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L’immanquable appel du bercail
Véronique Durrer a roulé durant près de 3h pour revenir au Petit Nouvel An, samedi. Elle a été accueillie à bras ouverts par ses contemporains de la classe 1975, dont Jean-François Gander, Fred Haarpaintner et Laurent Gret. © Michel Duperrex

L’immanquable appel du bercail

7 janvier 2019
Edition N°2408

Une tradition vieille de 49 ans fait revenir les «déserteurs» au village, afin de célébrer le Petit Nouvel An de façon conviviale avec tous les habitants de la commune.

Pour le Petit Nouvel An, tous les chemins mènent à… Sainte-Croix. Car il y a une tradition populaire presque cinquantenaire qui réunit tous les villageois sans exception chaque samedi qui suit la Saint-Sylvestre. Qu’ils soient déserteurs, fraîchement installés ou issus de familles implantées depuis des générations, tous se retrouvent pour boire l’apéro, souper et faire la fête le temps d’une nuit.

Une soirée unique au monde

Un rendez-vous que n’aurait loupé pour rien au monde Véronique Durrer, ex-Sainte-Crix qui réside aujourd’hui à Kerns, dans le canton d’Obwald. «J’ai quand même attendu que mon avion atterrisse mercredi soir pour confirmer que je pouvais bien rentrer au bercail!», sourit la jeune femme à peine revenue de l’Ile Maurice. Après avoir posé ses valises et demandé la permission d’aller faire la fête chez les Welches à ses «chefs» – son mari et ses trois garçons –, elle est montée dans sa voiture et a parcouru les quelque 220 kilomètres qui la séparent de ses racines. Car même si elle a abandonné son nom de jeune fille (Paillard), elle n’a pas oublié d’où elle vient.

Un premier apéro pour la classe 1982, connue pour avoir lancé la mode des déguisements souvent extravagants au Petit Nouvel An ainsi que pour ses délires. © Michel Duperrex

Un premier apéro pour la classe 1982, connue pour avoir lancé la mode des déguisements souvent extravagants au Petit Nouvel An ainsi que pour ses délires. © Michel Duperrex

«Le Petit Nouvel An pour nous, les Sainte-Crix, c’est sacré!», assure Véronique Durrer. En effet, chaque année, lors de la cérémonie des nouveaux citoyens, tous les jeunes de 18 ans se réunissent et forment «une classe» de contemporains. Telle une véritable association, dotée de statuts précis et d’un comité, elle a pour mission principale de réunir ses membres au bal du P’tit Nouvel An.

«Cette tradition a démarré avec mes contemporains en 1970, révèle Alain Cuendet, de la classe 1950. Mon papa était président du club de foot qui organise, depuis les années 1967-1968, le bal du P’tit Nouvel An, et c’est pour cela qu’on avait décidé de faire l’apéro de la classe à ce moment-là. Après quatre ou cinq ans, les autres ont commencé à faire pareil.» Un rituel qui a vite pris de l’ampleur, car le bal fait carton plein chaque année avec, en moyenne, 400 entrées. Et les quelques bars et restaurants encore ouverts sont tous complets ce soir-là, au point que certains groupes doivent se retrancher au domicile d’un de leurs camarades.

Tout un village débridé

Au fil des années, quelques variantes ont été imaginées: apéro de bar en bar, randonnée jusqu’à un chalet d’alpage ou encore soirée à thème. Cette innovation-là a été lancée par les classes 1981 et 1982.  «On se déguise depuis notre tout premier Petit Nouvel An, assure la présidente de la classe 1982», Karine Addor. «C’était notre façon de dire: attention, les 82 arrivent! Et on est devenus connus pour nos déguisements, renchérit Thierry Joseph. On savait qu’on nous attendait chaque année, alors on est vite montés en puissance jusqu’à débarquer au bal dans un bus de l’équipe de France en carton!» Et son contemporain Joachim Mutrux de lancer en souriant: «On a aussi fait dans le choquant avec les thèmes pute et pasteur ou encore sadomaso!» Aujourd’hui, la fine équipe s’est assagie, mais elle adore toujours se déguiser pour faire la fête. «D’ailleurs, maintenant, on a le droit d’aller deux années de suite dans le même restaurant, alors qu’avant on devait se faire oublier un moment», sourit Thierry Joseph.

C’est pour toute cette effervescence, cette folie et cette joie de vivre que Véronique Durrer apprécie autant de revenir à Sainte-Croix. «J’ai expliqué cette tradition à mon mari, mais il ne comprend pas pourquoi j’aime tellement cette soirée. On n’a vraiment pas le même humour d’un côté et de l’autre du Röstigraben, rigole-t-elle. Mais bon, je suis Romande alors, pour lui, c’est normal que je sois barge!» Une situation qui lui convient parfaitement, puisqu’elle peut ainsi venir s’amuser toute seule. «Je n’avertis même pas ma famille, parce que je sais que je n’aurai pas le temps d’aller les voir sauf s’ils viennent au bal!»