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Les agriculteurs et les maraîchers ont soif de pluie

24 juillet 2015

Nord vaudois – Des salades au maïs, en passant par les pommes de terre, la sécheresse plombe un large éventail de cultures dans la région. L’accès aux moyens d’approvisionnement en eau est un enjeu tout particulier.

Les salades de l’entreprise Stoll (représentée ici par Vincent Stoll) ont besoin d’une attention toute particulière en cette période. © Nadine Jacquet

Les salades de l’entreprise Stoll (représentée ici par Vincent Stoll) ont besoin d’une attention toute particulière en cette période.

Les fenouils de Légufrais S.A., l’entreprise maraîchère basée à Oppens, n’alimentent plus le marché depuis environ deux semaines. A l’image de bon nombre d’autres produits de la terre, cultivés de la région, ils souffrent tout particulièrement de la chaleur et de la sécheresse ambiantes. «Nous avons dû arrêter la vente du fenouil car il n’était plus commercialisable visuellement. Normalement, la production se fait en continu l’été», déclare Christian Matter, co-fondateur de la société créée en 2007. Gourmands en eau, les choux-fleurs jaunissent très vite et les salades iceberg arrivent trop rapidement à maturité. Sans feuillage en suffisance pour les protéger des ultra-violets, ces légumes subissent de plein fouet l’action du soleil. Sous les serres d’Ependes, les tomates et les concombres pâtissent, eux aussi, de l’excès de chaleur.

Des conduites à installer

Les patates ont un drôle de look. © Nadine Jacquet

Les patates ont un drôle de look.

Contrairement à ce maraîcher, qui peut compter sur le réseau pour s’approvisionner en eau, l’entreprise Stoll Frères, basée à Yverdon-les-Bains, doit employer les grands moyens pour irriguer une partie de ses cultures. «On a la possibilité d’irriguer les deux tiers de notre production. Nous veillons à planter nos salades dans les zones où c’est faisable. On pompe de l’eau dans la Thièle, car c’est une des rivières au bénéfice d’une dérogation de l’Etat de Vaud. Nous sommes, par contre, en train de mettre en place des kilomètres de conduite pour alimenter nos céleris, céleris-branche, carottes et oignons», indique Willy Stoll, co-directeur de la société. Le Canton a, en effet, émis, vendredi dernier, une interdiction générale de pompage dans les rivières vaudoises. Des autorisations ont été délivrées pour quelques rivières, dont la Thièle. Une mise à jour de la liste des cours d’eau où les prélévements d’eau sont admis est prévue aujourd’hui à midi.

A Mathod, comme ailleurs dans la région, le maïs souffre de la sécheresse. © Nadine Jacquet

A Mathod, comme ailleurs dans la région, le maïs souffre de la sécheresse.

Le spectre de cette restriction a incité Pascal Marendaz, de Mathod, à «mouiller» au dernier moments ses parcelles situées à Orny et Chavornay. Au total, seul 1,5 hectare sur les plus de 35 qu’il possède ne sont pas à la portée d’un système d’arrosage. Une nécessité pour les agriculteurs misant, comme lui, beaucoup sur les pommes de terre, relève-t-il.

A Rances, Claude Guignard, qui ne dispose pas d’équipement d’arrosage, s’attend à devoir acheter davantage de maïs pour compléter sa propre production, destinée à nourrir ses animaux. «Les plantes n’ont pas la hauteur habituelle et manquent d’eau pour la formation des épis, qui sont très petits», constate-t-il.

L’arrosage va bon train pour pallier l’absence durable de précipitations. © Nadine Jacquet

L’arrosage va bon train pour pallier l’absence durable de précipitations.

Jean-Pierre Jacot, d’Essertines-sur-Yverdon, fait partie des agriculteurs touchés par les restrictions cantonales. «Mes pommes de terre sont toutes petites. Elles supportent des températures de 30 à 32 degrés, au-delà, elles sont brûlées», déplore-t-il. Face à une situation similaire, en 2003, il était allé, moyennant une autorisation du voyer, plus d’une semaine durant, pomper tous les jours de l’eau au lac, à Yverdon-les-Bains. «J’en avais alors huit hectares. Heureusement qu’il ne m’en reste plus qu’un», commente-t-il.

Emilien Piot, le responsable du centre de prestations de Fenaco, à Bercher, déclare que la saison s’annonce particulièrement compliquée pour les agriculteurs n’ayant pas pu arroser leurs pommes de terre. «Certaines variétés, comme l’agria et la bintje, qui avaient poussé comme elles pouvaient, dans un sol dur, risquent de regermer avec l’arrivée de la pluie», explique-t-il. A ce stade, il n’envisage pas une bonne année en matière de production -la croissance des patates a été stoppée prématurément et la gale sévit-, et craint une édition catastrophique si aucune évolution de la météo ne survient d’ici début septembre.

Jean-Pierre Jacot, d’Essertines-sur-Yverdon, a connu de meilleures années. © Nadine Jacquet

Jean-Pierre Jacot, d’Essertines-sur-Yverdon, a connu de meilleures années.

Quant aux betteraviers de la région, ils se trouvent dans deux cas de figure, si l’on en croit Jean-Philippe Décoppet. Le membre du comité de la Fédération suisse des betteraviers relève que ces légumes sont munis de radicelles -des petites racines de la taille d’un cheveu- de quatre à cinq mètres de long. Un atout de taille où la nappe phréatique est à portée, comme dans la plaine de l’Orbe. Les producteurs situés sur les sols caillouteux et éloignés de ce réservoir des hauts de Valeyres-sous-Rances et d’Orbe, ainsi que de la région de Bavois, ont, à ses yeux, davantage de soucis à se faire.

Ludovic Pillonel

Des mesures pour faire face au trop grand nombre de tomates présentes sur le marché

© UMSAlors que la plupart des légumes crèvent sous la canicule, les tomates, elles, en jouissent. La météo chaude et ensoleillée a joué un tour aux producteurs de tomates qui planifient avec précision quand les tomates seront récoltées. Comme elles mûrissent plus rapidement, elles doivent être récoltées plus précocement, écrivait, hier, l’Union maraîchère suisse.

Ainsi les quantités sur le marché sont importantes cette semaine, alors que de nombreux consommateurs sont en vacances, et les tomates peuvent venir à manquer dans les prochaines semaines. Pour l’Union maraîchère, cette situation démontre, une fois de plus, que les maraîchers sont très dépendants des conditions météorologiques et qu’une planification n’est pas toujours possible.

Afin de mettre les tomates fraîchement récoltées à la disposition des consommateurs, des actions moyennant des prix plus attractifs sont ainsi prévues, dès vendredi, chez les grands distributeurs, indique l’Union maraîchère.

ATS