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Les fumeurs ont la gueule de bois

16 septembre 2009

L’interdiction de fumer dans les lieux publics est entrée en vigueur hier dans le canton de Vaud. Si certains adeptes de la cigarette et tenanciers reprochent à cette loi d’être trop restrictive, ils sont généralement résignés.

Michel, Milda et Jean s’habituent tant bien que mal à ce premier jour sans fumée.

Michel, Milda et Jean s’habituent tant bien que mal à ce premier jour sans fumée.

«Je vais sans cesse plonger ma main dans ma poche. Il n’y a que sous la douche que je ne fume pas!» Il est un peu plus de 7 heures au National à Orbe. Michel, fumeur invétéré, converse avec Jean, non fumeur.

A l’actualité du jour, bien sûr, la succession de Pascal Couchepin au Conseil fédéral, mais aussi l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’interdiction de la fumée dans les lieux publics dès ce 15 septembre. «C’est pour nous narguer que tu laisses ces cendriers traîner sur le comptoir?», questionne Michel, un sourire aux lèvres. «Mais, non, c’est pour la terrasse», répond Milda, tenancière.

Dans la Cité aux deux poissons, les tables, les chaises en plastique et les cendriers remplissent les rues, malgré la fraîcheur du matin. Sur les portes d’entrée des cafés et restaurants, des autocollants désormais réglementaires annoncent parfois la couleur: interdiction de fumer. Il règne presque un état de résignation, tant chez les restaurateurs que chez leurs clients. «Cela fait deux ans que nous interdisons la fumée durant les heures de repas, commente Daniel Grivet du Café-restaurant de la Croix d’Or. Alors ce n’est pas chez nous que vous trouverez le plus de fumeurs. Et généralement, ils sortent sur la terrasse, comme ces jeunes clients que nous avons en fin de semaine ou ce groupe de Zurichois qui ont soupé chez nous hier soir. Cette interdiction fonctionne très bien ailleurs en Europe. Pourquoi pas en Suisse? Quant au fumoir, je ne sais pas qui pourra s’offrir de tels espaces soumis à de nombreuses conditions et sans service? Et qui voudra s’isoler dans ces locaux? Je n’aimerais pas avoir un établissement sans restauration!»

A la pinte de Milda, où seules la fondue et les croûtes au fromage figurent au menu, c’est en effet la soupe à la grimace: «Faire de la restauration? Il faut être outillé pour cela. Je vais certainement perdre des clients. Car dans une pinte, on vient pour boire un verre, passer un bon moment. Mes clients risquent donc de rester moins longtemps. Nous avions une loi fédérale et nous avons voté quelque chose d’encore plus restrictif!»

Au Café de la Croix d’Or, deux fumeurs savourent leur cigare sur la terrasse: «Cette loi est une vrai c… Nous sommes dans une société extrémiste où nous légiférons sur tout. Notamment à cause des personnes qui n’arrivent pas à se discipliner seules. Alors peut-être que cet hiver j’irai boire mon café chez mon confrère plutôt que de venir ici et de devoir fumer sur la terrasse. Dans tous les cas, je ne vais pas arrêter de fumer pour autant. Car pour moi, c’est un plaisir!» Et son compagnon d’infortune d’affirmer voir déjà moins de monde dans les cafés depuis ce matin….

Plus bas, Milda accueille deux nouveaux clients. L’un d’eux vient de ranger très respectueusement sa pipe dans sa poche avant de passer la porte. «Mais on verra bien, poursuit la tenancière. Ca peut aussi bien se passer. De toute manière, faudra bien que cela aille.»

Hélène Isoz