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«Les agriculteurs ont une responsabilité énorme quant au sous-sol et aux eaux»

26 octobre 2020

Étienne Candaux a creusé une fosse sur son terrain ainsi que sur celui de son voisin pour comparer l’état de leur terre. Et le résultat, présenté en première Suisse, a bluffé tout le monde.

Sur le parking de la salle communale du Tirage, on pouvait apercevoir des plaques argoviennes, bernoises, valaisannes, neuchâteloises, genevoises… Qu’est-ce qui a bien pu réunir des gens d’horizons si différents à Premier mardi matin? Une première suisse pardi! Durant quatre ans, l’agriculteur et syndic du village étienne Candaux a testé les produits Sobac. Il a ainsi mis de la poudre sur son fumier et purin pour activer le compostage, et semer une sorte de fertilisant sur ses terres pour créer de l’humus dans le sol (des matières organiques décomposées). Et mardi, le fabricant et un expert ont présenté les premiers résultats. Ils ont comparé la biologie d’une parcelle traitée avec ces produits et une qui ne l’est pas.

 

Étienne Candaux, pourquoi avez-vous voulu être dans les premiers à tester cette marque française en Suisse?

Il y a environ huit ans, j’ai lu un article dans La France agricole sur un éleveur qui était dans une situation misérable. Il disait qu’il avait quitté l’autoroute de la mort, en référence à l’agriculture intensive, et que c’était grâce à ces produits Sobac qu’il avait pu redonner de la vie à son sol. Je me souviens qu’à ce moment-là, je me suis dit: soit il est fou soit il a compris beaucoup de choses!

C’est là que vous avez contacté Sobac?

Non, j’ai mis cet article dans un classeur et je n’y ai plus pensé durant deux ans. Puis j’ai vu passer d’autres témoignages d’éleveurs dans les journaux et j’ai pris contact avec la responsable pour l’export de la société qui m’a orienté vers l’importateur.

étiez-vous sur «l’autoroute de la mort» comme ce paysan français?

Non, pas du tout. On ne se focalise pas sur le rendement. Mon principal et seul souci, c’est de produire assez pour nourrir mes animaux. Par contre, quand on a plus de 200 bêtes, on se demande parfois ce que l’on va pouvoir faire avec le purin et le fumier. Souvent, on les considère comme des sous-produits alors que c’est juste l’inverse, quoi. On les compte pour rien et on sème des engrais chimiques. Bon, nous, à Premier, on n’a jamais été de grands arroseurs de produits, mais on s’est aperçus que pour travailler ce purin, il fallait le valoriser de manière intelligente. La Sobac est une solution, mais on en a essayé d’autres avant.

Pourtant ces produits finissent sur vos terres puisque vous épandez du purin?

Oui, mais c’est l’intérêt puisqu’ils permettent de recréer de la vie dans le sol. Joyce Dordonni, de Sobac, l’a dit ce matin: le produit contient 28 000 souches de micro-organismes différents, c’est un peu comme un super probiotic que l’on prend pour le ventre. Après, il faut rester des gens passionnés, parce que si vous ne voyez pas ce qu’il se passe sur vos terres et avec vos animaux, vous ne trouverez jamais la bonne solution.

Justement, qu’avez-vous observé chez vous avant de mettre le produit?

On a vu que lorsqu’on étendait le fumier sur la litière des veaux, cela avait un effet sur l’atmosphère, car ils toussaient. Il faut aller se coucher une fois où les animaux dorment pour se rendre compte de ce qu’ils respirent! C’est un test que j’ai fait chez des éleveurs en difficulté et je peux vous dire que vous avez les yeux qui piquent à cause de l’ammoniaque qui est dans le fumier! Avec ça, un jour le veau va faire une vraie pneumonie et même si vous le soignez, il restera faible.

Après quatre ans de tests, avez-vous constaté une amélioration?

Bon, au niveau de la santé des animaux, on n’est pas encore au top. On a une bactérie qui s’attaque aux sabots.

Et pour vos champs?

Le maïs a pris de bonnes secouées cette année. Il est presque devenu blanc tellement qu’il avait soif et les feuilles s’enroulaient. On a vraiment cru qu’on allait tout perdre. Dès qu’il y a eu les premières pluies, tout est redevenu vivant et on a eu des résultats vraiment corrects, surtout pour une deuxième culture. C’est une prouesse! On a même eu une peine folle à sortir les racines tellement le système racinaire était important. Et ça faisait longtemps qu’on n’avait plus vu ça !

Pourquoi était-ce important pour vous de chercher une solution pour améliorer la santé de vos sols?

En tant que syndic, je suis souvent confronté aux analyses d’eau. Je peux vous dire qu’actuellement mes collègues syndics de plaine se grattent la tête par rapport à tout ce que l’on trouve dans l’eau aujourd’hui comme pesticides et, j’allais dire, saloperies. Ce sont des résidus qui restent longtemps et qui sont extrêmement dangereux pour la santé.

En quoi cela concerne les paysans?

Aujourd’hui, les agriculteurs ont une responsabilité énorme quant à la qualité du sous-sol et des eaux qui est l’élément premier de la vie. Et ceux des montagnes ont une responsabilité encore plus grande car l’eau, c’est nous qui l’envoyons en plaine.

Lundi, vous avez dû creuser un trou dans votre champ. Qu’avez-vous ressenti en voyant les entrailles de votre terre?

J’ai eu un gros coup d’émotion (il était encore ému, mardi). C’est incroyable de voir que la vie a repris le dessus. On voit des racines descendre très profondément et la structure du sol a changé. Le profil de terre, c’est le reflet de ce qu’il se passe dessus et de la façon dont on travaille.

 

«Je pensais que c’était une religion ces histoires, mais j’ai été très impressionné»

 

Deux paysans de Premier, amis de longue date, se sont prêtés à une expérience scientifique. Sur chacun de leurs terrains, qui sont séparés de quelques mètres, une fosse de 2 m de profondeur a été creusée. L’expert agronome indépendant Christophe Frebourg y est venu faire des analyses. Mais même un œil non avisé pouvait remarquer les différences. L’odeur, les couleurs, la température et la texture: tout était différent. Chez Etienne Candaux, la terre foncée descendait bien plus bas et se fondait avec les couches inférieures, l’argile s’avérait friable et des longues racines étaient visibles. Alors que chez Vital Graber, les limites de strates étaient nettes et l’argile très dur.

«Encore lundi, je pensais que c’était une religion ces histoires, mais j’ai été très impressionné des résultats. Je ne m’imaginais pas qu’il pouvait y avoir une telle différence d’acidité alors que ce sont des exploitations similaires, admet Vital Graber. Je mets très peu de chimie, j’utilise du purin et du fumier. Il y a juste un herbicide.» Et l’agriculteur d’ajouter: «Je me disais qu’au moins au niveau du tassement du terrain, je devais être meilleur vu qu’étienne passe avec des engins deux fois plus lourds que les miens, mais non, pas du tout. ça donne à réfléchir…»

 

Un sol deux fois plus aéré

 

Après une présentation des produits Sobac (l’entreprise française engrange un chiffre d’affaires d’environ 35 millions d’euros), les agriculteurs sont allés se salir les bottes. Le spécialiste Christophe Frebourg n’a pas hésité à distiller ses conseils, en taclant au passage les entreprises qui vendent parfois plus de rêves que de résultats aux paysans. «Par contre, c’était gonflé de la part de Sobac d’organiser un événement sans même connaître les conclusions des tests qu’on a fait la veille (ndlr: lundi)», a déclaré le Breton. S’il a tenu à voir, toucher et renifler ce qu’il se passe dans les entrailles de la terre, c’est parce que c’est là que se trouve la vérité selon lui. «Pour faire une belle culture, il faut un beau sous-sol, relève-t-il. Et le pH parfait n’existe pas, il faut qu’il soit régulier de 0 à 2 m de profondeur. Et pour ça, la chimie ne peut rien faire, il n’y a que la biologie qui peut y arriver.» En résumé, pour avoir un sol fertile, il doit pouvoir gérer l’eau, l’air et les micro-organismes. La clé du succès: une terre légère, car si elle est compacte la microfaune meurt. Le spécialiste a révélé mardi que le champ d’étienne Candaux était deux fois plus aéré que celui de Vital Graber. En plus, il avait un pH régulier sur tous les niveaux.

Christelle Maillard