Les caméras de la gare déchaînent les passions
10 novembre 2014Le Législatif de la Cité thermale a accepté de justesse, lors de sa séance de jeudi dernier, d’élargir le périmètre de la vidéosurveillance, au terme d’un débat émotionnel gauche-droite qui a fait ressortir les divisions de la Municipalité.

Depuis leur installation, les caméras sont tournées uniquement vers la gare. Le Conseil communal a souhaité qu’elles puissent également filmer en direction du Jardin japonais.
Le 8 février 2009, la majorité des Yverdonnois (56%) avait accepté l’installation d’un système de vidéosurveillance à la place de la gare, au terme d’une campagne des plus émotionnelles. Près de six ans plus tard, le sujet reste des plus sensibles et il n’a suffi que d’une étincelle pour remettre le feu aux poudres. Cette étincelle est venue de la conseillère communale PLR Valérie Jaggi Wepf, qui, en juin dernier, déposait une motion demandant que l’on débride les caméras, actuellement bloquées sur un angle de 180°. L’objectif est de pouvoir permettre à ces instruments de filmer à 360° et, ainsi, de surveiller le Jardin japonais et ses environs.
Doutes sur l’efficacité
Cette proposition a provoqué une véritable levée de boucliers. Le rapporteur de la minorité de la commission qui a traité la motion, Yann Mamin , de Solidarité&Ecologie, a vivement regretté le manque de données «concrètes et fiables» sur l’efficacité de ces caméras. De manière plus pragmatique, il a déclaré ne pas comprendre l’utilité de les tourner du côté de la ville, où la vue est bouchée par le kiosque à journaux et les arbres. «Et pendant qu’elles seront positionnées en direction du Jardin japonais, comment surveillera-t-on ce qui se passe à la gare», s’est-il demandé.
Une position soutenue par de nombreux conseillers de gauche, dont le socialiste Giancarlo Valceschini, qui refuse d’être «complice d’une duperie»: «Rien ne permet de démontrer l’efficacité de ces caméras, qui n’ont même pas l’avantage d’être dissuasives, vu qu’elles n’empêchent pas le trafic de stupéfiants». Tout en précisant qu’il était ouvert à discuter toute proposition visant à améliorer la sécurité à la gare, il a lancé: «Mais ce n’est pas en enlevant les oeillères à des aveugles qu’on leur rendra la vue.» Sans surprise, les élus de droite ont massivement soutenu la motion.
De son côté, Jean-Daniel Carrard, municipal en charge de la police, a défendu l’utilité des caméras, même s’il a admis la difficulté d’obtenir des statistiques, car l’exploitation des images -elles peuvent uniquement être visionnées, a posteriori, à la demande de magistrats- est couverte par le secret des enquêtes. L’élu PLR a néanmoins indiqué que la justice avait déposé 23 demandes en 2012, 27 en 2013 et 30, pour le moment, en 2014. Jean-Daniel Carrard a, enfin, regretté que le Règlement communal, plus restrictif que la loi cantonale, ne permette pas de visionner les images en temps réel, ce qui serait une aide précieuse, selon lui, pour les policiers.
Arguments similaires
Signe des tensions suscitées par ce dossier, y compris au sein de la Municipalité, le syndic Daniel von Siebenthal a ensuite pris la parole pour expliquer pourquoi l’Exécutif n’était pas entré en matière lors d’une précédente demande d’élargissement du champ de vision des caméras, déposée celle-ci directement par la police. «Nous n’avions pas reçu la moindre preuve ou statistique démontrant l’efficacité du système», a expliqué le socialiste, insistant sur le fait qu’il n’était «jamais anodin de couvrir le territoire avec de la vidéosurveillance».
L’un des grands artisans de l’initiative de 2009, l’indépendant Jean-Louis Vial, a regretté que l’on refasse le débat qui avait déjà eu lieu: «Il y a les mêmes personnes, avec les mêmes arguments, à la différence qu’il y a eu une votation populaire et que le peuple a accepté l’installation de caméras, qu’elles couvrent un angle de 180° ou de 360°». De son côté, la motionnaire et candidate à la Municipalité, Valérie Jaggi Wepf, n’a pas caché sa «stupéfaction »: «Je ne comprends pas que l’on se prive de l’entier des possibilités d’un matériel qui est entièrement financé et dont l’installation a été acceptée par la population. » Le Conseil lui donnera finalement raison, de justesse, renvoyant la motion à la Municipalité par 41 oui, 38 non et 5 abstentions.
Postulat en fin de séance
Mais il n’en était pas tout à fait fini des caméras lors de cette séance de jeudi. Le socialiste Stéphane Balet, qui s’est abstenu précédemment, a fait voter, en fin de Conseil, un postulat en vue d’obtenir les statistiques exactes de l’utilisation des caméras. «Il faut que nous puissions nous appuyer sur des éléments moins émotionnels, a conclu le candidat à la Municipalité. Car dans le fond, si nous divergeons sur les moyens pour y arriver, nous souhaitons tous améliorer la sécurité à la gare.»
Rarissime: une question discutée en huis clos
C’est sans aucun doute l’intervention qui a fait le plus «causer» le petit landerneau politique yverdonnois ce weekend. En fin de séance, le PLR Dominique Viquerat a surpris le Conseil en posant une question sur les conditions de départs récents de plusieurs employés de l’administration communale. Véritable charge contre la politique des ressources humaines de la Ville, autant que cri du coeur, l’un des départs étant celui de son amie.
La question du PLR, mettant directement en cause des collaborateurs de l’administration, a créé un malaise jusque dans les rangs de son parti et a provoqué l’ire de la gauche, qui a demandé -et obtenu- que les débats sur ce point se poursuivent en huis clos, afin de protéger les personnes concernées. Public et journalistes ont donc été invités à quitter la salle. Les caméras qui retransmettent la séance en direct ont également été arrêtées. La mise en ligne de la vidéo de la séance sur le site de la Commune a, par ailleurs, été retardée par la présidente du Conseil, Carmen Tanner, le temps de vérifier par un avis de droit ce qui pouvait être diffusé. La vidéo sera ainsi disponible en début de cette semaine, sans la dizaine de minutes du huis clos, mais avec l’entier de l’intervention de Dominique Viquerat. Un élu qui, interrogé le lendemain, assume pleinement son action coup de poing, qui visait «à crever l’abcès ». De son côté, le syndic Daniel von Siebenthal a promis d’apporter toutes les réponses à cette attaque lors d’une prochaine séance, avant son départ à la fin de l’année.
Pour rappel, la dernière requête de huis clos date de juin 2007. Il avait été demandé pour assurer la sécurité de victimes lors d’un débat relatif à des violences répétées commises par une bande de jeunes dans le quartier des Cygnes. L’article de La Région Nord vaudois de l’époque, qualifiait alors cet événement d’«historique » pour le Conseil communal.