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«Nous voulons rester à Yverdon»

17 octobre 2013

Badminton – Ancien entraîneur du BC Yverdon, Lawrence Chew dirige la Fédération suisse depuis 2007. Alors que le Swiss International débute aujourd’hui à la salle des Isles, il se prête au jeu de l’interview.

A Yverdon, Lawrence Chew est comme chez lui : dans le milieu du badminton, tout le monde connaît celui qui a officié comme entraîneur il y a quelques années.

Lawrence Chew se définit lui-même comme un politicien du badminton. Il n’en a pas toujours été ainsi : sur les parquets, il a culminé au 56e rang mondial en double. Une fois la sienne rangée, il s’est attelé à apprendre aux autres à bien manier leur raquette, cumulant les casquettes d’entraîneur dans plusieurs clubs, dont le BC Yverdon, il y a un peu moins d’une dizaine d’années. Aujourd’hui directeur de Swiss Badminton depuis 2007, ainsi que membre des Fédérations européennes et mondiales, il oeuvre en coulisses au développement de sa discipline. A l’occasion de la troisième édition du Swiss International, la deuxième organisée à la salle des Isles d’Yverdon, qui débute aujourd’hui, il évoque le badminton helvétique, ses forces et ses faiblesses, ses perspectives et ses limites, sans jamais se départir de son sourire et de son envie d’aller de l’avant.

La Région : Lawrence Chew, quelle est l’importance du Swiss International pour la Fédération ?

Lawrence Chew : C’est un de nos deux tournois qui comptent pour le classement mondial. L’autre, le Swiss Open, en mars, attire presque tous les meilleurs joueurs du monde et, du coup, il ne laisse que peu de place aux joueurs suisses, qui sont peut-être une vingtaine à y participer. Le Swiss International fonctionne comme une porte d’entrée au très haut niveau, une occasion pour nos jeunes de se frotter à des joueurs internationaux.

Le niveau y est donc à peine plus bas ?

Oui, mais c’est une volonté. Une stratégie. Nous avons d’ailleurs calé ce tournoi aux mêmes dates que l’Open du Danemark, un des tournois les plus importants d’Europe. Ainsi, on sait bien que les tout meilleurs vont là-bas, mais on récupère ceux qui n’ont pas les points pour s’y qualifier et qui veulent tout de même en engranger à ce moment. L’un dans l’autre, cela offre la possibilité à des Suisses de s’illustrer, d’atteindre peut-être les demi-finales -ce qui serait très difficile au Swiss Open- et, donc, à des jeunes de participer.

Ils sont d’ailleurs nombreux à être de la partie, quitte à être éliminés rapidement lors des qualifications. Les incitez-vous activement à s’inscrire ?

La Fédération ne les pousse pas, mais ouvre la porte à ceux qui le souhaitent. Swiss Badminton, depuis trois ans, laisse la possibilité à ses membres de jouer sur la scène internationale à leur propre initiative, et à leurs frais. Dans certains pays, ce n’est pas possible sans une sélection officielle. Ainsi, ceux qui ne font pas partie de l’équipe nationale ont une chance de percer, quitte à ce qu’on revienne vers eux s’ils obtiennent des résultats.

Le Swiss International est-il à sa place à Yverdon ?

Le contrat porte sur trois éditions et nous allons vivre la deuxième. Mais la vérité, c’est que nous voulons rester durablement à Yverdon, si cela s’avère possible. D’abord parce que c’est en Romandie, mais surtout parce que les infrastructures sont très adaptées. La salle n’est ni trop grande, ni trop petite : parfaite pour ce tournoi.

Quel est le niveau du badminton suisse ?

Aujourd’hui, nous avons cinq joueurs dans les tops 100 mondiaux. On espère qu’ils seront huit dans une année, dix dans 18 mois. Bien sûr, une blessure ou un autre imprévu peut tout remettre en cause, car nous misons beaucoup sur certains joueurs.

Des chiffres satisfaisants ?

Compte tenu de nos moyens, oui. Swiss Badminton est une petite fédération -dotée de 1,1 million de francs de budget et de six salariés- et parvient à exister sur la scène européenne. Pourtant, nous avons une structure d’entraînement à Berne, mais pas de véritable centre national, où les meilleurs joueurs vivent et progressent ensemble tous les jours, ce qui est idéal. En Suisse, le développement du badminton repose sur le travail des clubs, qui est excellent, mais toutes les meilleures nations disposent de structures fortes qui leur sont propres et cela nous manque. Compte tenu du système actuel, je pense que le badminton suisse tutoie ses limites.

Année après année, les mêmes noms reviennent au palmarès des Championnats suisses. Qu’en est-il de la relève ? Des jeunes ont-ils les moyens de percer sur la scène internationale ?

Pour les Jeux Olympiques 2016, je ne sais pas, cela risque d’être limite. Il faut plutôt regarder à l’horizon 2020 et ce n’est pas facile de tout prévoir, car beaucoup de jeunes arrêtent vers 17 ou 18 ans, à un âge où on commence à leur dire : «C’est bien, tu fais beaucoup de sport, mais qu’est-ce que tu vas faire comme vrai métier ?» Or, sportif de haut niveau, c’est un métier. Si je veux devenir journaliste, ou photographe, ou n’importe quoi, je vais devoir y consacrer entre 5000 et 7000 heures. Pour devenir un sportif de haut niveau, c’est pareil. Admettons que je m’entraîne deux heures par jour, cinq jours sur sept. Il me faudra plus de dix ans pour y arriver. Et quel jeune en Suisse s’entraîne autant, surtout très jeune ?

Il n’y en a pas beaucoup.

Exact. C’est pour cela que les jeunes de beaucoup d’autres pays percent plus tôt que les Suisses et que ces derniers abandonnent. Parce qu’ailleurs, on suit plus tôt la voie qui mène au métier de sportif. Après, c’est aussi une question de culture. En Asie, les entreprises engagent des sportifs, car elles savent que, même si elles doivent les former, ils arrivent avec des compétences capitales : la discipline, la rigueur, la capacité de tout mettre en oeuvre pour atteindre un objectif. Le jour où les sociétés suisses valoriseront elles aussi ces compétences, alors le sport d’élite aura une chance dans ce pays.

Aujourd’hui, tous les clubs de LNA font appel à plusieurs étrangers en interclubs. N’est-ce pas un frein à l’éclosion de jeunes talents ?

Il y a plusieurs façons de voir les choses. On peut se dire que les étrangers viennent prendre la place de Suisses sur le terrain pour les rencontres et que c’est dommage. Mais on peut aussi se dire que, du coup, les jeunes d’un club vont pouvoir s’entraîner avec ces joueurs d’un meilleur niveau et apprendre à leur contact.

Mais pour régater, les clubs doivent parfois faire appel à des joueurs uniquement pour les rencontres d’interclubs, ils ne sont pas là pendant la semaine.

Ça, c’est sûr que c’est dommage. J’essaie de parler avec les responsables des clubs, de leur dire de faire venir les joueurs en question un jour plus tôt pour que l’équipe puisse profiter de leur présence au-delà des résultats officiels. Mais ce n’est pas évident à organiser, j’en suis conscient.

Certains souhaitent que le nombre de matches, au sein d’une rencontre d’interclubs, auquel des Suisses doivent participer soit plus élevé. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas contre, si c’est ce que les clubs souhaitent, il y a des choses à essayer. Mais de manière générale, à mon avis, la présence d’étrangers forts en Ligue nationale A favorise la progression des joueurs suisses.

 

Les régionaux

Dans le tableau de simple masculin, tous les régionaux seront engagés aujourd’hui dans le cadre des qualifications. C’est Oliver Colin qui ouvrira le bal à 10h40 face au Russe Gordey Kosenko. A 12h20, le Valaisan du BC Yverdon Pierrick Deschenaux affrontera le Français William Goudallier. A 12h40, deux matches seront à suivre en parallèle : Anthony Dumartheray face au Danois Kasper Dinesen et Christophe Debétaz face à l’Indonésien Julian Arbitama. S’ils s’imposent, les régionaux devront encore passer par plusieurs tours avant d’atteindre le tableau principal. Vendredi, de nombreux joueurs du coin seront en lice en double et en mixte. A noter particulièrement l’entrée en lice d’Anthony Dumartheray, associé à Malika Golay, à 11h40, contre le Tchèque du BC Yverdon Jan Fröhlich et Sabrina Mattle. Presque un derby, dans ce deuxième Swiss International yverdonnois.

 

Infos pratiques

Le Swiss International se déroule d’aujourd’hui (qualifications) à dimanche (demifinales et finales) à la salle des Isles. L’entrée est libre jeudi et vendredi, 15 francs par jour samedi et dimanche (25 francs pour les deux jours), gratuite pour les enfants jusqu’à 16 ans. Début des matches aujourd’hui à 10h, demain à 11h, samedi à 10h et dimanche à 9h. N Plus d’infos sur : www.swiss-badminton.ch

Lionel Pittet