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Le «Master of Sport» qui s’est construit dans sa cave
©Michel Duperrex

Le «Master of Sport» qui s’est construit dans sa cave

24 mars 2017 | Edition N°1962

Kettlebell – L’Yverdonnois Raphaël Pomey est devenu vice-champion du monde de sa discipline, en Californie.

Plus vite, plus fort, plus grand : Raphaël Pomey soulève des poids de 32 kg chacun dans l’antre de la «bête», au sous-sol de son domicile. ©Michel Duperrex

Plus vite, plus fort, plus grand : Raphaël Pomey soulève des poids de 32 kg chacun dans l’antre de la «bête», au sous-sol de son domicile.

Seul dans sa cave avec Dieu et ses muscles, à soulever deux «théières» en fonte et, parfois, à hurler pour y parvenir, Raphaël Pomey passe régulièrement pour un Martien auprès de ses voisins et camarades de salle de musculation. Et pour cause : l’Yverdonnois est le seul Romand à pratiquer sa discipline à haut niveau. Au point que, lors des Championnats du monde disputés en Californie, à fin février, il a obtenu le titre honorifique de «Master of Sport», selon les standards russes. Ce qui représente «un peu l’Everest» dans sa spécialité.

C’est en 2011 que se sont dessinés les premiers contours de sa transformation, tandis que l’amateur d’haltérophilie d’alors se trouve trop lourd. Avec le kettlebell, il s’entiche d’une discipline qui lui permet de continuer de soulever de la fonte, tout en redessinant sa silhouette et en pratiquant la course à pied, une autre passion de cet hyperactif. Deux ans plus tard, lors d’une compétition où il fait figure de novice, il rencontre Niels Martin Lundgren, un Norvégien qui va devenir son mentor, depuis Oslo. «Lui cherchait quelqu’un qu’il aurait plaisir à entraîner et, de mon côté, j’ai suivi ses conseils à la lettre», évoque le disciple. L’essai a rapidement été transformé. «La préparation à une compétition est particulièrement intéressante. On sent notre corps réagir, on comprend comment fonctionne la machine, c’est assez fascinant», poursuit le père de famille de 34 ans, ravi du développement de son sport, pour lequel il a déjà donné quelques leçons dans la région.

L’Yverdonnois a installé sa salle d’entraînement dans sa propre cave, où il aime s’isoler pour souffrir en musique. Au mur, se trouvent quelques bibelots religieux, qui lui permettent de se sentir moins seul dans l’effort, alors même que la dimension et les exigences mentales de sa discipline sont extrêmes. Le corps et l’esprit doivent tenir sur la durée. Dix minutes, lorsqu’il est en compétition.

Parti aux Etats-Unis pour participer aux Championnats du monde de la WAKSC, l’une des deux principales fédération de kettlebell, Raphaël Pomey est tombé nez à nez avec un immense poster de lui-même accroché au mur de la salle de Costa Mesa, dans la banlieue de Los Angeles. Une preuve du statut qu’il a acquis en quelques années de pratique sur le circuit international. Un voyage qu’il a pu entreprendre grâce au coup de pouce, entre autres, d’une enseigne locale spécialisée dans la vente de bières (!) et de la Commune d’Yverdon-les-Bains. «J’ai toujours été très fier de ma région et avoir été soutenu par ma ville représente quelque chose d’immense à mes yeux», affirme celui qui a porté haut les couleurs du Nord vaudois sur la Côte ouest.

Outre un diplôme d’instructeur -il a suivi une formation sur place-, le bougre a ramené un titre de vice-champion du monde dans ses valises. «En soi, la médaille décrochée ne veut pas dire grand-chose puisque, suite à une cascade de blessures, on s’est retrouvés à faire un duel avec un Américain qui a réalisé 51 répétitions, soit une de plus que moi, chez les pros. Dans les petites catégories de poids comme la mienne (-73 kg), il y a toujours plus de monde en amateurs, où les engins sont moins lourds», précise Raphaël Pomey. Sa prestation demeure exceptionnelle : avec 50 répétitions, il a soulevé 3,2 tonnes dans le temps imparti. Ne devient pas maître qui le veut.

 

Dites girevoy, en russe

Le kettlebell -le girevoy (prononcer guirevoï) en Russie, où le sport s’est développé, notamment au sein des rangs de l’armée- est une discipline qui se décline en deux épreuves : le biathlon, qui consiste en un jeté (jerk) de deux poids et un arraché (snatch) d’un poids ; et le long cycle, un mouvement répétitif d’épaulé-jeté avec deux kettlebells. C’est cette deuxième variante que Raphaël Pomey pratique en compétition.

Concourant dans la catégorie pro, il soulève (sans les poser) deux cloches de 32 kg chacune un maximum de fois durant dix minutes, contre 24 kg par objet pour la catégorie amateurs. «Le kettle est un excellent outil de test d’aptitude physique, car il requiert à la fois de l’endurance, de la force, de l’explosivité et de la souplesse, détaille l’Yverdonnois. Je n’avais, bien sûr, pas tout ça à la base.»

C’est pourquoi, outre quatre entraînements hebdomadaires dans sa cave avec les kettlebells, il avale également 30 km par semaine en course à pied, fait régulièrement une session de musculation traditionnelle et s’astreint à du stretching quotidien. Le prix à payer pour conquérir le statut de «Master of Sport» dans la discipline.

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Manuel Gremion