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L’émancipation du grand frère

22 septembre 2016 | Edition N°1833

Motocross – Kevin Auberson est à son tour entré dans la lumière, dimanche dernier, en remportant le titre de champion de Suisse Mx2. Un dénouement auquel le pilote d’Epautheyres ne croyait plus, dix ans après son sacre chez les juniors. Le résultat d’un gros travail mental au bout d’une saison d’exception.

Kevin Auberson étrenne la plaque de n°1 durement acquise. ©Michel Duperrex

Kevin Auberson étrenne la plaque de n°1 durement acquise.

A l’image de Stan Wawrinka lors de ses plus grands succès, il pourrait pointer son index sur sa tempe. Kevin Auberson a tenu le choc toute la saison, au mental, jusqu’au titre national. «J’ai gagné à la régulière. J’ai prouvé que j’ai changé», lance-t-il au lendemain de son sacre.

Chez lui, à Epautheyres, il présente la plaque n° 1, celle de champion de Suisse de motocross MX2. «Ça faisait pas mal d’années que je roulais sans évoluer. Je craquais souvent en fin de manche. Les gens pensaient que c’était physique, mais c’était dans la tête, raconte le crack de 27 ans. J’ai enfin roulé libéré.» Et durant une saison entière.

Depuis dix années, Kevin Auberson a accumulé les frustrations. Souvent placé, sur le podium, mais jamais tout devant. Sauf une fois, mais lors d’une manche raccourcie. Pas tout à fait une vraie victoire. Passé en catégorie Open au début de la décennie, il n’y a jamais trouvé ses marques. Il est alors revenu en MX2.

En 2014, en pleine forme, il s’est blessé avant le début de la saison. La véritable métamorphose a pour origine la saison dernière. Enfin épargné par les pépins physiques, il a fini 3e au général. De quoi regonfler son capital confiance, même s’il n’était, alors, pas sûr qu’il allait encore rouler en 2016, ce d’autant plus qu’il allait commencer à travailler à 100%.

«Puis, je me suis dit que je n’avais rien à perdre.» Durant l’hiver, il a réalisé un gros travail mental, soutenu par ses proches. Les prémices d’une saison exceptionnelle. Celle de la consécration, de l’émancipation. Moins entraîné à cause de son nouvel emploi du temps, il a pourtant fait tout juste. Sacré devant son entourage, à La Chaux-sur-Cossonay, il a vécu des émotions uniques.

Son frère est rentré des Etats-Unis en cours de championnat. Si la présence du très rapide cadet (sept victoires depuis son retour) dès le début aurait peut-être changé la donne au général, l’aîné est fier de n’avoir pas joué le jeu d’équipe -celui qui est le mécano de la fratrie a simplement bénéficié de coups de main bienvenus dans ce domaine- pour s’imposer. «Le motocross reste un sport individuel. Killian ne m’a pas fait de cadeau, et c’est normal.» La victoire, Kevin Auberson ne l’a doit qu’à lui-même. Et à sa moto. «C’est une belle récompense pour KTM, qui m’a fait confiance et beaucoup soutenu depuis 2004», tient à préciser le pilote.

Le titre lui offre la possibilité de tirer sa révérence au sommet. «Ça vient tout juste d’arriver. Je vais prendre le temps de réfléchir, coupe-t-il, en évoquant son avenir. Mais j’aime trop la moto pour arrêter complètement la compétition. Dans tous les cas, je roulerai toujours en Angora (réd : le circuit régional) et avec les copains.»

La saison n’est pas tout à fait terminée, puisqu’il va préparer le Supercross de Genève, programmé en décembre. Où il compte bien rouler avec son frère, entre champions de Suisse.

Ultime course dantesque

Kevin Auberson a remporté son titre dans une sacrée gadoue, dimanche dernier, à La Chaux-sur-Cossonay. On comprend pourquoi il n’y a eu qu’une seule manche! ©Jey Crunch

Kevin Auberson a remporté son titre dans une sacrée gadoue,
dimanche dernier, à La Chaux-sur-Cossonay. On comprend
pourquoi il n’y a eu qu’une seule manche!

En attendant le dénouement de la saison, Kevin Auberson était moins tendu que la semaine précédente. Depuis les épreuves de Malters (LU), il avait repris les commandes du classement général du championnat de Suisse Mx2 et bénéficiait d’un confortable matelas de quatorze points d’avance sur son principal adversaire, le Zurichois Cyrill Scheiwiller. «Mais la semaine a tout de même été longue. De mauvaises conditions météo étaient annoncées et, dans la boue, c’est un peu la loterie», raconte le pilote d’Epautheyres.

A La Chaux-sur-Cossonay, lieu de la dernière manche de l’année, dimanche passé, il n’allait pas pouvoir gérer son avance de la même façon que sur un terrain sec. Au final, il a tellement plu que les organisateurs ont décidé de ne donner qu’un départ plutôt que les deux au programme. Dans ces conditions dantesques, une culbute dans une montée signifiait la fin des haricots.

Kevin Auberson a pris un départ prudent (6e, mais rapidement à distance des masses dangereuses), alors que Scheiwiller était 2e derrière le petit frère du leader. Une situation qui permettait à l’aîné de gérer. Puis, à quelques tours de la fin, alors qu’il était revenu au 4e rang provisoire, le futur champion de Suisse a passé son rival, empêtré dans une montée. Ce dernier n’arrivait pas à repartir. Il avait chuté, mettant fin à ses chances de titre. «De mon côté, j’ai dû finir sans embrayage, ce qui a ajouté une difficulté», précise celui qui a terminé au 3e rang de la course remportée par le cadet de la famille, Killian. Le pilote régional a terminé le championnat en tête avec 30 points d’avance sur son dauphin.

«Mon adversaire a un peu craqué en fin de saison, surtout à Malters. J’ai gagné au mental», se réjouit celui dont la tête lui a souvent joué des tours, ces dernières années.

Kevin Auberson avait commencé la saison par trois victoires en quatre courses, à Frauenfeld et Payerne. Ensuite, sa régularité -il a aligné les podiums, récoltant un 4e succès au passage- lui a permis de rester au contact de Scheiwiller, malgré quelques pépins mécaniques rencontrés ci et là. Troisième l’an passé, le voilà champion dix ans après son sacre en juniors. Un dénouement auquel il ne croyait plus. Il est ainsi sorti de l’ombre de son frère, titré à trois reprises entre 2011 et 2014.

Manuel Gremion