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Le pari jeunesse de Philippe Demarque

16 avril 2015

Football – 1re ligue – Principalement connu pour son travail de formateur, le nouvel entraîneur d’Yverdon Sport n’a que sept matches devant lui pour imposer sa patte. Pas de quoi faire peur à ce boulimique du ballon rond.

Philippe Demarque se sent bien au Stade Municipal, d’où il peut entendre les mouettes crier. © Michel Duperrex

Philippe Demarque se sent bien au Stade Municipal, d’où il peut entendre les mouettes crier.

Philippe Demarque mange, respire et dort football. Façon de parler? Même pas, en tout cas en ce qui concerne la dernière de ces trois images communément utilisées pour caractériser une passion dévorante. «Parfois, la nuit, je me réveille avec, en tête, une idée d’exercice. Je me dis qu’on pourrait travailler la possession de telle manière, mettre en place telle opposition», sourit-il. Alors, il prend quelques notes, griffonne quelques schémas, puis se recouche, jusqu’à atteindre les cinq heures de sommeil dont celui qui se définit comme un hyperactif dit avoir besoin. Et dès son réveil, on le soupçonne d’articuler une bonne partie de ses pensées autour du ballon rond, un sujet dont il ne se lasse pas. «J’aime les gens, donc j’aime dialoguer, échanger. A propos de football, je veux dire. Parler d’autre chose… bon, c’est moins mon truc.»

Pas d’inquiétude: ce n’est pas pour disserter sur la pluie et le beau temps qu’on lui a donné rendez-vous en ce joli mardi après-midi d’avril, mais bien pour évoquer sa nomination à la tête d’Yverdon Sport, où il a officiellement succédé à Vittorio Bevilacqua dimanche, après une semaine en tant qu’intérimaire. «Pour discuter, on s’installe sur le banc de touche, d’accord? C’est près du terrain que je me sens bien», lance-t-il en souriant, comme une évidence.

Plus compliqué en juniors

Si Philippe Demarque n’est pas un inconnu dans le petit monde du football régional, c’est essentiellement de par son travail de formateur. Responsable technique de la Commission juniors d’Yverdon Sport et région, dans le cadre de laquelle il chapeaute six équipes, il est également impliqué au sein du Mouvement juniors Orbe et région. De fait, depuis ses débuts comme entraîneur à l’âge de 25 ans, lorsqu’une blessure aux ligaments croisés a mis fin à sa carrière de footballeur, l’Urbigène de 46 ans a beaucoup travaillé avec les jeunes. Ne craint-il pas de manquer d’expérience pour diriger une équipe de 1re ligue? «Le football des juniors, c’est beaucoup plus compliqué, tranche- t-il. Il y a un cahier des charges très détaillé de ce que tu dois transmettre à tes joueurs, une méthodologie à respecter, des mesures à prendre…»

Donc, non, merci de vous en inquiéter, mais il n’a pas l’impression d’aller au-devant d’une mission pour laquelle il n’est pas qualifié. D’autant que la philosophie de ses dirigeants est très axée sur la relève. «Ça a joué un rôle primordial dans le fait que j’accepte, assure Philippe Demarque. Faire travailler les talents du coin, ça me parle.»

Plus suisse qu’un Suisse

Si le nouvel homme fort d’YS est «régionaliste», il n’en est pas moins un Nord-Vaudois d’adoption. Il a débarqué à Orbe à l’adolescence, en provenance de Marseille. «Ma soeur s’était mariée en Suisse, et nous vivions seuls, mon frère et moi, avec notre mère, dans le sud de la France. A un moment donné, elle a décidé de déménager. Elle l’a fait pour nous, parce que les perspectives d’avenir étaient meilleures ici», se rappelle-t- il. S’il n’a «pas encore» fait de demande de naturalisation, il se clame «plus suisse qu’un Suisse», appréciant mode de vie, us et coutumes de son pays d’accueil. Marié à une Tessinoise, père de deux enfants, il rigole en remarquant qu’il est, à la maison, le seul étranger. «La Suisse m’a tout amené. Je n’aurais pas la même vie si j’étais resté en bas», souffle-t-il.

«En bas», il essaie néanmoins d’y retourner deux ou trois fois par année, pour voir les copains qu’il y a gardé malgré les années et la distance. Alors qu’il évoque le Vélodrome, ses années au centre de formation de l’OM -dans la classe parallèle des frères Cantona- et ses souvenirs d’enfance, il s’arrête et tend l’oreille. «Vous entendez? Il y a des mouettes! C’est pour ça que j’aime entraîner ici. Ça me rappelle Marseille…»

Point de nostalgie néanmoins: il se sent bien dans la région où il a désormais fait «les deux tiers de sa vie». Et, d’un terrain à l’autre, il y a vécu de nombreuses aventures. Il n’en est d’ailleurs pas à la découverte de la 1re ligue. En 2009, il avait assuré un interim à Baulmes, en compagnie de Christian Mischler, à l’époque de l’inénarrable pseudo repreneur Bernard Mouthon. Et aujourd’hui, connaît-il cette division? Martigny-Sports, qu’YS accueillera samedi à 17h30, ça lui dit quelque chose? Il sourit, amusé comme s’il évitait un piège les doigts dans le nez. «C’est solide derrière, avec deux stoppeurs qui ont joué au FC Sion, et technique à mi-terrain. L’équipe est mal classée, mais elle reste sur une dynamique positive, détaille-t-il. Vous savez, je vais voir beaucoup de matches…»

Entraînements communs

Après avoir obtenu un point contre Azzurri 90 Lausanne au terme d’une prestation convaincante, il sait qu’il faudra cette fois l’emporter. «Pourquoi s’en cacher? On veut atteindre les finales de promotion», dit-il. Et ce n’est pas parce qu’il a à mener une «opération coup de poing», comme il la définit, qu’il va se garder d’imposer sa patte. Il a d’ores et déjà décrété deux mesures concrètes, qui vont dans le sens d’une fluidification des relations entre juniors et actifs: le lundi, les A et la «une» s’entraîneront désormais ensemble, tandis que les «pros» de l’équipe -ceux qui n’ont pas de job à côté- seront régulièrement impliqués dans l’encadrement des jeunes.

On jurerait qu’il pose les jalons d’un mandat à plus long terme, alors qu’il n’est, pour l’heure, appelé à diriger l’équipe que jusqu’au terme de la saison. «Mais quoi qu’il arrive, l’année prochaine, je serai ici, rigole-t-il. Entraîneur de juniors, de la première équipe, on verra. Mais c’est mon rôle de mettre en place un dispositif qui mette les juniors au premier plan de l’organisation du club.»

Un pari jeunesse qui peut mettre du temps à payer. Ce qui ne signifie pas qu’entre-temps, les résultats sont à prendre à la légère. «Je déteste perdre, et c’est un état d’esprit qu’il faut transmettre à la relève, martèle Philippe Demarque. Avec moi, même à l’entraînement, on ne joue jamais sans compter les points.»

Lionel Pittet