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Les lieux culturels manquent au public
L’artiste yverdonnois Marc Oosterhoff durant son spectacle «Les Promesses de l’incertitude». Julien Mudry

Les lieux culturels manquent au public

24 décembre 2020

Durement frappées par la pandémie, la plupart des institutions culturelles ont dû fermer. Mais quel est leur rôle et quels sont les manques mis en valeur par la crise ? Éclairage.

Un texte d’Ivan Garcia sur invitation du service de la culture d’Yverdon-les-Bains

«Le rôle d’une institution culturelle? Faire découvrir les arts à tous les publics. Quant au mien, c’est de faire le lien entre l’école et des univers culturels les plus variés possible», déclare Frédérique Böhi, médiatrice culturelle scolaire. Visites d’expos, ateliers musicaux, sorties au théâtre: durant l’année, elle propose des sorties culturelles aux classes des établissements primaires Pestalozzi et Edmond-Gilliard pour sensibiliser les élèves à la culture.

Depuis le confinement, ces sorties ont diminué, incitant les enseignants et les institutions à innover. «Les projets culturels demandent d’être créative et de toujours s’adapter.» La médiatrice compte d’ailleurs développer les activités en plein air pour éveiller les élèves à l’environnement.

Parmi les lieux culturels fermés, il y a les théâtres, nécessitant un lien proche entre le public et les artistes dans un espace clos. «Le théâtre est l’art du confinement et le miroir de notre société», remarque Georges Grbic, directeur du Théâtre Benno Besson. «Comme la société est malade, le théâtre ne peut avoir lieu», dit-il. Depuis sa fermeture, l’institution a reçu des lettres de personnes qui regrettaient de ne pas pouvoir s’y rendre. «Le théâtre est un art éminemment social, car il y a deux types de populations qui s’y rencontrent: les spectateurs et les artistes», exprime-t-il. Dans la salle, ces deux populations se font face et essaient ensemble de construire l’histoire du monde. Le confinement a contraint les gens à s’enfermer et à se replier sur les appareils connectés pour garder un lien avec l’autre, mais cela ne remplace pas l’expérience vivante. Ce qui fait dire à Georges Grbic: «Internet nous ramène à des solitudes connectées, tandis que le théâtre nous ramène à une intériorité partagée.»

Au nombre des établissements qui ont rouvert, il y a la Bibliothèque publique et scolaire. Sa directrice Marie-Laure Meier explique que le lieu a plusieurs rôles, dont celui «de sociabilisation et d’accueil». Il faut savoir que la bibliothèque est l’institution culturelle qui touche le plus large public. «C’est également ici que l’on rencontre la population la plus marginalisée», livre-t-elle.

L’objectif de l’établissement? Proposer des activités et des lectures aux personnes qui s’y rendent et servir de «troisième lieu» où les gens peuvent venir boire un café, passer du temps, échanger. «Aujourd’hui, on ne vient plus à la bibliothèque pour seulement emprunter un livre», résume-t-elle. Pendant le confinement, des livraisons de livres, des lectures et d’autres projets ont permis de garder un lien avec les lecteurs.

«En ces temps de crise, c’est notre mission d’accueil qui souffre beaucoup. Je dirais que c’est encore la population la plus défavorisée qui en fait les frais», déclare-t-elle. «Lorsque nous avons rouvert, les lecteurs étaient très heureux de revenir, de nous revoir et d’échanger avec nous. Ils déclaraient que nous leur avions manqué», précise-t-elle.

 

Les séniors aussi en manque de culture

 

Les séniors sont aussi impactés par la fermeture des lieux culturels. «À part le contenu ludique ajouté sur notre site internet, nous n’avons, pour le moment, rien d’autre à offrir pour occuper nos membres», constate Jean-Pierre Dévaud, président du Conseil des Séniors d’Yverdon-Les-Bains (COSY). Depuis le premier confinement, l’association, forte de 200 membres, n’a pas pu maintenir ses sorties culturelles. Une perte de liens et de contact brutale pour ce public «friand de chorale, de théâtre et de concerts» qui met en avant la solitude et le manque d’activités proposées aux séniors. Dernièrement, le COSY avait constitué un groupe de discussion avec la journaliste Rosette Poletti pour que les membres s’expriment. «Cette première rencontre a bien marché et était nécessaire», déclare Jean-Pierre Dévaud. «Chacun a ainsi pu exprimer ses craintes et son ressenti.» Avant de conclure: « Nous nous réjouissons de la réouverture des lieux culturels, mais malheureusement on ne sait pas quand…»

Rédaction