De la caravane familiale en Italie à Monaco, en passant par Chavornay, l’artiste de cirque Steven Carroli a gravi les échelons, l’un après l’autre, jusqu’à remporter un prix spécial lors du 47e Festival international du cirque de Monte-Carlo.
«Au tout début, j’ai bêtement commencé en étant celui qui ouvre et ferme les rideaux du festival», se souvient Steven Carroli. Vingt ans plus tard, après être devenu assistant régisseur puis régisseur du Festival international du cirque de Monte-Carlo, il a finalement eu l’opportunité de se produire sur la piste en janvier dernier. Son numéro de jonglage et de monocycle y a même remporté un prix spécial. «C’est l’équivalent des Oscars du cinéma, mais pour le cirque», décrit-il. Une consécration pour lui, fier représentant de la 8e génération d’artistes de cirque de la famille Carroli.
Né dans cette caravane
Pour Steven Carroli, l’aventure circassienne commence ainsi dès la naissance, à l’instar de beaucoup de ses parents et cousins. «Je n’ai connu que ça. Je suis né dans la caravane familiale. Mon arrière-grand-père était l’un des premiers artistes en Italie à avoir un chapiteau, en coton à l’époque, et mes parents ont travaillé longtemps pour le cirque Knie», raconte-t-il.
Lui-même a travaillé pour le fameux cirque suisse, notamment dans des numéros de danse acrobatique après avoir été diplômé dans une académie de cirque en Italie. Il posera ensuite pour un temps ses valises à Chavornay à partir de 2010, où il enseignera pendant dix ans dans plusieurs écoles de cirque de la région. «Au début, j’étais l’un des premiers à Chavornay, puis les écoles de cirque ont commencé à pousser comme des champignons», remarque l’acrobate.
On s’était dit rendez-vous dans vingt ans
Parallèlement à sa vie d’artiste, Steven Carroli intègre le Festival du cirque de Monte-Carlo en 2005, en commençant en bas de l’échelle, avant de devenir l’un des trois régisseurs du grand concours qui se déroule tous les ans – hormis une coupure de deux ans durant la pandémie – à la fin du mois de janvier. «Le régisseur s’occupe de la préparation de la piste pour les artistes, de l’entrée et de la sortie du matériel et de la coordination entre les lumières et l’orchestre. On est trois régisseurs parce que c’est du boulot. Seul, on péterait les plombs», s’exclame-t-il.
Après vingt ans de bons et loyaux services, le directeur artistique du festival et vice-président, le Suisse Urs Pilz, finira par donner sa chance à l’artiste et à son numéro de jonglage en monocycle. «Quand il m’a appelé pour m’annoncer ça, j’étais avec ma famille en Italie. Je pensais qu’il venait me confirmer de rempiler pour mon travail de régisseur, mais quand il m’a proposé de présenter mon numéro, je me suis mis à pleurer de joie. C’est difficile à expliquer, c’est comme réaliser un rêve d’enfant.»
Il n’a peur de personne en… monocycle!
C’est ainsi que Steven Carroli, en plus de son travail de régisseur, et sa compagne Emi, elle-même fille d’artistes de cirque bulgares, ont présenté à deux ce numéro de jonglage unique en monocycle. «Il y a beaucoup d’artistes qui font du monocycle. En revanche, il n’y en a que cinq qui font de l’empilement de tasses à café sur la tête en Europe. C’est un vieux numéro des années huitante que j’aime beaucoup. En revanche, je suis le seul à faire du jonglage avec des masses tout en montant des escaliers en monocycle dans le même numéro. Je pense que c’est pour ça qu’on m’a donné cette chance.»
Le numéro était d’autant plus difficile que les deux artistes étaient les premiers à se produire devant le public à la fin du mois de janvier dernier. «Le spectacle commence toujours par une grande parade avec tous les artistes. Puis, il y a un numéro de danse, et les participants commencent leurs représentations devant le jury. C’est une grosse pression de devoir jongler tout en gardant le sourire devant 3000 spectateurs, la télévision et la famille de Monaco.»
Steven Carroli a cependant pu compter sur le soutien de sa famille, plusieurs de ses cousins travaillant également au sein du festival. «Il y avait un autre Carroli aux lumières, et un autre pour l’installation du matériel. J’étais donc confiant une fois sur la piste.»
Se sont ensuivies diverses représentations proposées par quelque 200 artistes du monde entier, de Madagascar, de Chine ou encore de Scandinavie, avec des acrobaties, trapèzes volants, jonglages et animaux, beaucoup d’animaux. «Il y avait la moitié de l’Afrique, rigole Steven Carroli. Il y avait des zèbres, des éléphants, des girafes. De tout sauf des hippopotames, parce qu’après tout, c’est petit Monaco. Il fallait voir le bazar!»
Le couple ne remporta toutefois pas de Clown d’or. Ni d’argent ou de bronze. Ils ont à la place reçu le prix décerné par la Mairie de Monaco. «Le fait de pouvoir me produire sur la piste, après vingt ans de travail, toujours dans l’ombre, c’était une émotion très forte, peut-être plus que pour tout autre artiste», témoigne Steven Carroli.
«C’est un plaisir et un honneur pour mes parents, moi qui suis seulement de la 2e génération d’artistes de ma famille. C’est le rêve de tous les artistes et j’espère qu’un jour je pourrai présenter un de mes propres numéros durant ce festival», glisse Emi Carroli, dont les spécialités sont le hula-hoop et le tissu aérien.
En attendant, les deux circassiens sont de retour dans leur petit pied-à-terre à Chavornay, où ils peuvent se reposer avant de nouvelles aventures sous d’autres chapiteaux. «Nous allons peut-être nous produire avec une troupe en Bulgarie, et nous sommes aussi en discussion pour aller au Royaume-Uni», annonce Steven Carroli.