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Le travail de précision de Paolo Basso
Daillens, 26 octobre 2018. Grande salle, 1er Salon des Côtes de l'Orbe, à gauche: Janick Chatelain d'Yverdon, à droite: Eric Bernier de Vionnaz. © Michel Duperrex

Le travail de précision de Paolo Basso

29 octobre 2018 | Edition N°2362

Daillens – Le Salon des Côtes de l’Orbe a fermé ses portes samedi. Succès sur toute la ligne pour cette première édition ayant permis aux vins de ce vignoble de mieux se faire connaître.

Vendredi et samedi s’est tenu à la salle communale de Daillens, le premier Salon des Côtes de l’Orbe (lire l’édition du 25 octobre de La Région Nord Vaudois). Initié par quatre amis amateurs de bons crus, il a attiré un public venu essentiellement de l’arc lémanique.

Vendredi, l’œnologue et sommelier Paolo Basso a procédé à une brillante démonstration de son savoir lors d’une Master Class qui a regroupé une trentaine de participants. Il est l’un des seuls six sommeliers du monde à avoir remporté le titre européen en 2010, suivi d’un titre de champion du monde en 2013. Avant cela, il a été champion suisse en 1997. Italien d’origine, il vit au Tessin et possède la double nationalité. Sa venue au Salon des Côtes de l’Orbe était attendue avec impatience et curiosité par les amateurs de bons crus.

Impressionnant

Arrivé peu de temps avant l’ouverture de la Master Class, Paolo Basso répond à mes questions tout en goûtant les onze bouteilles de vin rouge sélectionnées pour sa Master Class. En quelques minutes, il classe les crus. «L’ordre est fait de telle manière qu’un vin ne souffre pas du précédent», précise-t-il.

Paolo Basso a stupéfié les participants à la Master Class par l’étendue de son savoir sur les vins. Il a été champion du monde en 2013. © Michel Duperrex

Interrogé sur la qualité et la typicité du vignoble des Côtes de l’Orbe, il répond: «Comme partout en Suisse, d’énormes progrès ont été effectués depuis quelques années. Il y a une réelle volonté de diversifier la production, notamment au niveau des cépages. Ce sont des vins plaisants, sympathiques, pas compliqués et qui peuvent trouver leur place dans tout moment convivial. Ce sont des vins jeunes, qui se gardent bien environ dix ans.»

Enseignant à l’Ecole hôtelière de Glion, il se compare à un guide dans un musée. «Vous pouvez découvrir une exposition seul. Mais si vous avez un guide, vous verrez et apprendrez des choses insoupçonnées, témoigne-t-il. Il convient de décrypter le style de caractère du vin et sa qualité. Il faut révéler ses différentes personnalités.» Le spécialiste fait une analogie avec des jeunes qui voudraient devenir champion. Certains sont plus orientés vers la perfection que d’autres…

Pour qualifier ces vins, il lui suffit de quelques secondes de dégustation. «J’ai plus de vingt ans d’entraînement, admet-il. Au début, j’ai été motivé par la complexité de ce produit, tout à la fois mystérieux et compliqué. C’est ce mystère qui m’a séduit. On trouve derrière chaque cru un peu de géographie, de l’histoire, des sciences, de la religion… C’est un produit très complet.»

Depuis l’âge de 16 ans, alors qu’il était en formation de sommelier, Paolo Basso décrypte, déguste, révèle les mystères de chaque vin. A l’ouverture de la Master Class, il précise aux participants: «Nous allons procéder à une dégustation à l’aveugle, afin de ne pas être influencé par son nom ou son étiquette. Cette dégustation se fera rapidement, car un sommelier n’a que quelques secondes pour conseiller un client. Il ne peut pas se permettre de passer une demie-heure à une table. Il doit faire le lien entre les plats et le vin de manière à satisfaire le client. Ce travail est relativement aisé lorsque nous sommes dans des restaurants étoilés avec des grandes étiquettes, des grands millésimes. Mais lorsque l’on doit choisir parmi des vins à 5 francs la bouteille, il faut être très prudent dans ses choix. Il faut aussi être attentif à la clientèle, de plus en plus cosmopolite.»

Du grand art

La dégustation s’effectue dans deux verres, successivement l’un puis l’autre. Avant toute chose, il faut aviner le verre, en le faisant tourner sur lui-même avec très  peu de vin. Ceci sert à enlever toute odeur autre que celle du vin. Après quoi la dégustation commence.

«Voici un vin qui a un reflet grenat, preuve d’une certaine maturité sur la couleur. Au nez, l’intensité est moyenne. Il est délicat, a des notes fruitées. Je retrouve des cerises noires, des notes d’épices, de poivre noir et de clou de giroffle. Le nez est présent, immédiat. En bouche, la première approche offre une belle fraîcheur, une belle élégance et saveur. Les tanins sont très bien intégrés, avec une très petite astringeance qui ne donne pas d’amertume en fin de bouche.   C’est un vin fin, délicat dont on a une compréhension immédiate. Il peut accompagner une cuisine de campagne, comme des plats plus élaborés. Il peut se garder en cave deux ou trois ans. Il s’adresserait alors à d’autres consommateurs. Moi j’aime son côté immédiat». A une vitesse incroyable, avec une précision inouïe et un langage fleuri, Paolo Basso analyse, teste, démontre. Du tout grand art!

 

Dominique Suter