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Le soutien à La Tournelle passe à la trappe
Le Théâtre de la Tournelle est l’un des bâtiments emblématiques de la vieille ville d’Orbe. duvoisin-a

Le soutien à La Tournelle passe à la trappe

4 novembre 2024 | Texte: Jérôme Christen
Edition N°3823

Le PLR, l’UDC et l’Union Libre ont torpillé la professionnalisation de La Tournelle à Orbe. Le projet municipal d’apporter un soutien financier supplémentaire de 40 000 francs à l’Association a été refusé à une courte majorité. Son avenir est désormais incertain, mais pourrait rebondir dans le cadre du débat budgétaire.

«La commission unanime est d’avis que le Théâtre de la Tournelle mérite d’être soutenu par l’octroi des subventions proposées», pouvait-on lire dans le rapport de commission du Vert’libéral Stéphane Collet. Plusieurs raisons étaient énumérées: le caractère historique de son emplacement, une professionnalisation partielle, l’émulation des troupes amateurs, des propositions d’activités pour et avec les élèves locaux, des collaborations avec les associations locales, les expositions d’artistes locaux et des événements annuels pour l’ensemble de la population.

Une opposition en coulisses

Cette illusion d’unanimité n’aura pas tenu longtemps avec une opposition qui a visiblement grandi en coulisses. La demande de vote à bulletin secret – faite d’entrée de jeu par le PLR Patrick Jaquenoud et acceptée à une courte majorité – était un avertissement: les choses n’allaient pas se dérouler comme on avait pu se l’imaginer. Les feux ont été ouverts par Bertrand Gillabert (Union Libre), qui a relevé «qu’en matière de subventions dans ce secteur d’activité, La Tournelle se taillait déjà la part du lion avec 25 400 francs pour l’association In Templo et 17 500 francs pour l’Espace Hessel».

Le municipal Jean-Marc Bezençon a expliqué qu’une comparaison n’était pas possible pour de multiples raisons: historique, volume de travail, charges inhérentes à la programmation et aux activités. En appui, Stéphane Collet a ajouté que la différence se justifiait par le niveau de professionnalisation. En appui, le Vert Giv Mesgarzadeh a salué un projet ambitieux qui peut apporter beaucoup à Orbe et dont le coût ne représente que 0,2% du budget, un prix raisonnable en rapport des avantages. Sa collègue Marie-Claire Dutoit, elle, a insisté sur «le partenariat avec les écoles, une offre culturelle différente et complémentaire».

«Le couteau sous la gorge»

C’est cette professionnalisation qui n’a pas convaincu ne serait-ce qu’une partie de la droite de la salle du Casino, même si les propos de Thierry Rolli (Union Libre) ont laissé planer un doute lorsqu’il s’est interrogé sur le risque de fermeture de La Tournelle en cas de refus. «Je n’aime pas avoir le couteau sous la gorge», a aussitôt commenté son collègue Philippe Cochard (Union Libre), tandis que le PLR Jean-Michel Magnenat faisait part de sa perplexité entre la volonté de la Municipalité de contenir les charges budgétaires en personnel et le subventionnement de postes associatifs.

Risque de précédent

L’idée d’accorder une subvention plus élevée à La Tournelle pour pouvoir permettre la création de postes administratifs n’a pas passé et fait craindre un risque de précédent.

«Si le FC Orbe veut un entraîneur professionnel, va-t-on aussi lui accorder une subvention?» a commenté Bertrand Gillabert en forme de clin d’œil à la syndique Mary-Claude Chevalier, présidente du club de football local.

Un vote serré

Au vote, le projet municipal a été refusé par 26 voix contre 23 et 2 abstentions.

Cette volonté de renforcement de la structure professionnelle était le fruit des réflexions faites avec l’expérience de l’ancienne directrice Isabelle Renaut, totalement débordée avec un taux d’activité à 40%, et les réflexions de l’experte mandatée par La Tournelle.

Un poste de direction à 70% et un autre d’administration à 50% avaient convaincu la Municipalité. Reste maintenant à savoir quelle sera l’issue finale du sort réservé à La Tournelle, qui pourrait rebondir dans le cadre du débat budgétaire.


«C’est l’occasion d’une refonte de la politique culturelle»

«C’est une grande déception pour le public d’Orbe et de la région», commente Marylaure Huni, présidente de La Tournelle. «Ce projet permettait de pouvoir proposer une offre théâtrale à la hauteur d’une ville en expansion qui comptera bientôt 10 000 habitants. Nous allons tenir prochainement une assemblée extraordinaire pour réfléchir à notre avenir. Nous sommes à la croisée des chemins. Les charges ont considérablement augmenté, les conditions ne sont plus les mêmes depuis quelques années. Il est loin d’être certain que nous puissions continuer notre activité avec des moyens financiers inchangés.»

Pour Alexandre Baudraz, initiateur et gérant de l’Espace Hessel, dont on dit qu’il a eu du poids en coulisses sur cette décision, «ce n’est pas la culture qui a été mise en cause, mais le financement d’un poste au sein d’une association qui aurait créé un précédent. C’est l’occasion d’une refonte de la politique culturelle que l’on demande depuis des années avec une réflexion sur les critères d’attribution de l’argent public. Le modèle économique de l’Espace Hessel fait du bien aux finances communales, et pourrait en faire également à Yverdon. Avec 25 000 francs de subventionnement, nous mettons sur pied plus de 100 événements gratuits, au chapeau sans obligation de consommation. Ce soutien financier sert uniquement aux cachets des artistes. Les frais de fonctionnement sont payés par les recettes d’exploitation. Hessel et In Templo couvrent 80% de l’offre culturelle avec 27% des subventions.»

Du coté d’In Templo, son président Jean-Philippe Brouet tient un discours bien plus nuancé: «La Tournelle est un acteur important de la vie sociale et culturelle, ce serait dommage qu’elle soit mise en péril. L’Association devra trouver d’autres solutions. De notre coté, nous serions bien sûr heureux d’avoir plus de moyens, mais nous sommes satisfaits, nous faisons avec ceux accordés.»

La syndique Mary-Claude Chevalier regrette cette décision: «Un énorme travail a été fait. C’était un beau projet et c’est regrettable pour tout le travail entrepris par les bénévoles et pour les enfants à qui une partie de ce projet était destiné. J’espère que des solutions pourront être trouvées.»