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New York, la harpe et le bilboquet

12 août 2013

Résidant de Valeyres-sous-Ursins, l’Américain Park Stickney, harpiste de jazz virtuose et enseignant à la prestigieuse Royal Academy of Music de Londres, présentera sa dernière création, «All-Harp Drive Tour», ce mercredi, au Théâtre du Petit Globe à Yverdon-les-Bains. Portrait d’un artiste au parcours atypique. 

Le musicien Park Stickney, devant la ferme où il vit, à de Valeyres-sous-Ursins.

«Oui, si quelqu’un, dans votre entourage, s’intéresse ou joue de la harpe, il y de fortes chances qu’il me connaisse», répond Park Stickney, lorsque, au détour d’une conversation, un curieux, soucieux de savoir de quoi peut bien vivre ce type aux cheveux longs qui se prétend être musicien, lui demande s’il est connu. Avant d’ajouter, facétieux: «Mais vous connaissez quelqu’un qui joue de la harpe?» Une question à laquelle, inutile de le préciser, ceux qui répondent par la positive sont, sous nos latitudes, à peu près aussi nombreux que les individus capables de citer le champion du monde de bilboquet. Alors, souvent, la conversation s’arrête là et l’indiscret s’en va, ignorant qu’il vient de passer quelques instants avec celui qui, à n’en point douter, et l’un des plus grands harpistes de sa génération.

Une passion dès l’enfance

Un homme dont l’histoire d’amour avec cet instrument remonte au début des années 70. Park Stickney, 5 ans à l’époque, vit alors aux États-Unis -pays qui l’a vu naître et que, par la magie de l’accent, le musicien ne cesse d’évoquer à chaque fois qu’il ouvre la bouche- et s’essaie pour la première fois à la harpe, lors d’un programme de démonstration organisé dans son école. «J’ai trouvé cela plutôt cool, pas trop difficile et pas si bizarre», explique Park Stickney qui décide alors, sans réelle ambition, «comme ça, pour voir et parce que, à cette époque, je n’avais pas idée que l’on pouvait vivre de la musique», de poursuivre son apprentissage de la harpe, en parallèle de la pratique du piano.

Un choix sur lequel, et bien qu’au début de sa carrière ce dernier prenait l’instrument plus volontiers pour «jouer les génériques des séries télévisées» que pour décrypter les partitions imposées par son professeur, il ne reviendra jamais.

«Peut-être qu’un jour je ferai autre chose. Mais, en fait, en musique, je fonctionne comme si toutes mes idées et mes envies étaient réunies dans un sac. J’en prends une, je la réalise et puis je passe à la suivante. Alors, qui sait, si un jour le sac est vide… Mais franchement, j’en doute.»

Le sens de l’irresponsabilité

Un sac à idée et un talent hors du commun qui le conduiront à travers le monde. De New York, où il débarque à l’âge de 21 ans, afin de terminer ses études à la Juilliard School, à l’Inde, Hong-Kong, le Sri Lanka ou l’Europe, où il écume les scènes des plus grands festivals de jazz. Des sous-sols des clubs downtown new-yorkais, où il jouait jusqu’à sept fois par jour au début de sa carrière, aux salles plus feutrées des écoles de musique de Lyon, Lausanne ou encore de la prestigieuse Royal Academy of Music de Londres où il enseigne la harpe de jazz. «Un endroit idéal pour travailler, loin de l’agitation de New York, où je me rends encore plusieurs fois par année», explique Park Stickney.

Une brillante carrière que l’homme, non sans humour, attribue à deux choses. «Le nombre de choses incroyable qu’il reste à inventer sur un instrument comme la harpe», plus connue comme instrument de musique classique que dans son utilisation «groove» et «jazz», tel qu’en fait usage l’artiste atypique, d’abord. «Cela me permet de dire que je suis le seul au monde à faire des choses, mais que le reste du monde s’en fout», plaisante le harpiste. Et, deuxièmement, «le fait d’avoir construit une carrière sur le sens de l’irresponsabilité et de la fainéantise», explique Park Stickney.

«L’irresponsabilité parce que j’ai toujours joué ce que je voulais et la fainéantise parce que j’ai développé mon sens de l’improvisation, car je ne voulais pas tourner les pages des partitions», poursuit l’artiste. Avant d’ajouter: «Mais pour pouvoir enfin être fainéant, il faut quand même beaucoup travailler.» Une masse de travail et de virtuosité dont les fruits seront à déguster lors d’un concert exceptionnel de Park Stickney au Théâtre au Petit Globe, à Yverdon-les-Bains, mercredi soir. Un événement particulier à plus d’un titre. D’abord parce qu’il s’agira là du premier concert solo du harpiste dans sa région d’adoption.

Et deuxièmement, car, à n’en point douter, «tout le village de Valeyres-sous-Ursins va se déplacer pour voir ce que fait vraiment ce type bizarre», plaisante Park Stickney.

 

Park Stickney «All-Harp Drive Tour», Théâtre Le Petit Globe», Parc des Rives à Yverdon-les-Bains, mercredi 14 août à 20h.

Plein tarif: 30 francs. Tarif étudiants, AVS et apprentis: 22 francs. Tarif moins de 16 ans: 15 francs.

Réservations: 024 425 70 00

 

Raphaël Muriset