Les difficultés économiques s’accentuent. Prévenir, c’est apprendre à gérer ses finances.
Un nouveau record a été établi l’an dernier dans le canton de Vaud: plus de 500 000 poursuites y ont été enregistrées, selon des données communiquées la semaine dernière à l’occasion du bilan de l’Ordre judiciaire, dont dépendent les offices de poursuites et faillites. Cette hausse traduit aussi la croissance des charges des ménages. Le Canton de Vaud a développé, en collaboration avec des partenaires, un panel de mesures. Mais la vague ne paraît pas ralentir son flux.
Des acheteurs compulsifs qui peinent à gérer leurs pulsions aux personnes plongées dans la précarité, le panel des personnes surendettées est très large. En grande majorité, ce sont des personnes et des ménages dont les charges ordinaires (loyer, coût de l’énergie, primes d’assurance-maladie, impôts, etc.) n’ont cessé d’augmenter depuis la pandémie du Covid.
Les services de l’État tentent depuis de nombreuses années de prévenir le surendettement par des séances d’information et de jeux, mais la réalité, sous la forme d’augmentations dont ils ne sont pas maîtres, semble avoir pris de nombreux citoyens de vitesse.
Les impôts et l’assurance
Dans sa réponse à l’interpellation de Céline Misiego et de ses collègues, le gouvernement ne cache pas cette face sombre de la situation économique de milliers de citoyens. Pas plus que l’origine des poursuites: les impôts et les primes d’assurance-maladie figurent en tête de ce triste palmarès.
Le Conseil d’État dit en être conscient et c’est la raison pour laquelle il avait envisagé une réduction de 5% de l’impôt sur les personnes physiques, finalement portée à 7% après les débats parlementaires. Mais le peuple, en particulier la classe moyenne, la plus fortement touchée, pourrait donner son aval à l’initiative lancée par les organisations économiques préconisant une réduction de 12%.
En effet, le Canton de Vaud est celui qui, avec Genève, charge le plus lourdement la classe moyenne en matière d’impôts. Or la gauche combat cette initiative…
S’il fallait encore un élément pour illustrer la situation, le gouvernement explique que 30% de la population bénéficie de subsides à l’assurance-maladie…
Un faisceau d’éléments
Le Conseil d’État attribue cette situation à un concours de circonstances: l’inflation, repartie à la hausse dès 2022 (+3%) – mais fort heureusement maîtrisée depuis (1,1% en 2024) –, l’influence, en partie, du conflit en Ukraine sur les coûts de l’énergie, et une hausse quasi générale des prix après la pandémie.
Face à cette hausse générale des charges, l’État accorde des réductions supplémentaires. Il a aussi indexé les salaires de la fonction publique et revalorisé les salaires des secteurs sanitaire et social parapublics.
Plus de 9000 procédures
Autre élément qui illustre la situation actuelle: la direction du recouvrement avait, en février dernier, des dossiers de poursuite ouverts contre 9127 personnes. Ces dossiers concernent les frais judiciaires au niveau pénal, les frais d’assistance judiciaire civile, les créances compensatrices, les créances LAVI (loi sur l’aide aux victimes), les amendes et peines pécuniaires (hors amendes préfectorales), les créances du CHUV non prises en charge par l’assurance-maladie et les actes de défaut de biens liés à la taxe d’exemption du service militaire.
A ce florilège, on peut ajouter quelques chiffres révélés la semaine dernière par Christophe Maillard, vice-président du Tribunal cantonal: les saisies de salaire – 110 684 en 2021 – ont progressé à 122 472 l’an dernier; durant la même période, les actes de défaut de biens sont passés de 117 709 à 120 568; les paiements et annulations ont eux régressé de 54 341 à 50 968.
Ces chiffres doivent être tempérés par l’élément démographique – la population du canton ne cesse d’augmenter –, mais cela n’influence pas véritablement la tendance.
Malgré l’informatisation des procédures, la charge des offices est lourde. Ils ont réussi à récupérer plus de 371 millions de francs, dont quelque 124 millions de francs d’impôts, pour les reverser aux débiteurs.
Augmentation en vue
Le nombre de personnes inscrites aux offices de poursuites est passé de 93 225 fin 2023 à 98 895 au 31 décembre dernier, étant entendu qu’une personne peut avoir plusieurs poursuites. Et la décrue n’est pas à l’ordre du jour. En effet, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions fédérales va permettre aux administrations de mettre en faillite les débiteurs.
Nord vaudois moins touché
En ce qui concerne la répartition des poursuites, l’analyse des données montre que certains districts sont plus touchés que d’autres. En 2023, la proportion de débiteurs par rapport à la population adulte totale était la plus importante dans le district de la Broye-Vully, suivi par les districts d’Aigle et de Lausanne.
Ainsi, le district Jura-Nord vaudois, qui compte la deuxième ville du canton – Yverdon-les-Bains, en comparaison avec d’autres villes, a une valeur de point d’impôt très basse –, ne figure pas dans le trio de tête.
D’ailleurs, alors que leur nombre a explosé dans l’Ouest lausannois, l’augmentation du nombre de poursuites a été moins importante dans le Nord du canton.
L’exception bernoise…
En comparaison intercantonale, le pourcentage de débiteurs inscrits auprès des offices de poursuites vaudois est comparable à celui des cantons de Genève et du Valais. Calculé sur la base du nombre de commandements de payer délivrés rapporté à la population totale, le taux de poursuites est de 49,8% dans le canton de Vaud, de 50,9% à Genève et de 47,6% en Valais.
Neuchâtel est le canton le plus touché (55,8%), alors que le Jura (41%), Fribourg (37,6%) affichent un taux sensiblement plus bas. Avec 28,5%, le canton de Berne connaît une incidence des poursuites nettement plus basse par rapport à sa population.
Seule une étude plus poussée permettrait d’expliquer ces écarts, mais sans doute des éléments d’ordre culturel et le rapport à l’argent y sont sensiblement différents.
Une aide au désendettement
Face à une situation qui n’est pas nouvelle – des mesures de prévention et de lutte contre le surendettement ont été prises dès 2007 –, mais qui s’est aggravée ces dernières années, l’Etat finance aujourd’hui des partenaires qui aident les personnes à faire le point sur leur situation financière, à négocier des plans de paiement, et à retrouver une situation équilibrée.
La ligne téléphonique «Parlons cash!» fait figure de guichet d’entrée. En 2023, 61% des appels ont été orientés vers la prestation «gestion de budget spécialisée» (GBS), délivrée par Caritas Vaud, le Centre social protestant Vaud, ainsi que l’Unité d’assainissement financier de la Ville de Lausanne (Unafin). Ces partenaires ont bénéficié l’an dernier d’un soutien de l’Etat à hauteur de 1,9 million de francs.
En 2023, plus de 1800 ménages vaudois ont bénéficié de cette prestation à géométrie variable en fonction des besoins, et de l’état d’endettement. Parfois, les personnes sont aussi dirigées vers un organisme médico-social. La moitié des dossiers bouclés en 2023 ont bénéficié d’un inventaire des dettes, et 16% des dossiers ont été fermés à la suite d’un désendettement partiel ou total. Cette prestation a bénéficié d’un renfort de 1,8 ETP (équivalent temps plein), portant à 16,9 ETP la force des trois prestataires partenaires.
Le gouvernement a également créé un Fonds cantonal de lutte contre la précarité. doté de 2,1 millions de francs à sa création en 2015. Si certaines conditions sont réunies, notamment le remboursement en trois ans, des prêts jusqu’à 40 000 francs sont accordés par ce Fonds d’aide au désendettement. Une trentaine de demandes sont traitées chaque année et plus de 130 personnes ou ménages ont pu se désendetter avec le soutien de ce Fonds.
En parallèle, de nombreuses séances de prévention sont organisées, en particulier pour les jeunes.