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Les Vaudois et leurs secrets mis à nu sur les planches combières

7 août 2015

Les Bioux – La Compagnie du Clédar va présenter, prochainement, son adaptation théâtrale du livre «Portrait des Vaudois», de Jacques Chessex. L’aboutissement d’un travail de longue haleine.

De g à dr: Barbara Konrad, qui a rejoint la troupe de comédiens amateurs cette année, Aurélie Kleiner, l’attachée de presse de la Compagnie du Clédar, et Georges-Henri Dépraz, membre de l’aventure depuis ses débuts. © Michel Duperrex

De g à dr: Barbara Konrad, qui a rejoint la troupe de comédiens amateurs cette année, Aurélie Kleiner, l’attachée de presse de la Compagnie du Clédar, et Georges-Henri Dépraz, membre de l’aventure depuis ses débuts.

Une devanture parsemée d’expressions vaudoises. Des gradins susceptibles d’accueillir jusqu’à 280 personnes face à un mur. Un sol couvert de terre. Voici l’étonnante mue qu’a subi le bâtiment des Auto-transports de la vallée de Joux (AVJ), destiné à mettre en lumière, ce samedi, puis du 19 août au 12 septembre, la Compagnie du Clédar. «Nous jouons à chaque fois dans des endroits insolites, mais c’est la première fois que nous occupons le site d’une entreprise en activité», déclare Georges-Henri Dépraz, qui participe, avec sa femme et son fils, à la 16e édition du Théâtre d’été de la vallée de Joux.

Le dessinateur met en balance les différents rôles sociaux des femmes vaudoises. Illustrations d’André Paul

Le dessinateur met en balance les différents rôles sociaux des femmes vaudoises.

Et de préciser que, si certains endroits, comme la patinoire du Sentier, dans le cadre du spectacle «Le Cimetière des Voitures», proposé en 1999, ont motivé le choix de la pièce, il n’en n’a pas été de même avec «Portrait des Vaudois», un recueil de chroniques dont la première parution date de 1969.

’occupation bernoise est l’un des thèmes du spectacle. Illustrations d’André Paul

’occupation bernoise est l’un des thèmes du spectacle.

«Nous avons pris l’habitude de collaborer avec les AVJ, qui mettent en place un système de bus navettes pour les Combiers, après nos spectacles. Cela nous a permis de tisser des liens d’amitié très forts», indique Georges-Henri Dépraz, pour expliquer la naissance de cette opportunité.

Pour ne rien gâcher, les bâtiments en dur de la société de transports combière se sont avérés une source d’inspiration pour le scénographe Jean-Luc Taillefert, qui y a vu la possbilité d’ériger un décor où la terre -le ciment des Vaudois- et le béton -dont Jacques Chessex fustigeait la prolifération- cohabitent. Quant au choix de l’auteur, il n’est autre que la concrétisation d’une évidence née dans la tête du metteur en scène Michel Toman. «Parfois, une oeuvre non théâtrale émet une vibration particulière, une étincelle qui scintille tout au long d’une lecture silencieuse: Je suis faite pour la scène, donne-moi un corps. Cet appel, je l’ai entendu lors de ma première lecture du Portrait des Vaudois», commente-t-il.

Des années de préparation

A l’image du défunt Jacques Chessex, ce pêcheur s’insurge contre la bétonisation galopante de son environnement. Illustrations d’André Paul

A l’image du défunt Jacques Chessex, ce pêcheur s’insurge contre la bétonisation galopante de son environnement.

Après plusieurs années de gestation marquées, notamment, par l’obtention de l’accord des ayants droits, la sélection des chapitres à transférer sur les planches ainsi que la détermination de leur ordre d’apparition, la première adaptation théâtrale de ce livre du lauréat du Prix Goncourt 1973 est sur le point de vivre son baptême, une répétition publique étant programmée demain, de 10h à 12h aux Bioux, dans les locaux précités.

Le spectacle «Portrait des Vaudois» verra une succession de tableaux éclore, s’épanouir et disparaître sur scène, sous la baguette d’une «fanfare-rideau», un concept spécialement orchestré pour l’occasion par Pascal Favre.

Les régions du Pays de Vaud, leurs habitants et leurs spécificités -Chessex qualifiait, par exemple, les Combiers de «grippe-sous et obstinés»-, rien n’est oublié. Les fresques dépeignent, pêle-mêle, l’amour des Vaudois pour le cochon, dans lequel tout est bon, la méfiance à l’égard des travailleurs italiens dans les campagnes et la cohabitation des catholiques et des protestants. Une tranche de cet impressionnant patchwork de scènes et d’émotions sera donc servie demain. La séance de travail proposera un retour en 1536, lors de l’occupation bernoise. «Il ne s’agit pas d’une fresque historique, mais d’une sorte de Jeux sans frontières», précise Georges-Henri Dépraz. L’affrontement de représentants des deux cantons, sur un plateau qu’il est prévu d’ensavonner, en présence d’un arbitre campé sur sa chaise, version match de tennis, d’un fan’s club pour soutenir chaque camp, et de deux présentateurs télé, garantit de faire des étincelles.

Avant-goût demain

«La répétition publique est une tradition. Elle donne au public un avant-goût du spectacle et lui permet de découvrir les lieux», commente celui qui est un participant de la première heure à l’aventure du Clédar.

«Il y aura 19 représentations. Au total, plus de 5000 billets ont été mis en vente à Vallée de Joux Tourisme. A ce jour, environ 2000 places ont été réservées. En moyenne, 70% des spectateurs viennent de l’extérieur de la Vallée», indique Aurélie Kleiner, l’attachée de presse de l’événement.

Fidèle à la prose de l’auteur

Les écrits de «Portrait des Vaudois», parsemés, ça et là, de savoureuses tranches d’argot restent, mais des personnages ont été créés de toutes pièces pour incarner ce terroir arpenté à travers différentes époques.

Pas moins de 150 costumes, loués, prêtés ou conçus, attendent sagement dans les loges. Georges-Henri Dépraz indique qu’il devra en changer huit fois, parfois en moins d’une minute. Des accessoires des années 60 et des éléments de décor se trouvent aussi dans cette pièce.

L’autre hangar des AVJ mis à la disposition du Clédar a bien entamé sa métamorphose. Des illustrations d’André Paul ornent les murs de ce restaurant temporaire de 220 places. Ces dessins, qui font référence aux scènes de «Portrait des Vaudois», témoignent de l’oeil toujours aiguisé de cet artiste de 96 ans. Ils seront vernis le samedi 15 août, dès 17h, à L’Abbaye, à l’Hostellerie La Baie du Lac.

L’Auberge de la Croix Blanche, si chère à Chessex, permettra de déguster un menu trois plats ou les mets à la carte de Jean Tripet et de sa brigade de volontaires. Un bon moyen de se donner de l’acouet avant le spectacle.

Infos sur www.cledar.ch

 

«Un côté super pro et une aventure artisanale»

Barbara Konrad participe pour la première fois au Théâtre d’été de la Compagnie du Clédar. Domiciliée depuis peu à la Vallée, elle a rapidement entendu parler de cette institution combière fondée en 1986. «J’aime la culture. Je me suis donc dit que je devais participer», déclare-t-elle. D’emblée, celle qui fait partie des plus de vingt acteurs amateurs, dont quatre enfants, a découvert une «organisation bien huilée. Il y a un côté super pro associé à une aventure artisanale», commente Barbara Konrad. Elle relève aussi la «chaleur», «l’esprit d’équipe» et apprécie le fait d’être «portée par les anciens». La formule mise en place cette année ne déroge pas à la règle appliquée à cet événement reconduit tous les deux ans. Une équipe d’une dizaine de professionnels encadre les comédiens et les bénévoles (environ cent à chaque édition) dans des domaines aussi variés que la mise en scène, la scénographie, l’éclairage, les costumes, la composition, le maquillage, la technique et même la restauration. «Il y en a toujours deux à disposition, dès 16h, les après-midis de répétition. Ils nous aident, par exemple, à travailler sur nos textes», précise la nouvelle recrue, dont la vie s’est «clédardisée» depuis le 27 juillet, date à partir de laquelle les membres de la Compagnie se voient quasi tous les jours, et ce jusqu’au 12 septembre, qui coïncide avec la fin des représentations.

Ludovic Pillonel