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Les gardiens du temps
Les gardiens du temps à Yverdon. De g. à dr.: Noah Zaffinetti, Nicolas Secretan, Laurent Panzella et Luca Cretin.

Les gardiens du temps

6 mai 2025 | Texte: Robin Badoux | Photos: Michel Duperrex
Edition N°3938

La Cité thermale dispose à nouveau d’une enseigne spécialisée dans l’horlogerie: Orbis. Une aventure lancée par trois passionnés, qui ont installé leur succursale dans l’atelier de pendulerie de Laurent Panzella.

À peine la porte d’entrée franchie, à la rue de la Maison-Rouge, que le son régulier et mécanique des tic-tac se fait entendre. Il provient d’abord des nombreuses pendules disposées du côté gauche du local. Des neuchâteloises, des horloges de parquet et même une horloge à coucou accueillent le visiteur dans l’atelier de Laurent Panzella, en place depuis de nombreuses années à Yverdon. Du côté droit, des sons plus discrets se font entendre. C’est ici, dans une petite salle annexe, que la jeune entreprise horlogère Orbis a installé son établi, où trônent une dizaine de montres-bracelets, à quartz ou mécaniques.

«Orbis, c’est une aventure horlogère lancée il y a trois ans, d’abord au Brassus et à Lausanne, et maintenant à Yverdon», expliquent avec fierté les fondateurs Nicolas Secretan, doté d’un brevet fédéral de spécialiste en relations publiques, et Luca Cretin, horloger de production et rhabilleur formé à l’École technique de la vallée de Joux et technicien ES en restauration et complication horlogère.

De Swatch à Patek Philippe

«On a créé Orbis durant nos études, on avait tout juste 20 ans. Au départ, c’était juste un passe-temps lucratif. Maintenant, nous sommes lancés à 100% dans l’entreprise», résume Luca Cretin.

Les deux compères se spécialisent dans la réparation, l’entretien et le service mécanique des montres, allant du simple remplacement de pile pour une  Swatch aux grandes complications sur une Patek Philippe. «Que ce soit pour un tourbillon, la confection de pièces endommagées ou le changement de batterie, on fait tout», assurent-ils.

Afin d’ouvrir leur atelier à Yverdon, les deux fondateurs se sont adjoint les talents de Noah  Zaffinetti, horloger rhabilleur et technicien ES en construction horlogère, qui gère l’aile d’Orbis dans la capitale du Nord vaudois. «Pour l’instant c’est encore assez calme, raconte l’horloger. Les gens sont surtout contents de voir qu’il y a de nouveau un horloger à Yverdon.»

Du père au fils

Orbis a eu l’opportunité de s’installer dans les locaux de Laurent Panzella, l’atelier de pendulerie Eluxa installé depuis longtemps à Yverdon. «Mon père, Tommaso Panzella a racheté la marque Eluxa en 2008 et a tout déplacé ici. Avant ça, il s’était déjà mis à son compte en 1984. Il s’était spécialisé dans la fabrication et la commercialisation des pendules de la marque Yverdon. De mon côté, j’ai préféré développer tout ce qui touche aux réparations. J’aime travailler les choses anciennes, l’histoire.» Peu à peu, ce qui a commencé comme une occupation s’est changé en un métier à part entière pour Laurent Panzella. Puis, en 2016, le père finit par partir à la retraite, tandis que le fils reprend la tête de l’atelier en indépendant. «99,9% de mon temps est consacré à la réparation de pendules type neuchâteloise, principalement parce qu’il s’agit du modèle le plus fabriqué. Je fais aussi pas mal de services à domicile dans tout le canton», explique le pendulier, tombé amoureux de ces objets, à la fois techniques, décoratifs et chargés d’histoire.

Alliance naturelle

Récemment, Laurent Panzella a eu l’opportunité de se frotter à Orbis, et, une chose en entraînant une autre, a fini par proposer aux horlogers de venir le rejoindre à Yverdon. «Je les ai rencontrés lorsqu’ils m’ont demandé un service pour une pendule. Parallèlement, comme il n’y avait plus d’horloger à Yverdon, les gens avaient tendance à venir chez moi. Il y avait des gens désemparés, j’ai donc senti qu’il y avait un manque.»

L’alliance se concrétise le 1er avril avec l’installation de l’établi d’Orbis à la rue de la Maison-Rouge. Un rapprochement complémentaire: «Un pendulier n’est pas un horloger. Ce ne sont pas les mêmes compétences, ni les mêmes dimensions», appuie Laurent Panzella.

À contre-courant

Ce rapprochement avec le pendulier et l’installation de cette succursale à Yverdon constituent donc un nouveau pas en avant pour la jeune entreprise Orbis, qui semble faire fi de la crise que connaît le monde de l’horlogerie actuellement. Toutefois, ce dynamisme ne doit rien au hasard, les jeunes entrepreneurs sont d’ailleurs bien conscients de la situation actuelle: «L’horlogerie connaît ses pires difficultés depuis la crise du quartz de 1972, c’est donc très compliqué pour de nombreux collègues. Nous, on a eu la chance de se lancer après la pandémie et on est jeunes et dynamiques, donc on s’accroche!» lâche Nicolas Secretan. Et d’ajouter: «C’est une période où il faut être très agile. C’est pourquoi nous sommes allés à Taïwan récemment avec 80 kg de matériel pour trouver des clients. C’était un coup de poker, car si on n’avait pas trouvé de montre à réparer à ce moment-là, on aurait fait faillite.»

Pour l’instant, Orbis compte bien s’implanter durablement à Yverdon. Mais les jeunes horlogers espèrent aller encore plus loin: «Le but, c’est d’ouvrir d’autres succursales à l’étranger et de devenir la référence en Suisse, et donc à l’échelle mondiale. Car si on est les meilleurs en Suisse, on est les meilleurs au monde.»