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L’invitée sulfureuse de la gauche radicale

14 mai 2025 | Textes: Jérôme Christen
Edition N°3943

L’activiste française Houria Bouteldja, figure de lutte anticoloniale, mise à l’index pour antisémitisme et homophobie, a donné en avril une conférence à l’initiative du groupe Solidarité & Écologie. Le conseiller communal Ruben Ramchurn s’en insurge. La CICAD avait dénoncé en janvier la tenue d’une telle conférence à Lausanne.

La soirée du 19 avril s’est déroulée dans une relative discrétion. Les organisateurs s’étaient contentés de publier une annonce sur leur page Facebook. «Unir les classes populaires divisées par le racisme contre le bloc bourgeois, c’est le projet exposé dans Beaufs et barbares, le pari du nous, par Houria Bouteldja, autrice et militante décoloniale. Solidarité & Ecologie a le plaisir d’inviter Houria Bouteldja à Yverdon-les-Bains pour une conférence sur cet ouvrage, deux ans après sa parution.»

Dans des locaux communaux

La soirée, limitée à 50 personnes et suivie d’un concert du rappeur Dr. Kool, s’est déroulée dans la salle de la Compagnie Kokodyniack à Sports 5, des locaux appartenant à la Ville d’Yverdon-les-Bains.

Epinglée par la presse de gauche

Houria Bouteldja, essayiste et militante, compte de nombreux «faits d’armes». Ses propos sulfureux lui ont valu des accusations d’antisémitisme, d’homophobie, de sexisme et de communautarisme. D’aucuns considèrent que sa rhétorique identitaire serait plus en phase avec l’extrême droite qu’avec la gauche radicale.  Un de ses principaux détracteurs est le politologue français de gauche Thomas Guénolé qui déplore voir en elle «une antiraciste devenue raciste» et parle de propos misogynes et homophobes au sujet de son livre Les Blancs, les Juifs et nous, vers une politique de l’amour révolutionnaire. Elle s’est également attirée les foudres entre autres du quotidien de gauche Libération, du Monde diplomatique et du journal satirique Le Canard Enchaîné.

«Personne n’a bronché»

Dans une de ses récentes publications «tous-ménages», Ruben Ramchurn parle «d’un événement dont notre ville se serait bien passée». Il déplore que «celle qui proclame que le juif est devenu blanc, qui accuse la République française d’être un régime racial, et qui oppose systématiquement la mémoire de la Shoah à celle de la décolonisation, a pu s’exprimer librement, sur notre sol, avec la bienveillance des autorités locales et personne n’a bronché ».

Le trublion yverdonnois en conclut que les Vert·e·s et solidaires «sont des donneurs de leçons de tolérance, mais les premiers complices du racisme progressiste quand il s’agit de flatter certains radicalismes. Houria Bouteldja ne défend pas la justice ou l’égalité, elle promeut une vision raciale de la société, où les individus sont réduits à leur couleur de peau, leur origine ou leur religion.»

«Silence complice»

Le chef de file du jeune mouvement Yverdon pour Tous s’étonne que cette conférence ait été autorisée dans des locaux appartenant à la Ville  et parle de «silence complice et passivité coupable. Qu’aurait-on dit si une figure d’extrême droite avait été invitée à débattre de blanchité et de domination raciale envers les non-Blancs? L’événement aurait été annulé sur-le-champ, et avec raison.»

Liberté d’expression

En charge notamment de la sécurité publique et de la police du commerce, le municipal Christian Weiler relève que «la demande d’autorisation de la conférence a été faite en bonne et due forme par les organisateurs. Elle a été accordée dès lors que les conditions étaient remplies. Aucun risque de trouble à l’ordre public n’a pu être identifié et la liberté d’expression prévaut.» L’élu PLR précise que ces dernières années, il n’existe qu’un seul cas où une manifestation aurait pu être interdite. Il s’agit d’un spectacle de l’humoriste Dieudonné. Mais l’autorité n’a pas eu besoin de trancher : «Nous avons communiqué les conditions à l’organisateur et nous n’avons plus eu de nouvelles.»

Pas de réaction

Le chef de file des Vert·e·s et solidaires, Bladimir Meneses, n’a pas donné suite à nos demandes de réaction lancées lundi et réitérées mardi.


Banalisation de la haine dénoncée

La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) avait dénoncé en janvier – dans une tribune libre publiée par notre confrère 24heures – la tenue d’une telle conférence à Lausanne, estimant que la liberté d’expression avait ses limites et ne devait pas servir de prétexte à la banalisation de la haine.  Son secrétaire général, Johanne Gurfinkiel   relevait le fait «qu’on ne compte plus ses frasques racistes, homophobes, antisionistes, et une complaisance assumée envers des mouvements terroristes et des meurtriers». Il dénonçait le fait que «selon elle, les «sionistes» – entendez, les Juifs – porteraient eux-mêmes la responsabilité de l’antisémitisme. Un discours grotesque et toxique, qui fait porter le fardeau aux victimes tout en légitimant les agresseurs». À la suite d’une tuerie qui s’est produite en 2012, le porte-parole de la CICAD s’émeut «qu’à ses yeux, les assassinats antisémites de trois enfants juifs n’étaient pas des crimes, mais une «contre-violence» légitime face à un supposé «philosémitisme d’État».

Toujours selon lui, sa haine ne s’arrête pas là: «Dans un ouvrage, elle qualifie l’homosexualité d’arme utilisée pour humilier les cultures non occidentales. La tarlouze n’est pas tout à fait un homme.» Elle avait également dénoncé un «impérialisme gay» qui, selon elle, affaiblirait l’homme décolonial. L’encyclopédie en ligne Wikipédia fait état de déclarations idéologiques qui prônent la lutte des races.

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