Les superlatifs manquent encore pour rendre à sa juste valeur la performance d’Arlind Jashari, lors de la saison écoulée. En inscrivant à 89 reprises son nom au tableau d’affichage, le buteur de «Val-Bal» s’est hissé tout en haut de la liste des buteurs helvétiques. Rencontre avec celui qui incarne le renouveau d’un club qui l’a vu grandir.
Textes et photo: Lucas Panchaud
«Ce n’est que de la 5e ligue», «c’est du gâchis d’être si fort et de jouer encore à ce niveau», «c’est trop facile, il devrait aller plus haut»: autant de phrases entendues au bord des terrains qu’ont écumés le FC Vallorbe-Ballaigues et son fantastique buteur, Arlind Jashari, tout au long du championnat. Certes, le modeste niveau du plus bas échelon du football suisse permet aux joueurs talentueux de s’y exprimer avec davantage de libertés qu’ailleurs.
Mais s’il y a une chose que l’on ne pourra pas ôter à celui qui a grandi dans la région de Vallorbe et de Vaulion, c’est bien son humilité, lui qui a toujours su garder les pieds sur terre. «Au début, c’est moi qui avais en quelque sorte lancé ce défi dans le vestiaire de qui terminerait meilleur buteur. Puis, après quelques matches, j’avais dépassé les 20 buts et les autres ont rapidement compris qu’ils ne me rattraperaient pas», s’amuse le buteur de 26 ans. Et de préciser: «Mais je n’ai jamais fait de cet objectif une obsession. Je ne cherchais pas forcément à tirer tous les coups francs, ou les penalties, et je n’ai jamais hésité à faire une passe décisive à un coéquipier mieux placé que moi. Le plus important à mes yeux a toujours été le collectif.»
«Je regrette presque de ne pas avoir atteint les 100 buts !»
Au fil des matches, celui qui avait fait son retour au FC Vallorbe-Ballaigues à l’orée de la saison 2022-2023, a peu à peu commencé à jeter un œil sur le classement des buteurs, d’autant plus qu’il était attendu à chaque match par les défenseurs qui se présentaient face à lui. «À la trêve hivernale, je crois que j’étais à 41 buts. Je me suis dit: bon, essayons d’atteindre les 50. Au fur et à mesure, je me fixais des petits objectifs», explique-t-il. Avant de renchérir: «Plus la saison avançait, plus ça a été difficile. Pas parce que les équipes étaient mieux en place tactiquement, mais surtout parce que j’ai commencé à recevoir de plus en plus de coups. J’ai loupé deux rencontres pour une petite blessure ce printemps, c’est peut-être ce qui m’a manqué pour atteindre la barre des 100 buts. Je le regrette presque!» plaisante-t-il, le sourire aux lèvres.
The Sun
Formé au club, Arlind Jashari a connu les prémices de l’épopée du club des Prés-sous-Ville en 2e ligue interrégionale, faisant partie intégrante de l’équipe promue en 2016. «C’était une belle expérience, lors de laquelle j’ai eu la chance de côtoyer des joueurs comme Jacques Etonde, Daniel Ambrus, qui m’a ensuite convaincu de le suivre à Champagne, ou encore Eric Djemba-Djemba. C’était incroyable lorsque The Sun est venu à Vallorbe prendre des photos d’Eric dans notre petit vestiaire de 10 mètres carrés, c’était surréaliste.» Son bref passage infructueux à Champagne lui a forgé le caractère: «C’était un contexte particulier, une bonne partie des joueurs s’entraînaient deux fois par jour, moi je ne m’entraînais que le soir. Je me suis très vite senti un peu largué. Mais je retiens le positif, même si je suis peut-être parti un peu tôt, j’ai appris la discipline, la concurrence.»
«Des saisons comme celle-ci, on ne les vit qu’une fois»
La 5e ligue et la 4e ligue sont-elles devenues trop «petites» pour un footballeur de son calibre? «Je ne sais pas. Ce dont je suis conscient c’est que j’aurais pu, avec un meilleur mental, aller peut-être plus loin dans le football. Mais à l’époque, j’ai aussi fait le choix de mettre mes priorités ailleurs: terminer mon apprentissage, par exemple. Je suis revenu à Vallorbe il y a deux saisons pour reprendre du plaisir, retoucher un peu le ballon. Et je dois dire qu’au début de ce nouveau projet, je n’étais pas à 100% convaincu que tous les joueurs allaient y adhérer. J’ai été surpris en bien de voir que tout le monde avait tenu parole.»
Avec ses proches
Revoilà Val-Bal en 4e ligue et, surtout, Arlind Jashari sur la plus haute marche du podium des buteurs du pays. «Franchement, c’était exceptionnel. De voir le stade rempli lorsqu’on a fêté la promotion, de vivre ça avec mes amis d’enfance, mon frère Arben c’est une sensation unique. Des saisons comme celle-ci, on ne les vit qu’une fois», glisse-t-il, bien conscient que de tels accomplissements sont loin d’être monnaie courante, même à cet échelon.
Arlind Jashari et le FC Vallorbe-Ballaigues, auront, c’est certain, marqué de leur empreinte cette saison 2023/2024. Et le meilleur, pour l’un comme pour l’autre, est certainement encore à venir.