Logo

Les sangliers sèment la pagaille

1 septembre 2015

Nord vaudois – Avec la hausse du nombre de ces animaux, les cultures et alpages, déjà malmenés par la sécheresse, subissent des dégâts sans précédent.

Le surveillant de la faune Alain Seletto montre des épis de maïs rongés par le mammifère. © Michel Duperrex

Le surveillant de la faune Alain Seletto montre des épis de maïs rongés par le mammifère.

Alain Seletto, le surveillant de la faune dont la circonscription englobe la grande majorité du district, à l’exception de la rive sud du lac de Neuchâtel, a un emploi du temps très chargé ces dernières semaines. «Certains jours, j’ai reçu jusqu’à vingt appels liés au sanglier. Cette année, j’estime que, dans le périmètre qui m’est attribué, les dégâts sont deux fois plus importants qu’en 2014», déclare le spécialiste.

La population de suidés semble aussi avoir pris l’ascenseur. Il avance plusieurs hypothèses pour expliquer cette évolution, dont un hiver clément et un printemps favorable aux naissances. La non prolongation de la chasse, décidée compte tenu de l’épaisseur de la couverture neigeuse en début d’année et par respect de l’éthique de l’animal, a, aussi, sans doute joué un rôle, sans oublier la proximité du Creux du Van et de la France. «La réserve naturelle neuchâteloise, qui est aussi un district franc, regroupe huitante à cent sangliers, qui ne sont pas chassés et dont l’accroissement annuel dépasse les 200%. A cela s’ajoute, en France voisine, le nourrissage dans l’optique de parties de chasse attirant des gens fortunés. Tout ceci contribue, sans doute, par voie de conséquence, à l’augmentation de la population régionale», commente Alain Seletto.

L’activité du surveillant de la faune n’est pas uniquement diurne. Avec sa voiture de service équipée d’un projecteur et munit d’un appareil de vision nocturne, il arpente, plusieurs nuits par semaine, les endroits les plus sensibles de la région dans le but d’effaroucher par un tir les sangliers s’approchant trop près des champs de maïs.

Le gîte et le couvert

«Ils sont aussi friands de pommes de terre, d’herbe et de tournesols, mais le maïs est la seule culture qui leur garantit nourriture, eau et couvert végétal pour se cacher», déclare Alain Seletto, avant de se rendre dans un champ situé sur la commune de Vuiteboeuf ayant subi 20 à 30% de dégâts. «Il y a actuellement un sanglier à l’intérieur. Je peux même dire que c’est un mâle, je le sens à l’odeur», indique l’expert, avant de se pencher sur des épis rongés de manière irrégulière, la marque de fabrique de ce cochon sauvage.

L’installation électrique n’aura, dans ce cas précis, pas suffit à repousser la totalité des quatorze individus observés non loin de la surface de maïs. Alain Seletto cite aussi une laie qui, à Mutruz, n’a pas hésité à soulever, avec son dos, un fil électrique pour laisser passer sa progéniture dans un autre garde-manger. En dépit de ces exemples, la mesure a un taux de réussite de 90% au moins, tient-il à relever. Le bémol? Environ 10% des agriculteurs seulement y ont recours.

Le Baulméran Gérald Hurni fait partie de cette minorité. Son domaine étant entouré de forêts, et, donc, particulièrement exposé aux visites nocturnes des sangliers, il a pris le parti de fermer systématiquement ses cultures. «Mon maïs et mon herbe sont parqués. J’ai fait pareil pour les prairies fraîchement semées, après avoir eu des visites trois nuits de suite. C’est efficace», confirme-t-il. Alors pourquoi ses collègues n’en font-ils pas autant, à plus forte raison que le canton couvre 80% du coût des installations? «Je possède des vaches. Je suis donc déjà équipé en piquets et en matériel électrique. D’autres devraient le louer ou l’acheter. Cela dépend aussi du caractère de chacun. Certains attachent moins d’importance que d’autres à avoir de beaux champs», explique Gérald Hurni. Il invoque aussi l’investissement conséquent lié à l’entretien. «Les agriculteurs subissent une surcharge de travail et certains préfèrent être indemisés pour les dégâts plutôt que de consacrer du temps à la protection de leurs cultures.»

Sur les alpages, la pression des sangliers se fait aussi sentir dans la circonscription d’Alain Seletto. «J’ai commencé à être contacté début juillet, alors que, pour le maïs, le pic dure depuis trois semaines. Dix-sept pâturages sont concernés, c’est du jamais vu», précise le surveillant de la faune.

La situation est d’autant plus problématique que les moyens de lutte sont moins nombreux. «Je m’occupe de 80 hectares sur la commune de Tévenon. Ils sont entrecoupés de forêts et fréquentés par les promeneurs. Il ne serait pas possible de tout clôturer», déclare l’exploitant Willy Rochat. Cette année, les sangliers ont causé des dégâts sur environ 30% des pâturages qu’il gère, des proportions quasi jamais atteintes en quinze ans. «Ils retournent la terre, sans doute pour trouver des vers et des racines. Les mottes sont laissées sur l’herbe, qui pourrit et il y des trous de 10 à 15 centimètres de profondeur dans le sol. J’espère voir des chasseurs tout soudain», déclare Willy Rochat.

La chasse dès aujourd’hui

Bonne nouvelle pour lui, ces derniers reprennent du service, pour ce qui est du sanglier, du renard et du blaireau, aujourd’hui. A l’échelle du canton, le suidé fait l’objet d’un plan de gestion en vigueur jusqu’à l’année prochaine. Tous les acteurs concernés participent à cette démarche visant à concilier au mieux les intérêts, en appliquant, le cas échéant, des mesures ciblées. Le tir à l’affût nocturne, lancé de manière pilote l’année passée, a, par exemple, été étendu, ces derniers mois à Yvonand et Yverdon-les-Bains, des communes, pour l’heure, moins touchées par le sanglier.

Ludovic Pillonel