«Même en Suisse, l’acquisition d’un niveau suffisant en lecture et en écriture n’est pas garantie»

Les difficultés dans l’expression écrite peuvent devenir un facteur d’exclusion. Mais ce n’est pas une fatalité, grâce à l’Association Lire et Ecrire.

Comprendre un courrier, remplir un formulaire, gérer le budget familial ou encore faire valoir des droits… Autant d’actes qui rythment la vie quotidienne des Nord-Vaudois. Pourtant, ces petites actions peuvent s’avérer être de grands défis à relever pour ceux qui ont de la peine à lire et à écrire. Et c’est bien plus courant que ce que l’on pourrait croire, estime Sarah Soleymani (en photo), responsable de l’antenne nord-vaudoise de l’Association Lire et Ecrire. «En Suisse, un adulte sur six rencontre des difficultés avec la lecture et l’écriture. Et un adulte sur dix a du mal à effectuer des calculs courants», confie-t-elle.

Pour couper court à tous les clichés, Sarah Soleymani précise que cette situation ne concerne pas seulement les femmes et les hommes avec un parcours migratoire. Elle touche également des individus nés et scolarisés en Suisse. «La proportion est presque identique. Même avec un système de formation bien développé, l’acquisition d’un niveau suffisant en lecture, en écriture et en calcul n’est pas garantie», poursuit-elle.

Les complications rencontrées à l’âge adulte ne proviennent pas toujours de lacunes scolaires. Elles apparaissent aussi avec le développement de certains secteurs économiques.

L’essor des outils informatiques et la numérisation rapide de tous les aspects de la vie nécessitent d’acquérir de nouvelles compétences. Sarah Soleymani observe que ce n’est pas à la portée de tout le monde. La cyberadministration illustre bien cette situation, selon elle. «Les entreprises et les services publics généralisent les démarches en ligne, sans pour autant en faciliter l’accès. Peu d’alternatives sont proposées aux personnes n’ayant pas de compétences informatiques et numériques. Et pour les personnes qui sont aussi en difficulté avec la lecture et l’écriture, c’est la double peine», constate la responsable de l’antenne nord-vaudoise.

La maîtrise insuffisante des compétences de base est un facteur d’exclusion sociale, culturelle, économique et politique répandu en Suisse. L’Association Lire et Ecrire s’engage depuis plus de trente ans pour faire connaître cette problématique et y apporter des solutions. «Car tout le monde a le droit de participer de la manière la plus autonome qui soit à tous les aspects de la vie en société», insiste Sarah Soleymani.

En plus des cours qu’elle propose (lire l’encadré), l’Association Lire et Ecrire propose des cours de lecture, d’écriture, de calcul et d’informatique de base. Elle mène aussi des actions de sensibilisation pour lever le voile sur une réalité méconnue du grand public, y compris des professionnels de l’action sociale et de l’insertion professionnelle. «Parce que les individus concernés n’osent pas parler de leurs difficultés dans une société où il est généralement admis que tout le monde sait lire et écrire», souligne Sarah Soleymani.

A cela s’ajoute un service de simplification des textes. En effet, elle relève que savoir lire ne suffit pas, il faut pouvoir comprendre. L’association accompagne les organisations afin de rendre leurs productions écrites plus accessibles. Le recours au langage simplifié (ou «langue facile à lire») favorise la compréhension et le passage à l’action. Tout le monde en tire bénéfice.
Les obstacles à franchir pour augmenter le niveau de compétences de base des adultes sont nombreux. Mais «le pouvoir d’agir des collectivités publiques en faveur du langage simplifié peut être un puissant moteur d’évolution sociétale, afin de garantir le droit pour tous à une réelle participation économique, sociale, culturelle et politique», conclut Sarah Soleymani.

Pour tous les âges

L’antenne nord-vaudoise de l’Association Lire et Ecrire propose des cours de lecture et d’écriture, intégrant pour certains les nouvelles technologies. Les cours s’adressent à des adultes qui parlent le français. Ils ont lieu à Orbe, à Yverdon, au Sentier, à Moudon, à Lucens et à Payerne. Des cours spécifiques permettent de préparer l’entrée en formation d’auxiliaire de santé et les aspects écrits de la théorie du permis de conduire. Quant au projet «Lire, écrire, se construire», destiné aux 16 à 25 ans, il change de formule. Il vient s’ajouter au programme annuel des cours et se déroule en période scolaire (inscription jusqu’à fin mai), à raison d’une matinée par semaine. Les jeunes se réunissent pour améliorer leurs compétences à l’écrit, développer un projet personnel et profiter d’activités originales touchant à l’art et à la culture. Informations: 024 426 15 29; nordvaud@lire-et-ecrire.ch