents, de sa copine, de Maxibody, à Lausanne, des gens qu’il côtoie au Reflex Fitness, à Bottens. «La préparation est tellement difficile qu’il faut que tout se passe bien avec la famile, au travail. Le moindre événement peut venir tout remettre en cause et pousser à abandonner.»

Il y a quelques mois, son père est tombé dans le coma. L’idée de tout arrêter lui a traversé l’esprit, mais Georges Beyeler a tenu le coup. «Je n’aurais pas aimé qu’il se dise que je n’ai pas été au bout à cause de lui», glisse-t-il. Le Tapa-Sabllia peut aborder la dernière ligne droite qui le sépare de la scène palinzarde sans regret ni remords: il a mené sa préparation sans écart. Bien sûr, il rêve encore de remporter le titre de champion suisse dans sa catégorie, mais au fond, il a déjà gagné. Radieux, il ajoute: «En plus, mon père sera dans la salle. Et ça, c’est mon plus gros plaisir dans l’histoire.»

Lionel Pittet