Voilà une quinzaine de mois que César Meylan n’avait plus pu rendre visite à sa famille. De passage dans le coin, le préparateur physique des équipes du Canada en a profité pour faire le plein (de l’estomac) de spécialités locales, et notamment le papet. On n’est pas le fils de «Bouillon» pour rien.
César Meylan et son job
Initialement en charge de la préparation physique des féminines de Canada Soccer, César Meylan s’occupe également des hommes depuis 2018. Le voilà qui se retrouve à diriger des éléments de la trempe d’Alphonso Davies, le joueur de couloir du Bayern Munich. «Les hommes sont bien entourés dans leurs clubs respectifs. C’est moins le cas de certaines filles, à qui je prépare des programmes individuels pour se maintenir en forme», souligne le spécialiste de 40 ans.
Le foot canadien se développe. Depuis 2012, trois clubs évoluent en Major League Soccer. L’éclosion de talents comme Alphonso Davies ou Jonathan David, qui vient de s’engager à Lille, sont les fruits de cette avancée. Les déplacements lors des réunions internationales demeurent un obstacle. «Il n’est pas toujours évident de convaincre des joueurs évoluant en Europe, surtout les plus anciens, de faire 22 heures d’avion pour disputer des affiches contre les Îles Caïmans ou Aruba. Et cela coûte cher.» C’est pourtant ce qui attend les Canadiens l’an prochain, lors de la première phase de qualification pour le Mondial 2022.
Des expériences qui méritent néanmoins d’être vécues. César Meylan se souvient d’un déplacement bucolique à Saint-Christophe-et-Niévès, dans les Caraïbes. Le Canada s’y est imposé 1-0 «sur un champ de patates, par 35 degrés». Au moins, le public n’était pas hostile. «Je ne l’ai pas vécu moi-même, mais il y a six ou sept ans, la fédération panaméenne avait publié le nom de l’hôtel où l’équipe logeait et, toute la nuit, la population a organisé une street parade sous les fenêtres, avec des motos pétaradantes, des feux d’artifice et de la musique à coin, raconte-t-il. L’Amérique centrale, c’est autre chose!»
César Meylan et sa famille
Lorsqu’il pose ses valises en Suisse, c’est chez sa maman, pour passer du temps avec les siens, ses amis, ses neveux et sa nièce. On avait prévu une fête pour ses 40 ans, repoussée au printemps, finalement annulée cet automne. Quand il revient, il demande qu’on lui prépare des spécialités. Quand il repart, il charge sa valise de raclette, de fondue et d’un tas de gourmandises. «Mon père me glisse une bouteille de goutte. Je n’ai pas beaucoup d’habits», sourit le sportif. C’est comme ça, dans la famille. Et le «Canadien» du clan de se souvenir d’une visite de «Bouillon» en Australie. «Il avait emmené des saucisses aux choux qu’il avait dû laisser à la douane en arrivant. Mais il les avait récupérées au retour!»
C’est aussi grâce à Denis «Bouillon» Meylan que la belle-famille du fiston a découvert la raclette. Désormais, elle est au menu au moins trois fois par année. «Ils en sont enragés, raconte César Meylan. Pourtant mon père en avait amené du corsé. Eux mettent n’importe quel fromage: du cheddar, du gouda, pourvu qu’il fonde. Et, sur la plaque, ils grillent de tout, salami, champignons… J’appelle ça la raclette canadienne.»
Chez les Meylan, l’humour tient une place centrale. «C’est obligé, on rigole toujours quand on est réunis! Parfois, je traduis un gag en anglais. Mais là-bas, on trouve plutôt du stand up. Il n’y a pas tellement d’humoristes qui racontent des blagues au coin d’une table.»
César Meylan et la Suisse
Expatrié depuis des années, César Meylan n’en oublie pas ses racines. Ses confrères peuvent en témoigner, et ils ne sont pas les seuls. Lors du Mondial 2018, il a suivi le match contre le Brésil au milieu de supporters auriverde. «Quand Zuber a égalisé, c’est tout juste si je n’étais pas debout sur le bar!» Contre la Serbie, il se trouvait chez un ami. «Au 2-1, j’ai renversé ma bière dans le salon en courant partout. Quand il y a des compétitions majeures, mes collègues sentent que je suis Suisse…»
Le travail réalisé par la Nati est reconnu à l’extérieur. César Meylan se verrait-il y revenir un jour pour travailler? «La Suisse est une belle nation du foot, y bosser m’intéresserait beaucoup.» Un retour n’est toutefois pas si simple à prévoir, lui qui partage la vie d’une Canadienne anglophone et est papa d’une fille de 5 ans. «Je ne reviendrai pas sans d’excellentes conditions. Lors de mes études, j’ai vécu durant cinq année avec 25 000 balles par an. Je sais ce que c’est de plonger des cervelas. Quand on est jeune, on n’a que soi, là ce n’est plus le cas.»
Le tour du monde et des grands événements
Lorsqu’il s’exprime dans sa langue maternelle, son accent – et il a de qui tenir – trahit le fait qu’il a grandi dans le Gros-de-Vaud, à Poliez-le-Grand précisément. Au cœur de Vancouver, où César Meylan vit, ses interlocuteurs sont pourtant incapables de deviner d’où il provient lorsqu’il converse dans la langue de Shakespeare. «Les gens pensent parfois que je suis Scandinave ou Allemand, mais jamais on ne me qualifie de Suisse ou même de Français», se marre-t-il. Il faut dire qu’il a parfait son anglais en Australie et en Nouvelle-Zélande, avant de s’installer pour de bon au Canada en 2013. Et c’est peut-être aussi, simplement, parce qu’il est blond aux yeux bleus.
Ancien gymnasien d’Yverdon, le préparateur physique de Canada Soccer a fait ses papiers à l’Université de Lausanne, outre un échange en Colombie-Britannique, avant de rejoindre Perth, au pays des kangourous. D’un bond, il a rejoint celui des kiwis, où il a obtenu son doctorat et a intégré le staff de l’équipe nationale féminine de foot. Une sélection néo-zélandaise avec laquelle il a vécu la première des trois Coupes du monde des dames à son actif, avant de partir pour la nation à la feuille d’érable. Le jeune quadragénaire a également participé à deux épopées des Canadiennes aux Jeux olympiques, qui se sont soldées par autant de médailles de bronze.
«J’ai quitté la Suisse car je voulais m’ouvrir au monde», raconte le globe-trotter au look de surfeur, l’une de ses passions héritées de ses années passées dans l’hémisphère sud.
Lucien Favre comme entraîneur-assistant
Formé à Echallens, où il a joué trois saisons en 1re ligue, le footballeur César Meylan a poursuivi sa carrière en 2e inter. À Epalinges. Et ça, son papa, l’a toujours en travers de la gorge. «Il a en rage que je ne sois jamais allé à son FC Thierrens. Mais à l’époque, l’équipe devait être en 3e ligue, et ça ne m’intéressait pas, rigole le milieu de couloir capable d’évoluer en attaque. À présent, il ne manque jamais de me rappeler qu’Epalinges est en 4e ligue!»
Sur son CV est inscrit qu’il a été entraîné par un certain Lucien Favre. Une anecdote qui fait son effet, même au Canada. «J’étais alors en C à Echallens, et Lulu était l’assistant de Johny Bordin, qui tient l’imprimerie à Assens!»
César Meylan a continué à taper dans le ballon malgré ses déménagements. Que ce soit en Australie, en Nouvelle-Zélande ou au Canada. «Je joue encore pour le club de Westside, à Vancouver, à un niveau que j’estime proche de celui de la 2e ligue ou 2e inter, glisse celui qui a hérité de son père cet amour pour le ballon rond. Tant que je suis en forme, je continue.»
De l’autre côté de la ligne de touche, César Meylan prépare les sélections canadiennes aux échéances qui s’annoncent. Les Jeux olympiques l’été prochain pour les filles – toujours à la recherche d’un nouveau coach – et les qualifications pour le Mondial au Qatar pour les garçons. Le format de compétition a été changé par la CONCACAF, et les «Canucks» devront disputer vingt (!) matches jusqu’à l’été 2022 pour espérer se rendre au Mondial. Le préparateur physique a du pain sur la planche.