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Les deux vies de Jean-Marc Berset

11 juin 2015

Paracyclisme – Boulanger-pâtissier au grand coeur et multiple champion du monde de handbike, l’inusable Bullois fera partie des favoris des épreuves d’Yverdon, dès dimanche.

Bienvenue dans le monde de Jean-Marc Berset, son tearoom, à Bulle. © Nadine Jacquet

Bienvenue dans le monde de Jean-Marc Berset, son tearoom, à Bulle.

L’existence de Jean-Marc Berset semble indissociable d’une certaine forme de dualité. Sa vie d’avant son accident de 1983, et la nouvelle qu’il a entamée ensuite; sa première carrière handisport en fauteuil, de 1986 à 1996, et la seconde, en paracyclisme, entrerpise en 2008; son emploi de boulanger-pâtissier et son statut de sportif d’élite. «La boulangerie, c’est mon autre vie. Mon équilibre», lance le Gruérien aux bras gros comme ça.

Une incroyable aura émane de lui, lorsqu’il accueille, avenant, les clients de son tea-room, au coeur de Bulle. «Si on me donnait la possibilité de remarcher demain, je ne prendrais pas cette option, annonce-t-il d’entrée, sans jamais se départir de son son sourire franc et généreux. Mes 32 années de fauteuil sont autant de découvertes. Ça m’a ouvert d’autres perspectives. C’est une deuxième vie qui a démarré. Certaines choses se sont simplement faites un peu plus tard; le mariage avec mon épouse, la reprise du commerce familial, la naissance de nos deux enfants.»

Footballeur, athlète et skieur dans sa première vie, le Fribourgeois au regard perçant, qui trahit la détermination du bonhomme, a trouvé son salut dans l’effort, après cinq mois d’hospitalisation. «Mes amis courent, moi je roule», s’est-il dit, en se décidant à aller se dépenser en compagnie de ses camarades du club d’athlétisme, à deux pas de la boulangerie. «Quand on est sur un fauteuil, c’est à nous de faire le premier pas vers les autres, sans quoi une gêne s’installe. Les gens ne savent pas comment réagir», assène-t-il. Un précepte qu’il applique au quotidien, en tutoyant presque instantanément les personnes qu’il rencontre.

Rapidement, il se retrouve à rouler plus vite que ceux avec qui il s’entraîne, gagnant les compétitions auxquelles il participe. Alors, par souci de justesse et pour éviter les tensions, il s’intéresse au handisport. Le début d’une immense carrière. De 1986 à 1996, véritable phénomène, il milite parmi les meilleurs spécialiste sur piste. Au point de remporter trois médailles olympiques. Il range son fauteuil de course après les Jeux d’Atlanta, d’où il revient bredouille. Fini le sport? Pas du tout! Il se met au tennis, pour taper la balle avec ses fils… puis en compétition, jusqu’à entrer dans le top 100 mondial (90e). «J’ai une tête dure», dit-il, la banane au travers du visage.

Arrivent les Paralympiques de Pékin. Là, il voit son ami Heinz Frei remporter deux médailles d’or en paracyclisme. Le Bernois a alors 50 ans, deux de plus que lui! Jean-Marc Berset se dit que si son ancien camarade d’équipe nationale peut encore gagner, lui aussi en est peut-être capable. Il prend alors son téléphone. «Tu as fait longtemps avant de m’appeler», lui répond Heinz Frei, qui lui prête un vélo. Une année plus tard, le Gruérien est champion du monde! «Heinz a peut-être regretté», lance, hilare, le boulanger-pâtissier.

Depuis, il a conquis quatre nouveaux titres mondiaux et, surtout, a retrouvé les Jeux, à Londres, en 2012. Archifavori du contre-la-montre, le charismatique Bullois se plante. Il se classe au cinquième rang. «Qu’est-ce que c’était dur ! Quelle journée terrible», se souvient-il. L’échec est d’autant plus cuisant que ses supporters étaient venus en nombre le soutenir. Mais, deux jours plus tard, il réagit en champion, et remporte l’argent de la course en ligne. Un de ses plus beaux souvenirs, avec les moments vécus aux Jeux de Barcelone, dans un stade comble, vingt ans plus tôt. Là où le roi du gâteau bullois -la spécialité de la maison- avait remporté sa dernière médaille olympique, avant son retour.

Jean-Marc Berset est inusable. De son laboratoire, le soir, où il prépare le pain, à son vélo, sur lequel il s’installe chaque matin (il parcourt 20 000 km par année), il évolue en faisant fi du poids des années. En témoignent ses résultats. «Le plus dur, c’est de trouver la motivation sur la longueur», estime le sportif de 54 ans, ne sachant pas vraiment dire pourquoi il est encore capable de gagner: «Peut-être que, comme on n’a qu’un tiers du corps qui est utilisé, le peu de fonctionnel qui nous reste, on en prend bien soin.» Ses biceps en sont une belle preuve.

Quand sera-t-il l’heure de dire stop? «Combien de fois a-t-on déjà repoussé l’échéance, murmure-t-il, en s’enquérant que sa femme n’écoute pas. Je devais déjà arrêter en 92, et on a été jusqu’en 96.» Avant de reprendre, en 2008, en pensant à Londres. Désormais, c’est pour Rio 2016, le prochain gros objectif de l’homme aux cinq médailles olympiques -mais jamais l’or!- qu’il continue: «Ce sont les résultats qui me poussent à rouler. »

Avant le Brésil, Yverdon

Avant le Brésil, il y a Yverdon. La Coupe du monde de paracyclisme fera escale en Suisse, ce week-end. Tout content de pouvoir rouler à domicile, le Gruérien est, forcément, déjà allé reconnaître les parcours. «En handbike, on sera à 40 km/h lors du contre-la-montre. Tout le défi consistera à tenir cette moyenne», estime l’expert. Le tracé vallonné de la course en ligne devrait particulièrement lui convenir. «Il y aura de la sélection. Il va y avoir du monde partout sur la route», annonce haut et fort l’un des deux seuls Romands engagés en handbike.

En effet, le jeune Nicolas Chammartin (30 ans), lui aussi fribourgois, viendra faire ses armes dans la Cité thermale. L’homme à qui, peut-être, Jean-Marc Berset passera le témoin, une fois. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Il n’a que deux vies.

 

Programme

Jusqu’à samedi: Silke Pan tient un stand à Migros Métropole.

Samedi: 17h-19h entraînement contre-la-montre (hippodrome – grève – hippodrome). 19h-20h challenge des autorités.

Dimanche: 9h-18h contre-la-montre.

Lundi: 9h-20h course en ligne (av. des Bains, Cheseaux-Noréaz, Villars-Epeney, La Mauguettaz, Cuarny, Pomy, av. des Bains).

Mardi: 9h-17h course en ligne. 17h30-18h30 relais par équipes (av. des Bains, Quatre-Marronniers, Haldimand, Cordey).

Attention aux restrictions de circulation. Suivez les indications des plantons.

Manuel Gremion