Mettre au travail trafiquants et consommateurs
22 mai 2025 | Textes: Jérôme ChristenEdition N°La Région Hebdo No 12
Les Vert’libéraux vaudois proposent un catalogue de mesures pour lutter contre le trafic de drogue. Ils souhaitent que l’on s’inspire de la recette alémanique et portugaise. Les mesures visent surtout une décriminalisation de la consommation et une collaboration entre police et travailleurs sociaux.
«Nous voulons un changement de cap pionnier dans la politique de la drogue», expliquent les Vert’libéraux vaudois, qui ont présenté hier à Lausanne le fruit de la réflexion d’un groupe de travail mis sur pied pour traiter du thème de la drogue et du trafic de rue.
Pilotés par Michael Maeder sur ce dossier, ils se sont penchés sur deux exemples de réussite. Trente ans après la fermeture du Letten et du Platzspitz, ces scènes ouvertes sont à l’origine d’un «traumatisme fondateur d’une politique coordonnée», selon ses mots.
Le cas du Portugal est également édifiant. Embourbé dans une situation catastrophique dans les années nonante, avec une importante surpopulation carcérale, les Lusitaniens se sont orientés vers une nouvelle politique dès 2001, avec notamment une tolérance et une décriminalisation de l’achat, la possession et la consommation de drogue personnelle. Le soutien aux consommateurs y est privilégié comme outre-Sarine, où la police ferme les yeux jusqu’à une possession de dix grammes pour se concentrer sur les «plus gros poissons».
C’est ce modèle que défendent les Vert’libéraux, sur «la base de recherches fouillées et documentées». Olivier Bolomey, leur président au plan cantonal, constate «un échec de la politique actuelle prise en otage entre une gauche trop sociale et une droite trop paternaliste».
Parmi les autres mesures préconisées, celle d’une meilleure collaboration entre les intervenants sociaux et la police fonctionne avec succès en Suisse alémanique mais s’est heurtée jusqu’ici à de fortes résistances des travailleurs de terrain, qui craignent toujours de perdre la confiance des toxicomanes dès lors que l’on pourrait soupçonner leurs accointances avec la police. Cette crainte n’a toutefois plus de raison d’être si la consommation est décriminalisée.
Leur proposer du travail
Autre proposition forte des Vert’libéraux, l’insertion professionnelle des consommateurs de drogue par des programmes d’occupation sous forme de travaux d’intérêts publics, voire si possible de l’économie privée. Ils souhaitent également favoriser l’insertion professionnelle des requérants d’asile afin d’éviter qu’ils tombent dans les mains des réseaux criminels. La conseillère nationale Céline Weber a toutefois admis que cette mesure avait une limite. Nombre de revendeurs n’ont pas fait leur demande d’asile en Suisse, mais en Italie. Ils débarquent chez nous au travers d’un réseau organisé qui profite des visas Schengen d’une durée de trois mois. Il n’est bien sûr pas question pour les Vert’libéraux de prendre en charge des demandeurs d’asile qui doivent l’être par l’Italie.
En conclusion, les Vert’libéraux demandent une application stricte de la politique des quatre piliers, ainsi que des mesures complémentaires et interdépendantes débouchant sur un 5e pilier concernant l’accès au marché du travail, tout en renforçant la collaboration entre les acteurs. Diverses interventions parlementaires sont prévues à Lausanne, au Grand Conseil et à Berne.

Le président des Vert’libéraux du Nord vaudois, Pierre-Henri Meystre. DR
Les Vert’libéraux du Nord vaudois vont s’inspirer de ce catalogue de mesures
«Je suis très content que le parti cantonal ait mis sur pied ce groupe de travail et se soit inspiré des réussites suisses alémaniques. Cela aboutit à un catalogue de propositions de mesures qui pourraient être prises et qui doivent être adaptées en fonction des situations des différentes villes du canton. Nous allons nous en inspirer en retenant les plus adaptées et acceptables par une majorité du Conseil communal pour qu’elles puissent être mises en place au plus vite», commente Pierre-Henri Meystre.
Pour le président des Vert’libéraux du Nord vaudois, «une des mesures les plus intéressantes consiste à occuper les petits trafiquants, par exemple par des travaux d’intérêt général comme à Lausanne ou en Suisse alémanique. Pourquoi pas à Yverdon? Il faudrait pouvoir arriver à les insérer.»
Les Vert’libéraux émettent le souhait que les communes de Vevey et Yverdon s’inspirent de Lausanne pour la prise en charge des toxicomanes dans des centres dédiés. Pierre-Henri Meystre est bien conscient «qu’Yverdon n’est peut-être pas encore prêt à franchir le pas. Un travail est déjà effectué à Zone Bleue, mais il est nécessaire de réfléchir à ce que nous pouvons faire de plus sur ce site ou ailleurs.»
Pour Pierre-Henri Meystre, «la situation n’est plus tolérable à la place d’Armes. Il est indispensable de se réapproprier le Jardin japonais et les jardins du Casino, comme cela vient d’être fait avec une occupation des lieux pour différentes animations. Il faut continuer sur cette voie et songer à d’autres mesures de ce type.»
Le groupe de travail, mis sur pied par les Vert’libéraux, évoque le fait que l’on oublie que «de nombreuses personnes largement insérées consomment des substances illégales et que ce sont elles qui alimentent aussi la demande de drogue et donc le trafic qui gangrène les villes». Comment les atteindre ? Pierre-Henri Meystre admet que «c’est beaucoup plus difficile car moins visible. Mais il doit être possible de mettre sur pied des campagnes de prévention.» En attendant, les Vert’libéraux vaudois proposent de briser ce tabou en organisant des «assises de la consommation de drogue dans notre société».