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Les secrets de la grotte aux Fées décelés grâce à de l’eau fluorescente
Gérald Favre (à g.) et Marc Luetscher (à dr.) installent un capteur permettant de mesurer le passage de fluorescine juste à la source de l’Orbe. © Michel Duperrex

Les secrets de la grotte aux Fées décelés grâce à de l’eau fluorescente

18 juillet 2018
Edition N°2291

Une expédition scientifique  veut mettre à jour les réseaux de cavernes reliant les grottes de Vallorbe aux lacs de la Vallée de Joux.

Cela faisait plus de cent ans que l’expérience n’avait pas été menée: tracer l’écoulement des eaux entre les lacs de la vallée de Joux jusqu’à la résurgence de l’Orbe, à la grotte aux Fées de Vallorbe. Curieux, des journalistes de la chaîne allemande Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF) ont monté toute une expédition, de lundi à aujourd’hui, avec le soutien de Gérald Favre, hydrogéologue et membre du conseil d’administration des Grottes de Vallorbe, et Marc Luetscher, scientifique à l’Institut Suisse de spéléologie et de karstologie. Cette expérience constitue le premier petit pas d’un projet qui permettra plus tard de repousser les limites de l’exploration des profondeurs des cavernes vallorbières.

Après une dizaine de minutes d’immersion, Uli Kunz, accompagné de deux autres plongeurs, découvre le lac du Cairn. © Michel Duperrex

Après une dizaine de minutes d’immersion, Uli Kunz, accompagné de deux autres plongeurs, découvre le lac du Cairn. © Michel Duperrex

Première étape de l’opération, une session de reconnaissance subaquatique de la grotte. Uli Kunz, présentateur de la ZDF, ainsi que Christian Rufi et Philippe Marti, les plongeurs qui l’accompagnent, enfilent leur tenue de plongée et se préparent à filmer les entrailles de la caverne. Malgré les chutes de pierre et les combinaisons trouées, les trois hommes parviennent à remonter l’Orbe. Rendez-vous de l’autre côté de la paroi, au dessus du lac souterrain du Cairn, où l’on retrouve ces hommes-grenouilles, perçant l’obscurité des eaux par les faisceaux lumineux s’échappant de leur casques. «Le site de Vallorbe est vraiment exceptionnel au niveau hydrogéologique» s’enthousiasme alors Gérald Favre, en observant le lac en contrebas. «L’Orbe est une des plus grosses rivières souterraines et les grottes possèdent un des plus grands bassins fermés d’Europe centrale», poursuit-il, en tentant de surpasser de sa voix le vrombissement de l’eau qui se déverse dans la cavité rocheuse.

Une fois les précieuses images récupérées,  les plongeurs ont bien mérité une pause avant la deuxième étape du périple. Celle-ci est peut être moins spectaculaire mais reste capitale pour la réussite de l’expérience: la pose d’un capteur à quelques mètres de la résurgence de l’Orbe. «Nous essayons de combiner la dimension scientifique et médiatique», détaille à ce sujet Gérald Favre, qui confirme que la proposition de la ZDF, à l’origine du projet, a constitué une formidable opportunité pour recueillir des données permettant de mieux comprendre le réseau caverneux du Nord vaudois.

Le capteur, installé par Marc Luetscher, servira à détecter la présence de fluorescéine. «Il s’agit un colorant qui devient fluorescent lorsqu’il est excité par certaines longueurs d’ondes», explique le scientifique. Lorsque l’on sait que l’autre nom de la fluorescéine est l’uranine, il y aurait de quoi s’inquiéter. Les berges de l’Orbe se transformeront-elles en miasme radioactif? Aucun risque, rassurent les hydrogéologues: «La Fluorescéine est inoffensive pour la faune ou la flore.» Avant de préciser que «les quantités resteront en deçà du seuil de détection», afin que rien ne soit visible à l’œil nu une fois sorti des grottes.

Enfin, la dernière étape envoie le groupe en direction l’Entonnoir de Bonport – au lac Brenet –, équipé de corde, pompe et tuyaux, ainsi que de 400 grammes de fluorescéine en poudre. Pendant que Gérald Favre «désescalade» le gouffre pour y placer les tuyaux reliés à une pompe, plongée dans le lac Brenet, Marc Luetscher accepte la requête de la réalisatrice de Terra X: mettre un peu de fluorescéine près de la pompe pour rendre le résultat plus visible.

Si l’analyse des résultats risque de prendre un peu de temps, il est certain que la quête des deux scientifiques ne s’arrêtera pas là. Dès le mois d’août, de nouvelles équipes de plongeurs s’aventureront au fond des grottes, espérant découvrir des passages jusqu’en dessous du lac de Joux, où l’homme n’a encore jamais posé les palmes.