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Les requérants perdent une bienfaitrice

3 décembre 2015

Vallorbe – Yvette Bourgeois quitte la présidence de L’ARAVOH après avoir oeuvré seize ans au sein de cette association active dans l’accueil des demandeurs d’asile.

Yvette Bourgeois dans les locaux toujours très fréquentés de l’ARAVOH. © Ludovic Pillonel

Yvette Bourgeois dans les locaux toujours très fréquentés de l’ARAVOH.

Les locaux de l’Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe, oecuménique et humanitaire (ARAVOH) s’animent peu à peu en ce mercredi matin, au gré de l’arrivée des pensionnaires du Centre d’enregistrement et de procédure (CEP) situé à proximité. Certains se réchauffent avec un café ou un thé. D’autres échangent quelques mots, ou quelques gestes, pour surpasser la barrière de la langue, avec les bénévoles. Des enfants vont chercher des jeux.

Un univers convivial, surnommé volontiers «Mama Africa», en référence à son hospitalité désintéressée, caché derrière l’austérité des Portakabin installés non loin de la gare de marchandises vallorbière, dont Yvette Bourgeois va quitter les commandes à la fin du mois, cédant sa place à l’actuelle vice-présidente de l’association, Yvette Fishman.

«Tout est bien rôdé, le comité est formé de gens formidables, il est donc plus facile de partir», commentet- elle. Après seize ans au sein de l’ARAVOH, celle qui était la dernière des huit fondateurs encore fidèle au poste, évoque la nécessité d’un renouveau. Elle reste, toutefois, à diposition pour des coups de main ponctuels et gardera, quoiqu’il arrive, des souvenirs impérissables de cette aventure initiée en 2000.

Le premier qui lui vient à l’esprit? La rencontre avec une Erythréenne, enceinte et avec, pour tout bagage, un sac en bandouilère. «J’allais déposer quelque chose dans les locaux que nous occupions alors à la gare et elle m’a demandé, en anglais, où nous nous trouvions. Un passeur l’avait laissée dans la forêt en lui disant qu’il allait chercher de la nourriture. Il s’était, en fait, enfui avec ses affaires», déclare Yvette Bourgeois, précisant qu’elle est toujours en contact avec cette jeune femme aujourd’hui domiciliée à Leysin, mais qui a perdu son enfant.

«Certains requérants viennent en Suisse pour voler ou se promener, mais une grande partie d’entre eux ont un parcours difficile et souffrent», commente la septuagénaire, que les discussions Skype, à la salle d’informatique, de familles déchirées, émeuvent beaucoup.

Le drame n’a, heureusement, pas le monopole dans sa mémoire. Elle cite un Togolais qui, de retour au pays, a décidé de consacrer sa vie à dissuader ses compatriotes de venir en Europe, afin de leur éviter la déconvenue d’un voyage périlleux sans perspective à l’arrivée. Ou ce jeune ressortissant du Moyen-Orient marié à Lausanne, qui s’est vu confier le soin de couper le ruban lors de l’inauguration des installations actuelles de l’ARAVOH.

Hormis quelques exceptions, la plupart des requérants fréquentant les locaux de l’association pour se voir offrir une boisson chaude, passer le temps en prenant part à des jeux, obtenir un conseil juridique ou, simplement, rencontrer d’autres personnes, ne laissent, cependant, pas de traces. «Ils restent, en général, de un à trois mois au CEP, avant d’être placés ailleurs dans le pays. On ne sait souvent pas où ils iront ni quand ils partiront. Nous sommes là pour leur apporter une aide sur le moment», indique Yvette Bourgeois.

Sa priorité, aujourd’hui, est de remettre en bonne et due forme cette structure regroupant cent bénévoles et dont le budget annuel est de 120 000 francs à sa successeur, avant de songer à d’autres projets. «Je pense encore pouvoir être utile ailleurs », conclut-elle.

Ludovic Pillonel