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L’opérette en panne de mélodies?
Yverdon, 25 septembre 2019. La Cigale et la Fourmi, spectacle de Catherine Pauchard, Antoine Schneider (directeur musical). © Michel Duperrex

L’opérette en panne de mélodies?

26 septembre 2019 | Edition N°2589

Yverdon-les-Bains - a compagnie locale L’Opéra par-ci par-là a pris le parti de dépoussiérer des compositions oubliées avec humour et légèreté. Mais la mission n’est pas si simple.

Alors que l’équipe de L’Opéra par-ci par-là ajuste ses derniers détails avant la première de La Cigale et la Fourmi, demain à 20h à la Fondation Saint-George à Yverdon-les-Bains (lire encadré), son directeur musical Antoine Schneider revient sur son défi artistique. Car la mission que la compagnie yverdonnoise s’est donnée n’est pas des moindres, puisqu’elle veut remettre au goût du jour l’opérette.

Antoine Schneider, rappelez-nous la différence entre opéra et opérette? 

L’opérette, c’est le côté comique de l’opéra.

Pourquoi avez-vous choisi ce credo? 

Avant que l’on commence à monter des spectacles d’opérette mobiles (ndlr: en 2014), on allait dans les rues, notamment lors de la Fête de la musique. Et on a vu que c’était un genre qui plaisait au public parce que c’est léger et ça parle à tout le monde.

N’est-ce pas risqué de miser sur des auteurs peu connus d’un genre musical qui n’est, lui-même, pas vraiment d’actualité? 

Nous avons beaucoup d’échos positifs mais, c’est sûr, que c’est difficile car c’est un répertoire de niche. D’un autre côté, le défi aujourd’hui c’est de se démarquer et, dans ce domaine, nous ne proposons que de l’inédit. En plus, l’opérette c’est un bon filon car on est sûrs que les gens vont rire!

Existe-t-il beaucoup de compositeurs oubliés?

Oui! Il y en a énormément qui sont tombés dans l’oubli ou qui ont été dévalorisés dans les années 1950.

Mais s’ils ont été effacés de la mémoire populaire, c’est peut-être pour une bonne raison… 

C’est vrai que parfois certaines œuvres sont mal écrites ou elles sont trop en-dessous de la ceinture, mais on trouve toujours quelque chose.

Est-ce facile pour vous de dénicher «la» partition à revisiter?

Je suis allé plusieurs fois à Paris, à la bibliothèque nationale, pour éplucher des centaines d’œuvres. C’est un petit peu la jungle mais on déniche parfois des partitions qui n’ont été jouées qu’une ou deux fois avant d’être stockées, c’est incroyable.

Y allez-vous au petit bonheur la chance?

Oui, j’y vais un petit peu au hasard, mais j’ai aussi fait des études en musicologie donc je connais aussi passablement de noms.

Quels sont vos critères de sélection?

Si l’œuvre est bien, il faut encore qu’elle soit à notre échelle, car on est trois-quatre dans le comité donc on ne peut pas reprendre quelque chose qui demande un orchestre, par exemple. Je regarde aussi pour que cela soit facilement transportable.

Transportable?

Oui car notre but est d’aller vers les gens et non pas que les gens viennent à nous. Comme on voyage beaucoup et qu’on choisit des salles assez petites et intimes, il faut que la pièce soit facile à déménager.

En cinq ans, avez-vous réussi à donner envie au public de s’intéresser à l’opérette? 

Il y a des personnes qui nous suivent, ce qui nous fait très plaisir, et il me semble qu’on progresse. Mais c’est clair qu’il faut batailler. Cependant, ce serait vraiment dommage de baisser les bras à cause d’un manque d’argent, surtout si on fait notre travail avec passion.


Quand La Cigale et la Fourmi se dévergondent

Cette année, L’Opéra par-ci par-là a prévu de plonger les spectateurs dans des souvenirs d’enfance avec la célèbre fable de Jean de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi, tout y ajoutant son grain de sel. On y retrouve les deux acteurs principaux, la Cigale, interprétée par Béa Droz, et la Fourmi, alias le longiligne Mathias Constantin, ainsi que le feu Frédéric Barbier, joué par Antoine Schneider, en pleine séance de travail et face à ses doutes, son ennui ou encore son autocritique.

C’est ce personnage qui plante le décor en racontant les déboires d’un musicien de la moitié du XIXe siècle. «à cette époque, c’était l’industrie de l’opérette!, rappelle Catherine Pauchard, metteuse en scène et scénographe. On a ajouté ces éléments pour faire vivre une problématique des compositeurs d’antan car il y avait une sorte de joute entre ceux qui voulaient donner de l’importance à la mélodie et les librettistes qui, eux, entendaient mettre l’accent sur le texte.» Frédéric Barbier travaille ainsi son œuvre sur le récit de La Fontaine. La Cigale, chanteuse pauvre et olé olé, cherche en vain du travail. Elle se tourne vers la Fourmi, reine des raccommodeuses, pour lui emprunter de l’argent. La Fourmi, elle, mise sur l’artiste pour récupérer des sous. Finalement,voyant qu’ils n’obtiendront rien l’un de l’autre, les deux personnages s’unissent pour gagner ensemble de l’argent dans un théâtre. Au milieu de cette histoire sérieuse, le compositeur s’endort et l’imaginaire prend la relève sur scène. Les deux curieux insectes trouvent alors un smartphone et jouent un air de disco. «La Fourmi finit par se dévergonder!», dévoile Catherine Pauchard.

Avant-première demain, à 20h, à la Fondation Saint-George à Yverdon-les-Bains. Une tournée est ensuite prévue entre Bevaix, Savigny, Saint-Prex, Daillens et Cully. Détails: www.opera-parciparla.ch.

Christelle Maillard