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Maya Rochat, en quête de lumière
Maya Rochat. © Michel Duperrex

Maya Rochat, en quête de lumière

26 août 2021

Maya Rochat, artiste lausannoise à la renommée internationale, présentera son travail lors des Numerik Games ce week-end. Entre peinture, performance et vidéographie, elle hypnotisera le public de ses oeuvres vivantes.

 

A l’avenue de Tivoli à Lausanne, au fond d’une petite cour, entre un agglomérat de rouleaux et un cime­tière de rétroprojecteurs scolaires, nous poussons la porte, entrou­verte, d’un sanctuaire artistique empli de couleurs et de lumière. En pénétrant dans l’antre du repaire de Maya Rochat, qui virevolte à vive allure entre les différentes pièces de son atelier, nous cherchons l’ar­tiste perdue dans son matériel. Dès le premier échange, nous compre­nons rapidement que la propriétaire de ce sanctuaire polychrome a une perception différente de ce qui nous entoure. Une autre façon de voir, de sentir, d’observer.

La jeune femme de 36 ans ne tient pas en place. Inutile de la guider pour la photographier, elle installe déjà des toiles de plus de 10 mètres de long à son plafond afin de créer une ambiance. Entre ses tableaux ultra colorés et abstraits, des papiers brillants et les traces de peinture au sol de l’atelier au plafond haut (pour que les toiles puissent passer), trônent encore quelques rétropro­jecteurs sur lesquels sèchent des peintures. «Ce n’est pas moi qui peint, je redirige la couleur », sort Maya Rochat naturellement, comme tous les mots qu’elle emploie, de manière poétique et réfléchie. «Je ne pose pas mon âme dans des grands gestes sur des toiles, comme on ima­gine parfois les artistes ! Je triche, je joue avec le matériel. »

Et ce matériel n’est autre que les rétroprojecteurs. «Ça m’amuse car c’est un outil d’école qui rappelle les cours d’allemand, pas les plus passionnants. Ou quand les gens voient ça, ils se disent : Oh non, les maths ! Maintenant c’est mon outil de travail, je trouve ça cool qu’on ait un objet qui soit réinvesti par l’art et donne un signal assez clair : il faut changer notre manière d’apprendre sur le monde avec une énergie plus positive et colorée. »

Mais comment passe-t-on d’un rétroprojecteur à un tableau de 3 mètres? Maya Rochat travaille directement sur le film transpa­rent, que le rétroprojecteur peut projeter en direct. Puis elle scanne son oeuvre, ce qui rappelle la photo­graphie, un art qu’elle a également étudié. «J’ai un plaisir profond pour la qualité de l’image », précise la diplômée des écoles d’art de l’ECAL et de la HEAD de Genève. Ensuite, l’image est imprimée sur un papier qui convient à l’image de ce qu’elle souhaite.

La plupart de ses réalisations sont abstraites, mais très travaillées. «Je ne pourrais pas me retrouver devant une feuille blanche où l’on me dirait : dessine un arbre ! C’est horrible. » Car ses oeuvres, au contraire, ne fixent pas la perception sur un objet, mais permettent de laisser l’imagi­naire s’évader, sans barrière. Rien n’est juste ou faux. «J’adore cette partie de mon travail. Chacun inter­prète les choses différemment et la créativité des autres est toujours plus riche que ce que l’on pense. Ici par exemple, quelqu’un m’a dit qu’il voyait des oiseaux et des femmes nues ! Moi je ne les vois pas, mais c’est génial (rires). »

Sur son travail actuel, imprimé sur du papier métallisé, l’artiste découpe, à la main, des formes ren­dant l’oeuvre davantage vivante. « Les couleurs prennent vie », aime-t-elle à dire. « Avec ce relief, on sent qu’on doit aller vers elle. »

En revenant de ce paradis coloré de l’imaginaire, Maya Rochat pré­sentera ce week-end au public, lors des Numerik Games, son travail en deux parties. Deux vidéos de sa créa­tion seront diffusées pendant le fes­tival, ainsi qu’une performance, très attendue, qui projettera sa peinture en création sur la façade de l’Hôtel de Ville. Toujours sur le rétroprojec­teur, mais cette fois-ci le travail sera filmé puis rediffusé en direct.

Cette performance permet notam­ment à Maya Rochat de faire sortir son art des murs de son atelier ou des expositions, afin d’atteindre son objectif central : donner du plaisir. «J’ai envie que le public ait autant de plaisir que moi », explique-t-elle. «Je m’assieds avec un peu d’eau, puis la musique démarre et me guide comme dans une transe. C’est contemplatif, relaxant et jouis­sif. Je transmets cette magie avec le public pour que les gens voyagent et s’amusent lorsque la couleur jaillit. »

Car celle qui gère également une entreprise de vêtements durables avec sa famille, fait de l’art pour elle, mais surtout pour les autres. « Les artistes sont les fourmis éclaireuses qui amènent de la lumière et de la beauté. » Et d’ajouter : «Je ne fais pas de la déco pour des salons de riches ! On subit beaucoup d’attaques sur ce que sont le artistes. Mais en réalité, c’est plutôt un milieu de crève-la-faim. »

Ici, à l’atelier de l’avenue de Tivoli, tout n’est que lumière et couleurs. Mais ça n’a pas toujours été le cas pour l’artiste. «Avant, j’aimais beaucoup les photos et les images glauques, j’aimais montrer la souf­france humaine. Puis, j’ai cherché à montrer la nature de façon plus positive, moins brutale. »

Et cet optimisme, Maya Rochat le garde, à toute épreuve. «Depuis plus d’un an, on travaille à perte, les caisses sont vides. Mais j’ai trouvé la paix dans l’idée qu’il y a beaucoup de choses dont je n’ai pas besoin. Si je ne dois manger que des betteraves et des carottes pour mon art, je le ferai ! Mon travail est toujours connecté à ce que je vis.»

 

 

Exposée au CACY

 

L’oeuvre de Maya Rochat est exposée au Centre d’art contem­porain d’Yverdon (CACY) dans le cadre de l’exposition Supernature. Elle vise notamment à montrer la subtilité et la beauté de la nature, tout en rappelant sa force. L’artiste y expose une peinture fidèle à son style artistique, colorée, et une vidéo sur toile, immersive et hyp­notisante. Rolando Bassetti, le directeur du CACY, n’a pas hési­té pour contacter l’artiste. « Sa démarche est très sensible, intelli­gente et engagée. Elle nous happe avec son oeuvre, nous transforme de manière positive, mais elle reste très lucide. Elle aborde la théma­tique de l’environnement. Une sorte d’ode à la nature. C’est concer­nant sans être culpabilisant. »

 

INFOS PRATIQUES

Quoi: Supernature Projections/peinture en live avec Maya Rochat et le CACY.
Quand: Vendredi 27 août de 21h45 à 22h45 (live) et de 00h15 à 0h45 ; Samedi 28 de 21h45 à 22h45 et de 0h30 à 01h
Où: Hôtel de Ville d’Yverdon
Site: www.mayarochat.com

Léa Perrin