Elodie Jakob est de retour aux affaires après une nouvelle saison rendue compliquée par les blessures. L’heptathlonienne yverdonnoise rêve de Championnats d’Europe.
Le sort n’a pas été tendre avec Elodie Jakob depuis plusieurs années. L’Yverdonnoise a enchaîné les blessures, ne profitant que de courts moments de répit pour pratiquer l’athlétisme. La faim de réussir n’a pourtant jamais quitté l’hepthatlonienne de 26 ans, qui s’est lancé de nouveaux défis pour la saison tout juste entamée. Dont celui de se qualifier pour les Championnats d’Europe de Paris. Et, en bonne spécialiste de la discipline septuple, l’athlète de l’USY a bien sept raisons d’y croire.
Premièrement, Elodie Jakob tient la forme alors qu’il est tôt dans la saison. Ses résultats obtenus en javelot en Allemagne le week-end dernier en témoignent (lire encadré). «Ma performance m’a rassurée. Quand tu ne fais plus de compétition durant longtemps, tu te demandes toujours à quoi tu en es.» L’année a démarré du bon pied. Elle a même, tout simplement, commencé. Comme elle le dit elle-même, elle a pris un peu d’avance sur son programme.
Deuxièmement, avec l’âge et l’expérience, la multiple championne de Suisse a appris à devenir plus prudente. Cet hiver, par exemple, elle ne se concentre que sur les lancers en compétition, bien que ce ne soit de loin pas les seules disciplines qu’elle pratique à l’entraînement. «Je ne veux pas brûler les étapes et protéger mes tendons d’Achille.» Les concours d’heptathlon – elle ira au bout d’au moins deux d’entre eux pour tenter de décrocher les minima pour les Européens de Paris – commenceront au mois de mai pour elle.
Troisièmement, elle est bien remise d’un accident de la route survenu en février 2019. Commotionnée, elle a souffert de douleurs à la tête longtemps après le début de sa convalescence. «Je pensais alors qu’il s’agissait de fatigue en rentrant du travail», relève-t-elle. Or, elle avait aussi été touchée aux cervicales lors du choc. Il lui a fallu du temps pour identifier le problème – elle rencontrait des difficultés de coordination – et le traiter avec succès.
Quatrièmement, elle est en santé. Bien sûr, elle fait toujours attention, soigne et contrôle régulièrement ses tendons fragiles, mais elle peut s’entraîner normalement. Ce n’était pas le cas l’été dernier, quand des douleurs s’étaient réveillées aux Championnats de Suisse multiples dont elle avait tout de même fini 4e.
Avec le coach de l’année
Cinquièmement, Elodie Jakob est très bien entourée. En plus d’être toujours coachée par sa maman pour l’endurance, les lancers et les sauts, elle a rejoint la structure d’Adrian Rothenbühler à Macolin depuis décembre. Celui-ci, sacré entraîneur suisse de 2019, s’occupe notamment de Mujinga Kambundji. «On travaille la musculation, la fréquence et la vitesse. En plus, je me retrouve avec d’autres athlètes, et c’est motivant», glisse la cogérante du Red-Y Fitness, un job à 50% qui lui permet de concilier sport et travail.
Sixièmement, parce qu’elle sait parfaitement ce qu’elle doit améliorer pour grignoter des points. Avant tout sa vitesse, qu’elle travaille tout en limitant les tensions sur ses tendons, par exemple sans mettre ses «pointes».
Finalement, et c’est peut-être là le plus important, parce qu’elle est toujours aussi passionnée par ce qu’elle fait et, corollaire, déterminée. «Pourquoi je continue après toutes mes blessures? Mais parce que je veux faire ces 6000 points, franchir cette barre mythique en heptathlon, s’eclame-t-elle! Je pense en être capable et je ne veux pas m’arrêter sur un sentiment d’inachevé.» Elle mérite bien mieux.
Comment sa maman a échappé au grand frisson
En chemin pour Offenbourg, Elodie Jakob et sa maman Corinne sont passées près de Rust, la localité où se trouve le célèbre parc d’attractions Europa-Park. «En voyant le site, j’ai dit à ma maman que si je lançais à plus de 45 mètres, alors on la mettrait à bord du Silver Star», se marre l’athlète, faisant référence aux impressionnantes montagnes russes hautes de 73 mètres, bien visibles depuis l’autoroute.
Corinne Jakob peut souffler – elle a le vertige –, sa fille a projeté son javelot à 44m34, le week-end dernier, lors du meeting allemand qui se déroule dans une salle spécialement conçue pour la discipline, avec une ouverture sur un terrain de foot. Avec un tel jet, Elodie Jakob n’a manqué son challenge que pour 66 centimètres. «De toute façon, à cette saison, Europa-Park est fermé, coupe la sportive, surtout franchement satisfaite de son premier concours de l’année. On est début février et j’ai lancé quasi aussi loin que l’été passé (ndlr: une meilleure marque 2019 de 57m07, réalisée lors des Championnats de Suisse à Bâle).»
C’est d’autant plus remarquable qu’il était initialement prévu qu’elle ne commence la compétition que fin février à Zurich. Sa performance lui a même ouvert les portes des Championnats de France hivernaux de la mi-février à Salon-de-Provence. «Il faut attendre la liste définitive, mais si je m’y trouve, je m’y rendrai», assure celle qui est également licenciée dans l’Hexagone.
Un ticket pour Paris à 5850 points
Les Championnats d’Europe d’athlétisme de Paris se dérouleront du 25 au 30 août prochain, quinze jours après la fin des Jeux olympiques de Tokyo. La Suisse devrait y envoyer trois heptathloniennes. Les limites sont d’ores et déjà connues: il faudra réaliser au moins 5850 points cet été pour avoir le droit de fouler le tartan du stade Charléty, enceinte pouvant accueillir un peu plus de 19 000 spectateurs.
Le record d’Elodie Jakob, réalisé en 2015 à Lausanne, est de 5803 points. En plus d’améliorer son meilleur total, elle aura besoin de faire partie des trois meilleures Suissesses dans la spécialité, sachant que des filles du niveau de Géraldine Ruckstuhl et Caroline Agnou ont les capacités de disputer les JO. Enfin, Annik Kälin a également passé la barre des 6100 points la saison dernière, mais elle vient de se blesser au dos.
«Je ne sais pas non plus si les filles qui iront aux Jeux enchaîneront avec les Championnats d’Europe», s’interroge Elodie Jakob, consciente que l’objectif ne sera de toute façon pas évident à atteindre. Des variables qui n’entament pas la détermination de l’Yverdonnoise, pour qui la perspective d’avoir une chance de se rendre à Paris sert de moteur.
Son dernier grand rendez-vous international date de 2015, lors des Européens M23 en Estonie. «D’habitude ce sont les années impaires qui fonctionnent bien pour moi. Il est temps d’inverser la tendance!»