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Négociations bloquées à Leclanché Capacitors malgré le médiateur
© Michel Duperrex

Négociations bloquées à Leclanché Capacitors malgré le médiateur

8 octobre 2020

Alors que des négociations auraient dû débuter mardi après-midi, les collaborateurs ont été surpris par la nomination d’un «directeur-médiateur» désigné dans l’urgence par le groupe Mersen, propriétaire de la société yverdonnoise. Le bras-de-fer se poursuit.

 

«C’est la première fois qu’on nous fait un coup pareil!» Responsable du secteur industrie à Unia Vaud, Noé Pelet ne cachait pas sa surprise. Alors qu’un rendez-vous était prévu mardi après-midi, sur le site de l’avenue de Grandson, avec Valérie Bounaud, directrice des ressources humaines du pôle «Electrical Power» du groupe Mersen, la séance a été annulée peu auparavant.

Collaborateurs en grève et secrétaires syndicaux ont appris un peu plus tard que le groupe Mersen avait nommé un nouveau directeur, Laurent Dousselin, pour succéder à Stephen Fugate, co-fondateur de Leclanché Capacitors. En fixant un nouveau rendez-vous à ses interlocuteurs, le nouveau patron s’est présenté comme «médiateur».

Les négociations ont donc démarré hier et elles ont duré toute la journée. «C’est dur, dur», déclarait un proche du dossier dans l’après-midi. Ce qui n’a rien d’étonnant. En fin d’après-midi, Noé Pelet ne cachait pas sa déception: «Pour le moment, tout est bloqué! Nous avons fait des propositions, mais ils exigent que les collaborateurs reprennent le travail avant d’entrer en matière.»

Bien évidemment, cette condition ne convient pas aux grévistes et à leurs représentants: «On a fait des séances depuis ce matin. Ils ont confirmé leur refus de vendre l’entreprise et nous ont demandé de préciser nos revendications en ce qui concerne des mesures économiques et sociales», explique le syndicaliste. Ce dernier s’attendait à une prise de position sur ces demandes, mais la seule réponse a été l’exigence de reprise du travail. «Les collaborateurs sont solides et ils tiennent bon», relève le secrétaire du secteur industrie d’Unia Vaud.

Les discussions ont lieu par vidéoconférence et du côté de Mersen, outre Laurent Dousselin, la directrice des ressources humaines du pôle «Electric Power» du groupe français, Véronique Bounaud, participe également aux discussions. Les employés ont le sentiment que le médiateur n’a pas de marge de manoeuvre et que les dirigeants du groupe usent d’une tactique dilatoire. Il est hors de question pour eux de reprendre le travail avant d’avoir obtenu une prise de position, voire une contre-proposition, sur leurs demandes.

Dans ce contexte, que va-t-il se passer? «En ce qui nous concerne, nous avons annoncé que nous étions à disposition pour discuter dès jeudi matin», explique Noé Pelet. Du côté de Mersen, la directrice des ressources humaines en charge du site, Véronique Bounaud, évite de dramatiser: «Nous avons été clairs avec les travailleurs et le Service de l’emploi. L’entreprise n’est pas à vendre dans son intégralité. Nous pourrions en céder certains éléments à un acquéreur potentiel, mais il faudrait le connaître. Or, on ne nous donne aucune identité.»En ce qui concerne les propositions syndicales, la DRH souligne que Mersen a fait des propositions et que les travailleurs ont répondu avec des revendications supplémentaires: «Nous sommes prêts à améliorer nos propositions, mais il faut que les travailleurs reprennent leur activité. On est dans un triptyque perdant, tout le monde y perd, les employés, l’entreprise et les clients. Il faut qu’on en sorte.»

 

Laurent Dousselin, un homme qui a passé l’épreuve du feu

 

Le choix de Laurent Dousselin ne doit sans doute rien au hasard. On peut dire que ce cadre dirigeant a passé l’épreuve du feu. Selon nos confrères français, il dirigeait une filiale d’Akers France, située à Fraisses (Loire) en janvier 2010 lorsque le groupe suédois, spécialisé dans la manufacture d’aciers, a décidé de fermer cette unité qui fabriquait des cylindres de laminoir et occupait quelque 120 collaborateurs.

Le conflit avait tourné au vinaigre et les employés, soutenus par le syndicat Force ouvrière (FO), avaient retenu le directeur et trois autres cadres du groupe durant vingt-quatre heures dans les bureaux. Le Tribunal de grande instance de Saint-Etienne, et Christian Estrosi, alors ministre de l’industrie, étaient intervenus, dénonçant une véritable séquestration des cadres. Un accord avait finalement été trouvé grâce à la médiation exercée par un industriel de la région.

Véronique Bounaud ne cache pas que ce cadre gérant a été choisi pour son expérience: «C’est un patron d’usine. Il a une grande expérience de l’industrie… et des conflits. C’est un homme empathique, il est toujours dans l’écoute. Il avait le bon profil pour gérer ce genre de situation. C’est un homme ouvert au dialogue.»Dans ce contexte, qui relancera les discussions. «En ce qui nous concerne, nous sommes ouverts au dialogue. On espère se reparler demain», conclut Véronique Bounaud. Peut-être la nuit portera-t-elle conseil et favorisera une reprise des discussions dès ce matin.

Isidore Raposo