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«On ne peut plus travailler en ville»
Germain et Roger Freymond aimeraient délocaliser leur exploitation hors d’Yverdon-les-Bains, mais rien n’est encore acquis. © Michel Duperrex

«On ne peut plus travailler en ville»

6 mai 2019 | Edition N°2491

La ferme Freymond n’est pas près de redéployer ses activités à Belmont-sur-Yverdon. Jeudi soir, l’Exécutif a retiré son préavis sur le sujet, face à la fronde de la commission ad hoc.

Roger et son fils Germain Freymond ne sont pas près de plier bagage pour s’installer à Belmont-sur-Yverdon. Vendredi, ils se sont même réveillés avec un sacré goût d’amertume. La veille, le Conseil communal devait se prononcer sur un préavis autorisant la Ville à leur vendre une parcelle communale dans la localité voisine pour leur permettre d’y délocaliser leur exploitation agricole. Ils auraient ainsi libéré le terrain qu’ils occupent actuellement au sud-ouest de la Cité thermale, au bénéfice du développement du Plan de quartier (PQ) 100% privé Les Roseyres. Or la Municipalité a retiré le préavis au dernier moment, échaudée par la position de la commission des affaires immobilières, dont tous les membres préconisaient le rejet du texte.

Plan de quartier encore à l’étude

Le préavis de l’Exécutif se présentait comme un véritable jeu de dominos, dont la première pièce a été posée en 2016 déjà. Elle concernait la construction de la route de contournement, dont une portion traverse le domaine des Freymond. Pour permettre à la Ville de mener à bien ce projet, les agriculteurs ont accepté de lui céder près de 7000 m2 de terrain. Ils se sont alors engagés à donner cette surface sans contrepartie financière, pour autant que l’élaboration du PQ Les Roseyres aboutisse, et que l’indice d’utilisation du sol atteigne 1,2. S’il était inférieur, le protocole prévoyait qu’ils reçoivent une compensation. Et en cas de non-aboutissement du PQ, la Commune devait leur racheter les 7000 mètres carrés au prix de 1,153 million de francs, une somme qu’elle leur a déjà versée sous forme de caution.

Seulement voilà. Trois ans après que le premier accord a été paraphé entre les deux parties, le PQ est loin d’avoir abouti, puisqu’il est encore en cours d’examen au Canton. Cela n’a pas échappé à la commission des affaires immobilières, qui souligne «l’incertitude qui plane sur la faisabilité du projet». Le dénouement de ce dossier est d’autant plus indécis que le secteur, qui se situe actuellement en zone agricole, devra changer d’affectation. «Or la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire demande de réaliser d’abord les plans de quartier qui se trouvent déjà en zone à bâtir», souligne Anne Gillardin Graf, présidente de la commission ad hoc.

Un projet à 25 millions

Cette situation contrarie les plans des Freymond, qui ont besoin du PQ Les Roseyres pour valoriser les terres qu’ils possèdent à Yverdon-les-Bains, afin de les revendre et de construire une nouvelle exploitation à Belmont-sur-Yverdon. Ils assurent avoir déjà engagé 500 000 francs uniquement pour les études préalables de ce projet devisé à 25 millions de francs. «Il faut qu’on sorte de la ville, on ne peut plus travailler là où on est, commente Roger Freymond. On a besoin de s’agrandir et on ne peut pas le faire.» à l’époque où cette famille de paysans avait pris ses quartiers dans la Cité thermale, en 1921, leur ferme se trouvait en pleine campagne. Aujourd’hui, elle est devenue un îlot agricole au milieu du tissu urbain.

Pas de feu vert du Canton

Les Freymond sont d’autant plus fâchés qu’ils assurent que «la Commune, le promoteur et nous avons signé, devant notaire, un document mentionnant une priorisation et une réalisation en 2020 du PQ Les Roseyres. Sans ça, on n’aurait pas accepté la promesse de transfert immobilier pour la route de contournement», tonne Germain Freymond. Autre source de courroux: ils n’ont pas encore reçu l’aval du Service du développement territorial pour implanter leur nouvelle exploitation à Belmont-sur-Yverdon. «On a écrit à deux conseillers d’état mais on attend toujours leur réponse», déplore Roger Freymond. Une incertitude qui, là aussi, a fait tiquer la commission des affaires immobilières. «Le Canton n’a pas encore donné son accord pour la délocalisation de la ferme», relèvent ses membres, qui estiment qu’il est trop tôt pour songer à céder aux Freymond la parcelle sur laquelle ils souhaiteraient s’implanter. Ils soulignent, au passage, le manque «d’éléments tangibles présentant les intérêts de cette opération pour la Commune d’Yverdon-les-Bains et pour ses citoyens».

Si la commission estime que rien ne justifie, aujourd’hui, que la Ville cède 7,4 hectares de terres agricoles au prix de 355 000 francs aux Freymond, elle se demande pourquoi d’autres variantes d’implantation n’ont pas été étudiées, sur d’autres terres qu’ils possèdent dans la région ou sur leur terrain à Yverdon-les-Bains. Ils auraient ainsi pu se délocaliser tout au sud de leur parcelle, entre la route de contournement et l’autoroute. «On ne va pas construire avant l’autoroute pour se déplacer à nouveau dans vingt-cinq ans, réagit Roger Freymond. Si on refait un site, c’est pour plusieurs générations.» S’ils n’articulent aucun chiffre sur la plus-value qu’ils pourraient réaliser grâce au PQ Les Roseyres, ils soulignent que «les gens pensent qu’on va devenir millionnaires, mais il va nous manquer de l’argent pour finaliser le projet à Belmont-sur-Yverdon. Avec la fiscalité agricole, on va devoir payer un sacré paquet d’impôts. On ne veut pas vendre pour encaisser de l’argent et filer, on veut réinvestir dans quelque chose de durable.»

Caroline Gebhard