Les raisons du forfait de l’EJD
30 octobre 2024 | Texte: Muriel Ambühl | Photo: Champi-AEdition N°3820
L’Ecole Dégallier a renoncé à son déplacement à Uster, il y a dix jours, pour le dernier tour des interclubs. Les judokas yverdonnois avaient déjà pratiquement perdu toutes leurs chances de se qualifier pour le Final 4 avant cela.
«Ce n’était pas très valeureux, pas très sportif, pas très fair-play, lâche d’emblée Frank Dégallier (photo) quand on le questionne au sujet du forfait de son équipe pour le dernier tour des interclubs, pour lequel les Yverdonnois auraient dû se rendre à Uster, dans le canton de Zurich, afin d’affronter l’équipe locale et celle de Brugg. L’EJD a une équipe en LNA depuis 2003, c’est la première fois que l’on déclare forfait et j’espère que cela ne se reproduira pas.»
La décision n’a bien évidemment pas été prise de gaieté de cœur. «À la base, j’ai douze judokas dans le contingent, pour sept catégories de poids. Entre les blessés et ceux qui combattaient à l’étranger, je n’aurais eu que cinq gars. Et encore, Yanis Dégallier s’est finalement blessé juste avant l’échéance, donc je n’en aurais eu que quatre opérationnels.»
Au-delà du fait que l’EJD n’avait pratiquement plus aucune chance de se qualifier pour le Final 4, qui réunit les quatre formations les mieux classées de LNA et se déroulera le 9 novembre à Vernier, l’entraîneur yverdonnois a aussi choisi de privilégier l’intégrité physique de ses athlètes. «Si tu te déplaces avec un contingent restreint contre deux top équipes, tu es quasi sûr d’avoir un ou deux gars qui se blessent. Alors, l’intérêt de mes judokas passe avant le fait d’être un club fair-play qui effectue le déplacement dans des conditions pareilles. Surtout à un mois des Championnats de Suisse individuels. Même s’il est évident que ça fait un peu cheni de prétendre être une équipe forte et de ne pas se déplacer. Mais, encore une fois, c’est une question de contingent. Avec un groupe au complet, au tour 3, on tient tête au Team Genève, qui est champion national en titre. De plus, Cortaillod, qui a tout perdu cette saison, avait déclaré forfait (ndlr: également en raison d’un effectif trop court) lorsque les Neuchâtelois devaient venir chez nous. On n’a donc reçu uniquement quatre points, alors qu’on aurait pu en prendre davantage en les battant à la régulière s’ils s’étaient déplacés.» Ce qui a contribué à hypothéquer les chances des judokas de la Cité thermale de se qualifier pour le Final 4.
Un règlement «obsolète»
Et pour le patron de l’Ecole Judo Dégallier, la décision découle aussi d’un certain ras-le-bol: «Il y a tout ce qui ne va plus derrière, à commencer par le règlement, obsolète, qui n’a pas été mis à jour depuis une quinzaine d’années. La situation était alors complètement différente, les judokas effectuaient trois entraînements par semaine, deux footings et une session de musculation hebdomadaire. Aujourd’hui, avec tous les centres mis en place, c’est devenu beaucoup plus élitiste. Les combattants s’entraînent énormément, deux fois par jour pour certains. Il n’y a plus de place pour l’amateurisme. Du coup, certains clubs ne font plus vraiment de formation, n’envoient pas leurs jeunes concourir à l’international, et préfèrent acheter des combattants étrangers de grande valeur pour les aligner lors des interclubs de LNA.»
Pour Frank Dégallier, l’une des solutions pour y remédier réside dans le fait de diminuer le nombre de catégories de poids en interclubs. «Pour moi, on doit mettre l’accent là où il y a du monde. Avec cinq catégories (ndlr: -66 kg, -73 kg, -81 kg, -90 kg et +90 kg) au lieu de sept (ndlr: -60 kg, -66 kg, -73 kg, -81 kg, -90 kg, -100 kg et +100 kg), on serait plus confortables au niveau des contingents, cela permettrait de limiter le nombre de combattants étrangers recrutés et de favoriser la formation. À l’EJD, huit des douze gars qui concourent en LNA ont commencé le judo au club. Cela devrait être la norme, même si je sais que, pour l’instant, c’est utopique de l’envisager.»
Et à ceux qui avancent que les grands noms étrangers attirent du monde dans les gradins lors des interclubs, le coach yverdonnois rétorque: «La plupart d’entre eux n’évoquent rien pour le grand public, du moment que ce n’est pas Teddy Riner. On aurait plus de facilité à attirer des jeunes judokas à venir assister aux rencontres comme spectateurs si ce sont des bons combattants issus des clubs qui sont sur les tatamis. Ce sont eux qui font rêver les enfants, lesquels s’identifient à eux et espèrent être à leur place un jour. Le championnat ne va pas perdre de la valeur si on a moins de combattants étrangers; on a de très bons judokas suisses!»
Des discussions liées à l’éventuelle modification du règlement doivent avoir lieu entre les clubs de LNA en marge du Final 4. En ce qui concerne les combattants de l’Ecole Judo Dégallier, la fin de saison sera axée sur les compétitions individuelles, avec comme point d’orgue les Championnats de Suisse, qui se dérouleront le 30 novembre et le 1er décembre à Yverdon.