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Les blouses blanches  vertes de rage
Ste-Croix, 05.11.19, hôpital.© CArole Alkabes

Les blouses blanches vertes de rage

6 novembre 2019 | Edition N°2618

A Sainte-Croix comme dans la plupart des hôpitaux du canton, le personnel s’est mobilisé hier. En cause, des augmentations de salaire destinées à une partie limitée du personnel.

Pour des questions d’équité, la majorité du personnel de Réseau santé du Balcon du Jura affichait un badge mentionnant «même patient = même travail = même salaire», hier matin. Les infirmières étaient habillées de noir. Devant l’hôpital sainte-crix, des banderoles expliquaient la colère des employés. Et il en était probablement de même dans tous les hôpitaux publics du Canton. Car si nul ne conteste l’urgence d’augmenter les salaires du personnel médical, l’enveloppe de 13 millions octroyée par le Conseil d’état ne suffira pas. Le grand perdant est le personnel travaillant dans la restauration et l’intendance.

Motivation intacte

Ghislaine Gabriele, veilleuse et représentante syndicale sur le site du réseau santé des Rosiers, à Sainte-Croix, ne décolère pas. «Nous n’acceptons pas que seule une partie d’entre nous soit augmentée. Le personnel hospitalier travaille dur et n’a rien reçu depuis des années. Nous revendiquons des augmentations pour tous. Il avait été décidé que le personnel des EMS reçoive une augmentation de salaire au 1er septembre déjà. Or, il n’en a rien été. Depuis, on a réalisé que les organisations patronales bloquent ce qui avait été convenu, à savoir une harmonisation des salaires basée sur la grille salariale de l’Hôpital Riviera Chablais (HRC). Nous ne sommes pas d’accord.»

La représentante des hôpitaux, Patricia Albisetti, secrétaire générale de la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV), résume: «Le 1er mai 2019, le Conseil d’état a décidé d’octroyer une enveloppe de 13 millions de francs aux hôpitaux, aux Soins à domicile et aux EMS. Cette décision a été confirmée le 3 octobre dernier. Il s’agissait de s’aligner sur la grille salariale de l’HRC. Or, les moyens mis à disposition n’ont pas permis d’augmenter les revenus de l’ensemble des travailleurs. Contrairement à ce que souhaitait le Conseil d’état, à savoir rémunérer mieux les vingt-neuf fonctions de l’HRC, en accord avec les syndicats, nous voulons étendre cette revalorisation à l’ensemble du personnel soumis à la CCT.»

Pour Patricia Albisetti, la manifestation d’hier ne sert qu’à faire pression sur les négociations. «C’est un dossier très compliqué. La clé de répartition de cet argent n’est pas facile à trouver. De plus, les patrons des EMS estiment que la bascule salariale est insuffisante, ils aimeraient une convergence totale. Mais il faudrait 40 millions sur la table, tout de suite. Or, c’est impossible.» Face à ce constat de blocage, le personnel a décidé de se mobiliser dans tous les établissements du canton et de se rassembler dès 16h30 sur la place du Château, à Lausanne, devant le Grand Conseil. Les quelque 200 manifestants d’aujourd’hui, avec parmi eux Pierre-Yves Maillard, ont averti qu’ils n’hésiteront pas à se mettre en grève le 5 décembre si aucun accord n’est trouvé d’ici là.

Incompréhension et malaise

«Il n’a jamais été question de renoncer à améliorer les salaires. Si certains à Sainte-Croix pensent le contraire, ils ont mal compris», relève la secrétaire générale de la FHV. Qui admet: «Nous aimerions que les personnes qui travaillent dans l’administratif et l’intendance en bénéficient aussi. Nous sommes en train de faire les calculs. On souhaite  améliorer les conditions salariales des personnes les moins bien rétribuées. Et il n’y aura pas de pression sur les effectifs. Les syndicats et les employeurs  doivent poursuivre les discussions avec le Conseil d’état. Et se soucier des conditions pour 2021. Je peux vous dire que la totalité de ces 13 millions vont être libérés prochainement pour augmenter le personnel.» Actuellement, une infirmière sans expérience, fraîchement diplômée et sans spécialisation touche 5052 francs, soit 246 francs de moins qu’à l’HRC.

Quoi qu’il en soit, un certain malaise plane sur la santé en général et le Nord vaudois en particulier. Le directeur du Réseau de santé des Rosiers, à Sainte-Croix, a refusé de nous parler, évoquant un agenda trop chargé.

Il manque 37 millions de francs pour s’aligner sur le CHUV

L’ancien conseiller d’état Pierre-Yves Maillard a mandaté deux études.

«L’ancien conseiller d’état Pierre-Yves Maillard a entendu les revendications des syndicats. Il a mandaté une étude pour mettre tous les salaires au niveau du CHUV. Il aurait fallu 50 millions de francs pour y arriver! Ce n’était pas possible», relève Patricia Albisetti. Il a donc mandaté une seconde étude, basée sur les conditions salariales de l’HRC.

Depuis, il y a eu des interpellations au Grand Conseil, certains dénonçant une étude trop rapide et partielle. Pour les syndicats, notamment celui des services publics (SSP) Vaud: «Au fil des mois, les représentants des faîtières patronales des EMS, des soins à domicile et des hôpitaux régionaux ont bloqué les négociations. Ils n’ont pas respecté les engagements pris d’aller vers une bascule de la grille salariale de l’HRC, peut-on lire dans un communiqué. Ils ont tenté de diviser les employeurs qui souhaitent augmenter certaines fonctions mais pas toutes. Le personnel refuse d’entrer dans ce jeu. Les augmentations doivent couvrir tous les secteurs signataires de la CCT, soit les soins, l’animation, mais aussi l’intendance et l’administration. Le salaire minimum de l’ensemble de ces fonctions doit être augmenté.»

Dominique Suter