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Les vignes sont un cimetière à oiseaux

19 août 2015

Nord vaudois – Les filets destinés à protéger le raisin contre les étourneaux causent la mort de nombreuses espèces animales, au grand dam des défenseurs de la faune, qui se mobilisent, chaque année, pour leur venir en aide.

Ludovic Longchamp montre les restes d’un merle, vraisemblablement dévoré par un prédateur après s’être empêtré dans le filet. © Ludovic Pillonel

Ludovic Longchamp montre les restes d’un merle, vraisemblablement dévoré par un prédateur après s’être empêtré dans le filet.

«Cela fait plusieurs années que nous travaillons sur le retour de la huppe fasciée dans la région. Elle niche depuis trois ans à Onnens et un des cinq jeunes de l’année est mort, le week-end dernier, dans un filet.» Ludovic Longchamp, du Groupe ornithologique de Baulmes et environs (GOBE), exprime sa frustration face à la négligence de certains vignerons, qui coûte la vie, chaque année, à de nombreux représentants de la faune. La situation est particulièrement préoccupante dans la région.

«J’ai participé, l’an passé, à une étude de l’association ASPO/BirdLife Suisse en collaboration avec Pro Igel. Elle visait à recenser le nombre d’animaux pris au piège dans les vignes. Le Nord vaudois était la pire région de Suisse romande, avec le plus d’oiseaux répertoriés et de parcelles non conformes. Cette année, nous en avons déjà retrouvé une quinzaine en un peu plus d’une semaine. C’est plus qu’en quasi un mois en 2014. Et on ne prend, bien sûr, pas en compte les spécimens mangés par les chats ou les renards avant notre arrivée», déclare Ludovic Longchamp.

Tournées chaque été

La huppe fasciée retrouvé prise au piège, samedi dernier, a été amenée dans un centre de soin, mais elle n’a pas survécu. © DR/Martin Spiess

La huppe fasciée retrouvé prise au piège, samedi dernier, a été amenée dans un centre de soin, mais elle n’a pas survécu.

Ce jeune passionné d’ornithologie s’organise, durant le mois et demi précédant les vendanges, avec une poignée d’autres bénévoles du GOBE pour arpenter le vignoble d’Orbe à Onnens, dans l’espoir de sauver quelques animaux. Mais aussi pour mettre en hauteur les filets laissés sur le sol, afin d’éviter que les volatiles, mais aussi les hérissons, ne s’y prennent les pattes.

Du côté d’ASPO/Birdlife, auteure, dernièrement, d’un communiqué de presse intitulé «protection viticole respectueuse des animaux», le seuil de la patience semble sur le point d’être franchi. «La profession est au courant de cette problématique qui perdure depuis des années. C’est de la mauvaise volonté, car il y a des directives en ce qui concerne la pose de filets couvrants et des alternatives efficaces, comme les filets latéraux et l’effarouchement acoustique. Si rien ne change, nous envisageons de porter plainte», déclare François Turrian, vice-directeur de l’association.

Minorité de mauvais élèves

Didier Bourgeois, du Domaine de Gourmandaz, à Corcelles-près-Concise, tient à préciser que la transgression des règles est le fait d’une minorité de vignerons. «J’ai interpellé dernièrement deux de mes collègues dont les filets n’étaient pas aux normes. Le 99% d’entre nous travaille convenablement, mais quelques personnes non respectueuses portent préjudice à notre image», déplore-t-il.

Aujourd’hui, la majeure partie des ses neuf hectares de vigne est protégée en alternance par deux moyens d’effarouchement acoustique (canon à gaz et appareil émettant des cris de détresse), moins onéreux et dont l’entretien est plus aisé que les filets. «Ce système est moins efficace, mais il répartit la pression des étourneaux sur une grande surface», précise-t-il.

Ludovic Pillonel