Logo
Les sites clunisiens toujours dans la course à l’UNESCO
Les représentants de la Fédération européenne des sites clunisiens et les participants allemands, espagnols, français et suisses au comité politique de la candidature du réseau clunisien au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Au premier rang à droite, Léo Piguet, trésorier de la Fédération et municipal de Romainmôtier. DR

Les sites clunisiens toujours dans la course à l’UNESCO

6 décembre 2024 | Textes: Maude Benoit
Edition N°3847

La candidature du réseau des sites clunisiens est toujours en cours. Vendredi passé, une nouvelle étape a été franchie. C’est l’occasion de faire le point.

Depuis 2018, la Fédération européenne des sites clunisiens (FESC) a entamé un travail de longue haleine : inscrire le réseau des sites clunisiens sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO (voir La Région du 24 mai 2023). Au Moyen Âge, ce réseau était le lieu de nombreux échanges spirituels, culturels et commerciaux qui ont façonné l’Europe. En Suisse, 23 lieux dépendaient de l’abbaye de Cluny, dont 13 sont aujourd’hui affiliés à la FESC.

Ainsi, le vendredi 29 novembre 2024, un pas de plus a été fait, au Palais du Luxembourg, à Paris, où les membres du comité politique de la candidature se sont réunis. Le président et le directeur de la Fédération ont présenté les travaux en cours et les étapes restant à franchir. Dès lors, le dossier décrivant le bien clunisien en série et sa Valeur universelle exceptionnelle (VUE), sous la forme d’une liste de sites clunisiens intitulée Cluny et les Sites clunisiens européens, a été remis au ministère de la Culture français en octobre 2024. Celui-ci l’a proposé au Comité français du Patrimoine mondial qui a désigné des experts pour envisager une éventuelle inscription du bien sur la Liste indicative nationale française en 2025. Les listes indicatives nationales sont les inventaires des biens que les pays envisagent de proposer au Comité du Patrimoine mondial.

Parallèlement, le ministère a saisi les administrations des sept autres pays concernés, dont la plupart travaillent déjà avec la Fédération depuis quelques années: Royaume-Uni, Allemagne, Pologne, Suisse, Italie, Espagne et Portugal. À noter que deux nouveaux représentants politiques étaient présents, l’un du Land Bade-Wurtemberg (Allemagne) et l’autre du Canton de Vaud, démontrant l’intérêt des autorités vaudoises dans ce processus.

«On a dépassé le milieu du guet, en ce qui concerne la candidature. Il reste encore beaucoup de travail, mais je suis très confiant», confie Michel Gaudard, ancien syndic de Romainmôtier, président de la Fédération de 2004 à 2014 et président d’honneur depuis. Une attitude positive, partagée par le président actuel de la Fédération, Marc Fleuret, qui a déclaré le 29 novembre 2024 : «La mobilisation de nouvelles grandes collectivités européennes autour des partenaires pionniers est un signal fort au moment où la candidature s’apprête à franchir le cap décisif de son inscription sur les Listes indicatives nationales en 2025.»

Un passé à dépoussiérer

La valeur inestimable du réseau des sites clunisiens n’a pas toujours été reconnue. Pire encore, jusqu’en 1994, L’abbaye de Cluny (Saône-et-Loire, Bourgogne) et son rayonnement avaient sombré dans l’oubli. Pourtant, durant le Moyen Âge, l’ordre clunisien avait une influence sans pareil : près de 2000 sites sur un territoire s’étendant de l’Écosse en Israël et Cisjordanie, en passant par la Pologne. L’abbaye elle-même avait des dimensions démesurées: 187 mètres de longueur pour une quarantaine de mètres de hauteur. À tel point que, dit-on, au moment de la restauration de Saint-Pierre de Rome au XVIe siècle, le pape aurait envoyé un émissaire pour mesurer les dimensions de l’abbaye et s’assurer de faire un édifice plus grand. Jusqu’à ce moment, Cluny était la plus grande église du monde.

En 1994, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’abbé Maïeul (†994), personnage influent dans le développement de l’ordre clunisien, la Fédération est créée. Le but, revaloriser ce passé glorieux oublié et préserver ce patrimoine pour les générations à venir. Elle est donc le fer de lance de la candidature.

Naviguer à la longue VUE

«Pour inscrire un bien au Patrimoine mondial de l’UNESCO, il faut prouver sa VUE, prouver qu’il apporte quelque chose à l’humanité. C’est l’un des éléments sur lesquels la Fédération a beaucoup travaillé», explique Michel Gaudard. Cette VUE doit être résumée en une seule phrase, dont la dernière version peut être synthétisée de la manière suivante: «L’abbaye de Cluny et le réseau des sites clunisiens constituent un système patrimonial reconnaissable, particulièrement influent dans toute l’Europe médiévale entre le Xe et le XIIe siècle, sur le plan géopolitique, économique, culturel (notamment sur le plan architectural) et cultuel. Le réseau a ainsi favorisé l’émergence des États de l’Europe moderne.» Rien que ça!

Devoir élaguer la liste

Compte tenu des 108 sites qui ont fait acte de candidature pour figurer sur la liste Cluny et les Sites clunisiens européens présentée par la Fédération, il a fallu faire des choix. En effet, le Comité français du Patrimoine mondial estimait impossible de présenter une liste d’une telle ampleur dans la liste indicative nationale qui pourrait être évaluée en 2025. Le bureau de rédaction a donc dû restreindre la liste indicative et a présenté une liste de sites dits constitutifs, c’est-à-dire, de sites qui sont les plus représentatifs de la VUE. Pour la Suisse, actuellement, ce sont Payerne et Romainmôtier qui ont été retenus. C’est cette liste restreinte qui a été envoyée aux administrations des sept pays cités plus haut pour qu’elles se prononcent à leur sujet.

Et pourquoi le ministère de la Culture français et pas un autre pays? Car c’est la France, pays d’origine de l’épopée clunisienne, qui répertorie le plus de sites clunisiens sur son territoire. C’est donc elle qui se porte garante de la candidature.