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Les fantômes rôdent la nuit au Centre thermal
. © Michel Duperrex

Les fantômes rôdent la nuit au Centre thermal

11 mars 2021

La clientèle des Bains a laissé la place à une équipe de tournage.

Un étudiant de l’ECAL (Ecole cantonale d’art de Lausanne) et son équipe ont pris possession des Bains yverdonnois pour les besoins d’un tournage qui s’inscrit dans un travail de diplôme. Hier, à la pause de la mi-journée, les discussions vont bon train au restaurant du Centre thermal. C’est un moment apprécié par les acteurs et l’équipe de tournage pour échanger. C’est aussi l’espace-temps idéal pour s’entretenir avec Sébastian Friedmann, le réalisateur, qui a choisi le site yverdonnois pour concrétiser son travail de diplôme sous la forme d’un court métrage de fiction, qu’il qualifie de «comédie fantastique».

Le scénario met en jeu un jeune fantôme, Serge, qui découvre rapidement que les lieux sont déjà investis par un ancêtre, Martial. De leur rivalité, naît une amitié. On n’en dira pas plus, pour préserver le suspense, car le film pourrait être projeté dans quelques mois sur les lieux du tournage. Une chose est sûre, il sera proposé en concours dans des festivals et, s’il est apprécié, il pourrait même être diffusé sur les chaînes de télévision. Voilà pour l’avenir.

Le présent, c’est six journées de tournage, avec des acteurs et une équipe formée d’amis et proches, ce qui concourt à une bonne ambiance. Mais passé le temps de la pause, les choses se passent le plus sérieusement du monde. Car il faut tenir le programme, ainsi que le budget, deux défis pour lesquels Sébastian Friedmann peut s’appuyer sur son premier assistant, Henri Marbacher. Ce dernier jouit d’une formation dans le domaine du cinéma et les deux hommes se connaissent bien. «Je m’occupe de tout ce qui n’est pas artistique», précise le premier assistant.

Car ce tournage n’est pas un exercice. C’est un vrai projet, réalisé en conditions réelles à tous les niveaux, budget compris. Les acteurs sont des professionnels, mais, à l’instar de Jean Winiger, alias Martial (voir ci-dessous), ils se contentent d’un défraiement.

Sébastian Friedmann a commencé à écrire son scénario en septembre de l’année dernière. Ce texte est loin d’être coulé dans le plomb, explique-t-il: «C’est un outil de travail pour le tournage. On peut le triturer.»

L’a-t-il écrit en songeant aux acteurs? «Oui, Serge (Nicolas Roussi) est un ami très cher, et mon colocataire. On vient les deux de Fribourg. Il a fait une école de théâtre à Lausanne et nous avons réalisé plusieurs projets artistiques ensemble, notamment un premier film. Depuis le début, le scénario a été pensé pour lui», relate le réalisateur, qui non seulement n’a pas la «grosse tête», mais s’étonne qu’un journal puisse s’intéresser à son travail.

Le scénario écrit, le réalisateur diplômant a consacré une partie de l’automne à la production. Son projet a séduit, puisqu’il fait partie des quatre films d’étudiants de l’ECAL qui seront coproduits. Le tournage devrait être achevé en cette fin de semaine, un peu en avance sur le programme. «Dès lundi, on commence le montage. J’ai tourné très vite et j’aurai un peu plus de temps pour le montage; deux mois environ. Et il faudra encore travailler le son et le coloris. J’aurai un monteur avec moi», ajoute le réalisateur, manifestement rassuré par la manière dont les choses se passent. Car il faudra être prêt en juillet pour permettre aux experts d’évaluer son travail.

Et puis ensuite, l’auteur devra s’investir pour promouvoir son film, «lui donner la meilleure vie possible en festival», ajoute-t-il, et, pourquoi pas, en télévision.

Le choix du Centre thermal s’est un peu imposé de lui-même. «Lorsque nous avons établi le contact, nous avons été très bien accueillis par la direction, notamment par Didier Brocard», relève le réalisateur. Et d’ajouter, en toute franchise: «J’avais la volonté de ne pas tourner dans le froid. C’est cool de tourner en intérieur. Et puis les vapeurs des bains thermaux et les fantômes, cela va bien ensemble.» Sans parler des effets et des ambiances nocturnes, car une partie du tournage a lieu de nuit.

La fermeture du Centre thermal au public, a bien entendu facilité les choses. Mais même si le site avait été en exploitation, Sébastian Friedmann et son équipe auraient été accueillis les bras ouverts. «Nous avons eu un excellent contact avec Didier Brocard et l’ensemble des collaborateurs. Ils n’ont pas peur de s’ouvrir et ils sont bienveillants. C’est gratifiant pour nous», conclut Henri Marbacher.

 

Un comédien solidaire avec la relève

 

Jean Winiger, alias «Martial» au Centre thermal, est un passionné. Chaque année, il donne de son temps à un jeune réalisateur.

 

Les comédiens et membres de l’équipe de tournage réunis par Sébastian Friedmann sont tout juste défrayés pour participer au court métrage qui fait office de diplôme. Contactés pour la plupart par internet, ils témoignent de la solidarité effective qui règne dans ce milieu, tout aussi atteint par la crise de la pandémie que l’économie en général.

Mais il en est un dont la présence surprend au premier regard. Jean Winiger, comédien fribourgeois, exilé de longues années à Paris, et revenu au pays pour s’établir dans la maison familiale de Corserey (FR) au décès de ses parents. Concentré sur son livre de notes, on n’ose le déranger. Mais quelques minutes plus tard, au hasard d’une rencontre dans le hall du Centre thermal, il arbore un sourire qui invite au contact. L’enfant de Corserey, village où il est né, explique que sa présence n’a rien de surprenant: «Une fois par année, je donne de mon temps pour un projet de ce type. Surtout si le sujet me plaît.» Et si le réalisateur a du répondant: «Il sait ce qu’il se veut.»

Aîné de neuf enfants, Jean Winiger prépare un spectacle sur Jean de La Fontaine qui sera présenté à Gruyères en été. «J’ai écrit le texte. C’est ma 66e pièce», dit-il avec fierté. A 76 ans, sa passion est intacte. Et le climat de Corserey lui sied à merveille: «Après 26 ans à Paris, j’ai retrouvé le jardin de mes parents et j’y pratique la permaculture. Je suis l’aîné de 9 enfants et mes parents agriculteurs m’ont encouragé. Ma mère disait que la culture de la terre était égale à la culture de l’esprit.»

Isidore Raposo