Yverdon-les-Bains – L’incendiaire de Concise, arrêté en fin de semaine dernière, a aussi admis avoir agi à Yverdon-les-Bains. Témoignage.
Il s’en est fallu d’un rien, en fait l’attention de jeunes passants, pour qu’un objet du patrimoine communal, promis-vendu à un architecte de la place, ne parte en fumée. En effet, l’incendiaire qui a principalement agi à Concise, a admis qu’il avait également tenté de mettre le feu à un immeuble yverdonnois, la ferme des Cygnes, située aux numéros 7 à 11 de la rue du même nom. La dernière habitante de l’immeuble, Evelyne Bourquin, témoigne du réveil brutal et des angoisses rétrospectives générées par cet évènement.
«Cela s’est passé le jeudi 16 janvier, vers 6h du matin. Je dormais profondément lorsque j’ai entendu tambouriner contre la porte d’entrée, puis à côté. Je me suis levée et j’ai entrouvert les volets. Un jeune homme tout énervé m’a dit: «Il y a le feu à la maison. Il vous faut sortir. On a appelé la police», explique l’octogénaire. Et de poursuivre: «L’image de l’extincteur m’est venue à l’esprit. Je lui ai dit d’ouvrir la porte d’entrée et de le prendre. Ce qu’il a fait. D’ailleurs, près d’une heure plus tard, je suis allée sur les lieux et il y avait de la mousse partout. Il l’a vidée à l’endroit où le feu a pris.»
Les sapeurs-pompiers du Service de défense incendie et secours (SDIS) du Nord vaudois sont arrivés rapidement et ils ont pris le relais. Avec une clé fournie par la locataire, ils ont pu accéder à l’intérieur de la grange par l’atelier. «Il y avait plein de fumée et ils ont mis en place un appareil de ventilation», explique Evelyne Bourquin.
Tétanisée
Passé le moment de l’alerte, elle était dans une forme d’état de choc: «Je me suis retrouvée en pyjama à l’extérieur. J’étais figée, comme tétanisée. Je n’arrivais plus à faire un mouvement. Puis je me suis reprise et habillée.»
Un policier est venu ensuite demander des renseignements sur la personne qui a donné l’alerte. «C’était un homme plutôt jeune. Je pense qu’ils étaient deux puisqu’il m’a dit «on» a alerté les pompiers. Je n’ai pas de nouvelles depuis. Je ne sais pas qui c’est.»
Si, en raison de l’intervention des passants, l’incendie a pu être circonscrit avant qu’il ne prenne des proportions dramatiques – l’annexe, principalement constituée de bois, aurait pu totalement s’embraser –, la dernière habitante de la ferme des Cygnes, dans laquelle a notamment vécu le professeur de dessin et célèbre peintre yverdonnois René Berthoud, a vécu des moments d’angoisse.
Au point que ses amies du Zonta Club l’ont incitée à parler, pour se libérer. Quelques jours plus tard, elle a eu la visite de policiers en charge des relations avec la population. Lorsqu’elle a appris l’arrestation de l’incendiaire de Concise, elle a eu le sentiment qu’il pouvait être l’auteur de l’incendie à la ferme des Cygnes. Bien que jugeant cette déduction un peu hâtive, l’un des policiers a procédé à une vérification. Et il s’est avéré qu’il s’agissait bel et bien du même auteur.
«Je suis maintenant complètement rassurée. D’autant plus que la Commune a pris des mesures de sécurité supplémentaires», explique Evelyne Bourquin. Encore propriétaire de l’immeuble, la Ville d’Yverdon-les-Bains a d’ailleurs déposé une plainte pénale. Quant au Service des gérances, il a fait mettre en place un nouvel extincteur.
À l’heure d’aborder les derniers mois de vie dans cet immeuble qui a auparavant appartenu à sa famille – elle y a vécu durant plusieurs décennies –, la dernière habitante de la ferme des Cygnes se dit «assez sereine».
Futur en marche
En ce qui concerne le futur de cet objet du patrimoine communal, il est en marche. Au terme d’un appel d’offres – la Municipalité a dû établir des priorités en matière d’investissements – une promesse d’achat-vente a été signée avec l’architecte Philippe Gilliéron. Ce dernier a présenté un premier projet qui n’a pas obtenu l’aval du Canton. Il faut dire que cet immeuble historique présente passablement de contraintes. Par ailleurs, les grands arbres situés dans le parc sont classés. «Nous nous sommes aussi engagés auprès du Conseil communal à ce que ce soit un projet de qualité», explique la municipale en charge de l’Urbanisme et des bâtiments (URBAT), Gloria Capt.
Projet acceptable
Son service collabore avec l’architecte pour favoriser une issue favorable à la procédure. Une nouvelle mouture du projet, qui, outre la rénovation de la ferme – elle sera affectée à l’habitat –, comprend la construction d’un immeuble sur une partie de la parcelle, semble avoir de bonnes chances de passer l’examen cantonal. «Nous avons intérêt à ce que les choses avancent. Nous voulons vendre et l’opération est conditionnée à l’obtention du permis de construire», conclut la municipale en charge d’URBAT.
Quel effet déclencheur?
En ce qui concerne l’incendiaire, un homme de 54 ans, rentier AI, domicilié à Concise, la procureure Florence Jolliet, en charge du dossier au Ministère public de la Broye et du Nord vaudois, se refuse, à ce stade, à tout commentaire. S’agissant d’une personne sans antécédent judiciaire, seule une expertise psychiatrique permettra de comprendre ce qui a déclenché des actes punissables d’un an d’emprisonnement au moins.