Logo

«Nous n’avons pas fait tout juste, mais nous allons dans le bon sens»

8 août 2014

Départs en série dans son service et menace de référendum sur le projet Gare-Lac. L’été de Marianne Savary est agité. Ce qui ne change pas beaucoup l’écologiste, benjamine de la Municipalité d’Yverdon, qui est au coeur de la tempête depuis son accession à la tête du si convoité et si stratégique dicastère de l’urbanisme. Entretien.

Marianne Savary pose dans le couloir central des bureaux d’Urbat.

Marianne Savary pose dans le couloir central des bureaux d’Urbat.

Marianne Savary est un peu sur la réserve, au moment d’entamer la discussion, ce jeudi matin, dans son bureau à Urbat, situé au troisième étage du numéro 14 de l’avenue des Sports. La jeune municipale yverdonnoise de 32 ans a accepté le principe d’une grande interview sur les questions brûlantes qui touchent son dicastère de l’urbanisme et des bâtiments, certainement le plus stratégique de la Ville.


La Région Nord vaudois : Entrons dans le vif du sujet. Fin juillet, John Aubert, le chef de l’urbanisme, a quitté son poste, avec effet immédiat. Le dernier en date d’une série de départs dans votre service. Y a-t-il le feu à Urbat ?

Marianne Savary : Ce n’est pas à moi de commenter un cas en particulier, même s’il est vrai que John Aubert s’était occupé de dossiers-clés. Ces départs sont des choses qui arrivent, comme celle d’un départ immédiat, qui est décidé pour le confort des deux parties.


Mais ce n’est de loin pas le premier départ…

Il y a eu des départs, c’est vrai, dont les causes étaient très diverses, parfois personnelles. Ceux-ci déstabilisent quelque peu le service. Mais sur le fond, je ne suis pas inquiète. Il n’y a pas particulièrement le feu. Dans l’administration, plus qu’avant, on assiste à des mouvements de personnel. Ces départs, comme d’autres choses qui se passent dans cette ville, sont surtout le signe d’une transition. Les façons d’envisager les choses évoluent. Je dirais encore qu’il est parfois difficile de motiver les troupes, lorsque l’on travaille constamment sous le feu des critiques. Même si ils ne sont pas en première ligne, les collaborateurs de l’administration les ressentent durement. C’est parfois pénible à vivre.


Comment expliquer une telle polarisation, à Yverdon, autour des questions d’urbanisme ?

C’est qu’elles ont un impact immédiat sur la ville, sur l’image de la ville et sur la manière de vivre en ville. Chacun se sent concerné. Chacun a son idée. Que l’urbanisme fasse débat, c’est d’ailleurs très bien, surtout à Yverdon qui, depuis une dizaine d’années, est en mutation. Un projet de quartier comme Gare-Lac est inédit. Ce qui me surprend, par contre -j’ai été peut-être un peu naïve-, c’est le ton que tout cela a pris depuis le début de la législature. Car je n’ai pas l’impression d’avoir révolutionné Urbat, j’ai juste continué le travail de mon prédécesseur, Paul-Arthur Treyvaud.


Quand est-ce que le ton s’est durci ? Durant la campagne sur la route de contournement ?

Non, c’était avant. A la fin de la précédente législature ou au début de celle-ci, je ne sais pas très bien. Mais Yverdon passant du statut de petite ville à celui de vraie ville, il est peut-être normal que les moeurs politiques se modifient, se radicalisent. On remarque le même phénomène dans d’autres communes.


Mais n’êtes-vous pas aussi responsable de ce durcissement, ayant mal communiqué sur certains projets, comme la fermeture de la rue d’Orbe ?

C’est vrai. Nous n’avons pas su expliquer ces projets. Mais nous en avons tiré les leçons. Depuis, nous avons fait des progrès dans la communication, notamment en organisant des consultations. Peutêtre n’avons-nous pas fait tout juste, mais je suis persuadée que nous allons dans le bon sens


Tout ce flou ne vient-il pas aussi du fait qu’il y a énormément de projets d’envergure planifiés, mais que, pour l’heure, rien ne se construit ?

En urbanisme, les procédures prennent du temps. Surtout pour des quartiers de l’ampleur de Gare- Lac. Je comprends que les habitants d’Yverdon aient besoin de choses plus concrètes. Enfin, ceux qui ont envie de ces changements…


Mais n’est ce pas un peu de la provocation d’évoquer la fermeture au trafic motorisé de la rue de l’Ancien-Stand, l’artère principale de Gare-Lac, quand on sait que le sujet est ultra-sensible ?

Le débat est en train de se focaliser sur cette question. C’est dommage, car le plan directeur localisé peut très bien vivre avec une rue de l’Ancien-Stand ouverte ou fermée. Ce plan est avant tout un document d’intentions. Ce que nous proposons, c’est de réaménager cet axe du canal Oriental. Accepter ce plan, ce n’est pas prendre une option sur la fermeture de la rue au trafic. Nous l’avons bien expliqué à la commission du Conseil communal. Ce serait regrettable de freiner le développement de tout ce quartier, juste pour un désaccord sur la rue de l’Ancien-Stand.


Dans un climat déjà tendu, pourquoi avoir relancé l’idée d’un parking souterrain sous la place d’Armes, projet qui a, à plusieurs reprises, échoué ?

C’est un projet difficile, au niveau des financements déjà, mais aussi politique, tant la question du stationnement est sensible. J’ai re- Marianne Savary pose dans le couloir central des bureaux d’Urbat. Mis le dossier en haut de la pile en début la législature, car nous possédons un magnifique centre-ville historique et nous verrons bientôt un nouveau quartier pousser à Gare- Lac. Sans oublier la gare elle-même, qui va connaître une mue avec le futur bâtiment multifonctionnel. Entre ces deux pôles, la ville mérite un vrai espace, qui connecte tout ces éléments. Tout le monde convient d’ailleurs que la place d’Armes mérite un réaménagement important. Si nous ne le faisons pas, il manquera une pièce au puzzle. Le dossier reste très compliqué, entre les demandes de certains groupes politiques de créer un maximum de places de parc, notre volonté de maintenir le statu quo du nombre de places et les intérêts des investisseurs, qui réfléchissent en terme de rentabilité. Ce sera un équilibre délicat à trouver. Mais je n’ai pas relancé ce projet par goût de la difficulté, mais l’enjeu mérite que l’on essaie. Et si on y arrive, ce sera magnifique pour la ville.


Manor va peut-être quitter le centre-ville pour s’installer dans le futur bâtiment multifonctionnel de la gare. Comment anticipez- vous ce changement ?

Nous avons eu des pré-discussions avec la SIC (réd : Société industrielle et commerciale), afin de définir les mesures, en matière de commerce et d’aménagements, que nous pourrions développer pour accompagner, au niveau des rues piétonnes, le déménagement de Manor, même si ce magasin ne va pas très loin. Pour compenser ce départ, mais aussi pour en profiter, et peut-être développer d’autres pôles, grâce à ces locaux qui vont devenir disponibles. Nous devons agir avec délicatesse. L’équilibre économique du centre-ville est très fragile.


Reste que vous parlez de réalisations à long terme. Qu’en est-il de vos priorités du début de législature : la construction de logements sociaux ? Une fondation a été créée avec beaucoup d’ambition, mais on n’a toujours pas vu un appartement.

Il n’y a pas rien. La semaine prochaine sera annoncée le début d’une construction à la rue Roger-de- Guimps.


C’est encore peu…

Certes, il ne s’agit «que» d’une petite douzaine d’appartements, disponibles à l’automne 2015, mais c’est un premier pas important. On peut reprocher à la fondation, comme certains le font, de «manquer d’ambition». Mais je remarque que, depuis le début des années 1990, la Commune n’a pas construit un seul logement à loyer modéré. Enfin, aujourd’hui, après vingt ans, la Ville recommence à construire des logements sociaux. Il faut aussi voir que la fondation sera également propriétaire de huit appartements dans le futur quartier Saint- Roch-Haldimand. Nous travaillons enfin sur un troisième projet… Le problème, c’est qu’il reste peu de parcelles constructibles à court terme. Nous avons perdu un peu de temps. Mais l’essentiel est qu’aujourd’hui nous avons su redonner un élan.




«Reprendre l’urbanisme, un choix personnel»

Vous ne vous dites jamais : «qu’est ce que je suis venue faire dans cette galère ?» (Rires)

Parfois, brièvement. Mais c’est très vite contrebalancé par le fait que les projets sur lesquels on travaille sont extrêmement enthousiasmants. Ils amélioreront, à terme, la qualité de vie des habitants d’Yverdon. J’en suis persuadée.


N’était-ce néanmoins pas trop lourd, pour une première législature, de reprendre, en 2011, un dicastère aussi important ?

En l’occurrence, en tant que nouvelle venue à la Municipalité, au moment de choisir, il ne restait pas beaucoup de dicastère de libre.


N’y avait-il pas surtout une volonté de la gauche de reprendre l’urbanisme, domaine ô combien stratégique ?

On nous a attribué cette volonté. Mais nous n’avons jamais considéré ce dicastère comme un trésor de guerre. Pour preuve, mon prédécesseur, Paul-Arthur Treyvaud, un PLR, a été municipal d’Urbat sous des majorités de gauche. Pour moi, à ce moment-là, le choix n’a pas été politique, mais avant tout personnel. J’avais un intérêt à m’occuper de ces thématiques. Et j’étais prête à mouiller ma chemise à la tête d’un dicastère à enjeux. J’avais cependant mal évalué le fait que le climat politique allait se détériorer autant. C’était difficile de le prévoir… Même en le sachant, je pense que j’aurais fait le même choix.


Les spéculations commencent pour les prochaines élections communales du printemps 2016. Est-ce que vous y pensez déjà ?

C’est difficile aujourd’hui de se projeter vers les prochaines élections. Il y a encore tellement d’inconnues. Ce qui est certain, c’est que je suis encore au début de ma carrière. J’ai plein d’envies. Ces épreuves ne m’ont pas fait perdre mes convictions.

Yan Pauchard