Apprendre à dessiner, une lubie? Pas pour de nombreux artistes qui affûtent leurs crayons pour guider les futurs talents. Aperçu des possibles avec quatre artistes proches d’Yverdon.
Les artistes, mangakas, peintres ou dessinateurs en herbe ont de quoi faire dans la région, où les ateliers et écoles de dessin, de peinture, ou autres techniques, fleurissent.
Et parce qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre à dessiner, diverses propositions existent, s’adressant tant aux enfants qu’aux adultes.
Parmi toutes ces propositions, une constante se dessine: l’importance accordée à la liberté des élèves, seul moyen, unanimement reconnu par les artistes, pour encourager l’intérêt pour l’art et la créativité.
De quoi satisfaire ceux qui se seraient sentis muselés lors des cours à l’école obligatoire et qui ont, malgré tout, toujours envie de réveiller l’artiste qui sommeille en eux?
Une Mine de talents
«Ici, chacun a son univers et ses envies, et moi, je les accompagne pour concrétiser leurs idées.»
Le jeune artiste Jordi Murillo commence à se faire connaître sur la scène yverdonnoise. Il est notamment l’auteur des illustrations qui ornent les bus électriques de Travys, ou encore des dessins du livre D’écrire ma ville, dédié à Yverdon et paru l’année dernière. Parallèlement à ses mandats artistiques, il a récemment ouvert La Mine, un atelier créatif situé rue de Neuchâtel, où les participants peuvent explorer et développer leur univers artistique.
L’endroit est relativement exigu, mais dispose de tout le matériel nécessaire pour réaliser du dessin traditionnel ou numérique, de la peinture ou d’autres activités, comme du papercraft ou de la personnalisation de chaussure. La Mine regorge surtout de nombreuses décorations et objets tirés de la pop culture, des mangas, comics ou des jeux vidéo. De quoi servir de catalyseur à la créativité des plus jeunes.
Jordi Murillo insiste toutefois sur un point: à La Mine, il n’y a pas de prof ou d’élèves. Chacun est un membre lancé dans un processus créatif personnel. «C’est pourquoi je préfère dire que les participants sont des membres ou des aventuriers, plutôt que des élèves. Parfois, je présente certains de mes travaux et je leur parle de certaines techniques, mais je ne me pose pas en professeur et je ne leur donne pas de travaux à effectuer.»
Une manière de faire qui permet à chacun de concrétiser son propre projet. «Certains viennent parce qu’ils veulent apprendre à dessiner des mangas ou parce qu’ils préparent une entrée en école d’art», explique l’artiste, qui a lui-même appris la BD à l’école d’art de Saxon, l’EPAC, et le dessin animé à l’école Ceruleum de Lausanne. «Ces cours me permettent de grandir en tant qu’artiste indépendant, car chaque membre apporte des idées qui élargissent mes horizons, tandis qu’eux, en venant ici, se font une idée du métier d’artiste d’aujourd’hui.»
Les ateliers se déroulent généralement les mercredis après-midi, mais d’autres sont aussi proposés les samedis ou pendant les vacances scolaires.
Infos: https://lamine.ch/
Monochrome, mais multiples compétences
«Quand on aime ce qu’on fait, on a envie de le partager. C’est pour ça que, pour moi, transmettre le goût du dessin et de la peinture est une évidence.»
Cela fait maintenant onze ans que Delphine Costier, artiste plasticienne, diplômée des Beaux-Arts, donne des cours de dessin et de peinture à Yverdon.
Dans son atelier, du nom de Monochrome, au Village 48, l’artiste dispose d’une vaste panoplie de matériel: crayons et stylos de mille couleurs, pinceaux et peintures, et même divers modèles d’animaux, entre autres objets. De quoi permettre aux artistes en herbe d’explorer les limites de leur talent, dans n’importe quelle direction.
«J’essaie d’être flexible au maximum. Je suis convaincue que c’est en faisant ce qu’on a envie de faire qu’on avance le mieux. Quand j’ai commencé, les cours étaient plus cadrés. Mais je me suis rendu compte qu’on ne forme pas des artistes en les forçant à faire des choses qu’ils n’ont pas envie de faire.»
Ainsi, chacun est libre, et Delphine Costier est là pour accompagner les participants dans leurs projets. «Je suis curieuse de tout. Je partage au mieux mes compétences en fonction de mes expériences. Par exemple, j’aide parfois ceux qui veulent s’améliorer en dessin technique», explique l’artiste, qui dispose aussi d’une longue expérience en architecture d’intérieur.
Les cours sont ouverts à tous les âges et tous les niveaux. «Les gens ne viennent pas forcément parce qu’ils visent une école d’art. Pour beaucoup, le dessin est un moyen de décompresser après le travail. Ce qui n’empêche pas d’apprendre les techniques essentielles: proportions du corps, lumière, perspectives.»
Monochrome propose des cours hebdomadaires durant la semaine, mais aussi des ateliers, les samedis, centrés sur des thèmes particuliers, comme les mangas, les aquarelles, les paysages, etc. De quoi développer ses sens artistiques.
Infos: https://www.monochrome.ch/
Apolline, une école qui bouge
«Apolline est une école dynamique qui souhaite évoluer et proposer de nouvelles choses, dans les arts visuels comme les autres.»
Depuis plusieurs années, Apolline Ecole d’Arts est active dans plusieurs villes de Suisse romande, à Lausanne, Neuchâtel, Sion, Genève, mais aussi à Yverdon, où sont dispensés des cours de théâtre et des cours d’art visuel depuis 2021. C’est là que Marina Alberti, graphiste de formation, illustratrice et artiste peintre indépendante, enseigne l’art du dessin aux jeunes de 6 à 16 ans.
«Notre grand principe, c’est la liberté artistique. Chacun va dans la direction où il souhaite aller. C’est comme ça qu’on progresse le mieux en dessin», estime-t-elle. L’enfant a ainsi la possibilité de progresser dans l’univers qui lui plaît, tout en étant encadré. «Les cours sont axés sur l’accompagnement individuel, mais sont aussi construits autour de certaines règles de dessin ou certains thèmes», ajoute Marina Alberti.
Les enfants participants peuvent s’inscrire pour un forfait annuel, ou pour des semaines de stage organisées pendant les vacances scolaires. «Le but de ces stages et de permettre aux participants de ressortir avec un projet bien finalisé sous le bras», indique l’enseignante, qui a repris la direction des cours de dessin à Yverdon l’automne dernier.
Un laps de temps court, qui n’empêche pas Marina Alberti de remarquer une certaine tendance: un intérêt généralisé pour la bande dessinée japonaise, les mangas. «La majorité des enfants sont là pour apprendre à dessiner dans le style des mangas. Les plus petits viennent pour développer leur créativité, tandis que les projets varient pour les plus grands, mais les mangas sont ce qui passionne vraiment les enfants.»
Un goût pour la BD japonaise qui n’est pas sans intérêt lorsqu’il s’agit de s’initier au dessin: «Apprendre par le biais du manga est tout à fait pertinent. Cela permet d’étudier les proportions, les mouvements, la lumière. Des techniques déclinables pour tout.» Elle précise toutefois qu’il n’est pas nécessaire d’être fan de manga pour s’inscrire. «On part du centre d’intérêt de l’enfant, à partir duquel on touche à d’autres aspects.»
L’école Apolline entend ainsi donner des bases solides sur lesquelles les jeunes peuvent progresser dans le style qui leur plaît.
Infos: https://www.apolline.art/fr
Gressyland: contamination artistique
«Toute personne qui prend un crayon ou une plume fait preuve de militantisme.»
A deux pas d’Yverdon, le dernier communiste du coin – comme il aime se présenter lui-même – empoigne lui aussi son matos pour accompagner ceux qui souhaitent se lancer dans l’apprentissage de l’art.
Artiste de longue date, Pierre-André Kesselring propose ainsi des cours de dessin, de peinture ou autres, tous les jeudis matin dans son royaume de Gressyland, et ce gratuitement. «Mais je ne souhaite pas faire de concurrence. Le but pour moi c’est de se mettre au diapason, en groupe, pour partager un moment futile, ouvrir l’esprit des gens et leur apporter du bonheur.»
Les cours sont ouverts à tous et l’artiste fournit même le matériel: crayons, peinture, papier ou toiles. «Je travaille sans subvention, avec mes petits moyens», précise-t-il. Une façon pour lui de rester libre lorsqu’il déploie son talent militant sur la toile.
Si son art est engagé, Pierre-André Kesselring préfère laisser ses élèves libres de leurs choix. «Pour moi, l’art doit amener à la réflexion. Mais je suis un autodidacte. Durant mes cours, je jauge les capacités des participants et je leur demande ce qui les intéresse.»
Les cours se déroulent généralement de 8h30 à 12h. «Ça démarre toujours à la bonne franquette. Puis on entend les mouches voler. Moi, je travaille sur mon chevalet et je leur montre des trucs, ou je passe vers eux et je leur distribue des coups de fouet! Mais surtout, on se marre», appuie l’artiste en souriant.
Les cours se déroulent dans le hangar de Pierre-André Kesselring. Les élèves peuvent ainsi trouver l’inspiration dans les tableaux de l’artiste, exposés çà et là, mais aussi dans ceux des autres élèves, comme une impressionnante réplique de L’Exécution du Major Davel, de Charles Gleyre. «Moi je suis un hyperactif. Généralement, j’ai tendance à contaminer les autres avec mon travail», précise l’artiste. Ceux qui sont intéressés, n’ont qu’à «passer à l’apéro le samedi matin pour en discuter!» Rendez-vous donc à Gressyland!
Infos: http://gressyland.ch/