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«Les têtes de morts et les croix renversées, ça ne nous représente pas»
De gauche à droite, Nathan Botelho, Alban Lavaud et Joan Liechti. Photo: Pollen

«Les têtes de morts et les croix renversées, ça ne nous représente pas»

7 décembre 2023

Musique – Le 17 novembre, le groupe de metal yverdonnois Pollen a sorti son tout premier album: Uncanny Valley. Rencontre avec des musiciens aussi rigoureux que sympathiques.

Chemise à fleurs, bob et lunettes de soleil. Le moins qu’on puisse dire c’est que ces metalleux n’ont pas le style qu’on prête généralement au genre. Pollen est né en 2019, des cendres d’une ancienne formation répondant au doux nom de Make Me A Donut. Le ton était déjà donné. Lors d’un festival en Angleterre, les musiciens s’étaient même vu décerner le prix du groupe le plus joyeux de l’année. Au moment de leur dissolution, le bassiste Nathan Botelho et le batteur Joan Liechti se retrouvent orphelins de groupe, mais les deux amis en veulent toujours. «A ce moment-là, on avait envie de changer de direction artistique», confie Joan Liechti. «Contrairement à notre ancienne formation qui était beaucoup plus «classique», où il y avait une voix et des textes écrits, on voulait laisser la part belle aux instruments.» Un ami guitariste les rejoint et l’aventure commence. Le groupe intègre aussi un ingénieur du son qui s’occupe de lancer quelques samples depuis son ordinateur, un moyen d’inclure des sons difficiles à créer sur scène, comme un orchestre de cordes par exemple.

En 2021, Pollen sort un premier EP, mais à l’époque, la crise sanitaire obscurcit sa visibilité, faire des concerts ou de la promo étant beaucoup plus difficile. Loin d’être découragé, le groupe sort un single dans la foulée et s’attèle à la composition de son tout premier album.

Une composition schizophrène

Composé de huit titres, leur premier album sort finalement sous le nom de Uncanny Valley, la vallée de l’étrange en français. Un titre faisant référence à une théorie émise par le roboticien japonais Masahiro Mori selon laquelle plus un robot androïde prend les traits d’un être humain, plus ses imperfections risquent de nous paraître monstrueuses. «On trouvait que cette théorie collait assez bien à notre musique, dans le sens où il y a beaucoup d’aspects organiques, comme la part laissée aux sonorités très crues de nos instruments, et cet aspect très mécanique, avec l’utilisation de samples ou le côté presque mathématique de notre style.»

Si les musiciens de Pollen n’apprécient guère les étiquettes, la meilleure formule selon eux serait «Metal progressif instrumental», un genre qui se caractérise par des compositions plus expérimentales et surtout plus complexes que les autres sous-genres du metal. «On est tous des forcenés de nos instruments», explique Nathan Botelho. «Aujourd’hui, nous avons tous un travail à côté pour pouvoir gagner notre croûte, mais auparavant, quand on avait un peu plus de temps, il nous arrivait de jouer sept ou huit heures par jour.»

Joan Liechti décrit ce premier album comme schizophrène. «L’atmosphère musicale change beaucoup d’un morceau à un autre. Quand on a bossé avec la personne qui a mixé l’album, on est revenus mille fois sur des petits détails parce qu’on trouvait que tout sonnait trop de la même manière. Je crois qu’on a aussi cette peur de s’ennuyer en tant que musiciens et par conséquent d’ennuyer le public. C’était vraiment une volonté de notre part que chaque chanson puisse surprendre au fil de l’album.» Quant à la pochette, désignée par Alban Lavaud, également guitariste au sein du groupe, elle s’accorde sur cet aspect mi-organique, mi-industriel cher aux musiciens. Une œuvre rose et abstraite qui n’est pas sans rappeler certaines œuvres de la photomicrographie.

Loufoques et fiers de l’être

Lorsqu’on arrive sur la page Facebook du groupe, on se demande si on est pas plutôt tombé sur celle d’une entreprise de parfumerie. Sur leur photo de profil, une petite prairie verdoyante, un grand ciel bleu et surtout ce nom: Pollen. «On voulait quelque chose qui parle à tout le monde et qui soit prononçable dans plusieurs langues. Même si ça peut paraître absurde, le pollen c’est aussi un vecteur de vie, de développement de la nature et on trouvait ça chouette de lui rendre hommage de cette façon. Beaucoup de nos chansons portent d’ailleurs des noms de fleurs ou d’éléments liés au monde végétal, comme Glutamate, le premier morceau de l’album. De façon générale, on trouve  assez drôle d’aller à contre-courant des codes traditionnels de la musique metal qui, très sincèrement, nous fatiguent. Les têtes de morts et les croix renversées ça ne nous représente pas, même en tant qu’êtres humains.» Quoi qu’il en soit, et même si le groupe n’a pour l’heure aucune date officielle à donner, Pollen prépare l’année 2024 et se réjouit de retrouver le chemin de la scène pour faire partager ses parfums musicaux à son public de la région et d’ailleurs.

Pour retrouver Pollen, rendez-vous sur leur page Facebook ou leur site internet.

Texte: Dimitri Faravel