Textes et photos: Myrtille Wendling
La gagnante du Championnat vaudois de carrosserie, qui a perdu son père à l’âge de 14 ans, raconte son parcours atypique et touchant, dans un métier qui n’est plus fait que pour les hommes.
Rien ne la prédisposait à devenir carrossière-peintre, et pourtant elle le fait de manière grandiose. Alors que pour beaucoup, la carrosserie se transmet de génération en génération, aucun membre de la famille de Mylène Roy ne fait partie de cette branche. Pourtant, elle a brillé, âgée de 19 ans seulement, au Championnat vaudois de carrosserie (CarVaudSkills) en montant sur la première marche du podium. Et elle ne compte pas s’arrêter là.
Tout commence par une tragédie et une planche à roulettes: «Quand j’ai perdu mon père, à 14 ans, je suis rentrée dans l’association Porte-Bonheur (association pour les orphelins en Suisse), où j’ai rencontré André Marty, l’ancien président de l’association. Ensemble, nous avons peint un ciel étoilé sur mon skateboard car, dans l’association, lorsqu’on perd un proche, celui-ci devient notre étoile.»
Alors qu’elle est en stage dans une garderie, cette expérience artistique est une révélation: elle veut faire du design sur des objets concrets. Elle se tourne alors vers celui qu’elle nomme «Dédé» pour savoir quelle piste suivre. André Marty l’aiguille vers un apprentissage comme peintre en carrosserie et elle n’attend pas de passer la seconde pour foncer.
Pourtant, les débuts furent compliqués: «Je n’étais pas très habile de mes deux mains. Mais l’année passée, j’ai eu un déclic. J’ai réalisé que je savais faire mon métier, même s’il me reste beaucoup à apprendre.»
Ses compétences, c’est notamment lors du concours qu’elle a pu les exposer à tous les autres carrossiers vaudois. Imperturbable et d’humeur joyeuse à toute épreuve, elle garde son sang-froid lorsqu’un couac survient, même sous le stress d’un concours. «J’ai commis une erreur pendant l’épreuve du vendredi. Lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai regardé mon professeur avec un grand sourire et je lui ai demandé: Il me reste combien de temps?» Trente minutes. C’est le temps qu’il lui restait, alors qu’elle avait initialement une heure trente pour effectuer la réparation. Hors de question de s’apitoyer sur son sort, elle recommence depuis le début et, le lendemain, les résultats tombent. Elle décroche la première place.
Elle se remémore ses premières pensées lorsque l’annonce est parvenue à ses oreilles: «Mylène, tu es première, alors il y a le parcours d’Aurélie Fawer qui t’attend.» Aurélie Fawer n’est autre que l’ancienne gagnante suisse de carrosserie du concours SwissSkills en 2018, qui a ensuite atteint la sixième place au WorldSkills International. Mylène Roy a eu la chance de travailler avec elle dans la première entreprise où elle a appris le métier de carrossier et sait, ainsi, ce qui l’attend pour le futur (voir encadré). La détermination de l’actuelle championne vaudoise lui permet de rêver d’atteindre le même niveau qu’Aurélie Fawer à l’époque.
Ces deux carrossières montrent à la terre entière que ce métier n’est plus réservé aux hommes. Néanmoins, malgré les prouesses effectuées, les remarques persistent. «Quand je me suis intéressée à la carrosserie, j’en ai parlé à un garçon – que je pensais être mon ami – et il m’a dit: Tu n’y arriveras jamais, c’est un métier trop dur pour une femme.» Mais pour Mylène Roy, rien n’est impossible. Cette injonction l’a même poussée à continuer dans cette voie. «Ses paroles m’ont motivée à démontrer qu’être une femme n’est pas un frein. Les portières sont assez lourdes, mais elles deviennent de plus en plus légères grâce aux nouveaux matériaux et nous pouvons être deux pour les porter. Les femmes dans ce métier montrent leur différence par rapport aux hommes et réussissent des actions que les hommes ne parviennent pas à faire. C’est très satisfaisant.»
Solaire et sans appréhension pour l’avenir, celle qui habite désormais à Yvonand dit vouloir «garder la tête froide et y aller étape par étape». Sa rigueur, sa patience et son sens du détail montrent à quel point la distinction homme versus femme au sein des carrossiers n’a plus lieu d’être. Mylène Roy ajoute que «ce métier est parfait, il ne manque que des femmes!» Ce concours ne marque que le début de sa carrière, mais à l’instar de toute profession, la passion reste la seule pièce à entretenir, ainsi qu’à embellir. Et elle semble le faire à merveille.
Un championnat organisé tous les deux ans
Le Championnat vaudois de carrosserie (CarVaudSkills) est organisé tous les deux ans par Carrosserie Suisse Vaud. Il s’agit d’une étape nécessaire pour se qualifier au concours romand des carrossiers, puis pour passer devant les jurés de la compétition internationale (WorldSkills). Mylène Roy et quinze autres apprentis ont été sélectionnés par leur école, le Centre de formation des carrossiers vaudois basé à Moudon, pour participer au CarVaudSkills. Ils avaient ensuite libre choix de relever, ou non, ce défi de taille.
Le Covid n’a pas empêché un record de fréquentation
Du 16 au 21 novembre, écoliers, enseignants, parents et jeunes en quête d’une formation se sont rendus en nombre à Beaulieu. La onzième édition du Salon des métiers et de la formation a comptabilisé 46 597 visiteurs, soit une hausse de fréquentation de 9,8%. Les inscriptions des classes ont augmenté de près de 10%. Une centaine d’exposants présentaient plus de 200 formations initiales et 300 formations supérieures.
Stéphane Ayer, commissaire professionnel au Centre de formation des carrossiers vaudois, relève également la curiosité des jeunes visiteurs: «L’organisation du Championnat vaudois de carrosserie nous offre une véritable vitrine pour nos professions. Cette animation nous amène du monde et nous permet de nous faire connaître auprès du grand public, et également auprès de futurs apprentis.»