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L’homme qui va d’interdictions en nouvelles passions

17 juillet 2019 | Edition N°2541

Lorsqu’il était chef de brigade à la police comme depuis qu’il est un retraité hyperactif, Pierre-André Hugentobler a fait du sport son équilibre. Lorsqu’il ne parcourt pas la région à vélo, il œuvre au bon déroulement des manifestations sportives.

Pierre-André Hugentobler se serait bien vu faire de la course à pied toute sa vie. «Vous savez, quand le corps va bien et que les résultats suivent, ça ne donne pas envie de s’arrêter.» Les routes de sa passion menaient souvent l’Yverdonnois à Sermuz, là même où était établi son médecin. «Il me voyait passer devant sa fenêtre toutes les semaines, se souvient le sportif retraité, aujourd’hui 74 ans au compteur. Lorsque je m’arrêtais chez lui, j’avais toujours le droit à la même rengaine: Vous allez le payer, un jour, Monsieur Hugentobler. Moi, je me bouchais les oreilles.» Puis sont arrivées les douleurs au premier genou. Au second. Et, coup fatal, au bas du dos. «Il m’a interdit de continuer la course…»

Un coup dur pour celui qui avait empilé 450 dossards, témoignant de ses exploits dans le Nord vaudois, en Suisse, en France et ailleurs. «J’ai travaillé durant 32 ans à la police. J’ai été chef de brigade, j’avais huit hommes sous mes ordres. Des choses pas simples à encaisser, j’en ai vécues. La course à pied, c’était ma façon de me vider l’esprit, d’organiser la suite de mes opérations une fois que le service reprendrait.» Son équilibre en somme.

L’électrique par obligation

Pierre-André Hugentobler s’est résolu à accepter le verdict… pour repartir de plus belle sur un vélo. «Jusqu’en 2017, je cumulais 21 000 km par année. C’était bien simple, au début de l’année, je sortais le VTT. Et une fois que le mois de mars arrivait, je repassais au vélo de route.» Jusqu’à ce que sa prostate commence, elle aussi, à lui valoir son lot de soucis. «J’ai dû avaler des antibiotiques pendant un an et demi», lâche-t-il, encore dégoûté. Son urologue s’est montrée claire. «Vous ne remontez pas sur ce vélo, Monsieur Hugentobler.»

Mais le Nord-Vaudois est un fou de sport, comme il se qualifie lui-même. Alors, tant pis pour les moqueries et ceux qui s’en offusqueront: il s’est offert un vélo électrique. «Attention, j’aurais préféré ne jamais en arriver là. Mais c’était ma seule option. Je n’allais pas reprendre le foot à 74 ans…, sourit cet ancien junior d’Yverdon Sport, qui revenait d’une virée de 80 km le matin même. Le compromis que j’ai trouvé, c’est que j’éteins le moteur à plat, et je l’enclenche en montée. Mais pas très fort! Je reste sur les premières vitesses.»

S’il doit ménager sa monture sur sa bécane, Pierre-André Hugentobler ne s’économise pas lorsqu’il s’agit de rendre un peu de tout ce que le sport lui a apporté. Dimanche, il donnait un coup de main aux organisateurs des Championnats de Suisse de marche en côte, qui n’allaient certainement pas se plaindre d’avoir deux bras supplémentaires à disposition. Le week-end d’avant, il s’occupait des ravitaillements de La Favorite. L’homme a aussi vu défiler les coureurs du Marathon de Lausanne et des 20 kilomètres plus souvent qu’à son tour. «Ce que je préfère, c’est d’être ouvreur. C’est notamment le cas au Fyne Terra semi-maraton, où j’escorte la première dame de la course. Je veille à ce que tout se passe bien pour elle, sans la déranger. C’est important qu’elle puisse rester dans sa bulle», raconte celui qui avait participé à la création du triathlon d’Yverdon-les-Bains.

«J’ai toujours été sportif. Être bénévole, c’est une façon de me retrouver de l’autre côté tout en continuant à baigner dans ce milieu. Je retrouve d’anciens amis, on refait le monde, ça me procure beaucoup de plaisir.» Que Pierre-André Hugentobler n’hésite jamais à redistribuer autour de lui.

 

Il a la plus grosse collection d’autographes d’Europe

450. C’est la moisson que Pierre-André Hugentobler a ramené de la 44e édition d’Athletissima, au début du mois. Il est ici bien question d’autographes, que l’Yverdonnois réunit minutieusement dans d’immenses albums. Il faut dire que l’homme a ses petites habitudes au meeting lausannois, dont il a assisté à… 42 éditions. «Je me rends à l’hôtel Mövenpick, où sont logés la plupart des athlètes. Là-bas, je suis quasiment seul et, à force de me voir chaque année, les gens me reconnaissent», apprécie-t-il.

Ce passionné n’a rien contre la mode des selfies, mais lui est resté «à la vieille école». Sa collection se compte en dizaines de milliers. «55 000, pour être précis. Ce qui représente le record d’Europe», assure le Nord-Vaudois. Sportifs, politiciens, chanteurs: tout le monde y passe. Ou presque. Lorsque l’OM était venu s’entraîner à Chamblon, le célèbre portier Fabien Barthez l’avait snobé. «Je lui avais tendu mon album, il avait saisi un stylo et fait un immense trait en travers de la page… Autant dire que je ne perds rien à ne pas avoir sa signature. Mais la majorité des gens est accessible et le signe volontiers.»

Florian Vaney