«On peut aussi manger une carotte qui est un peu moche»
17 janvier 2025 | Textes: Lena VulliamyEdition N°3872
Viande 100% suisse – voire vaudoise –, au moins 60% de produits régionaux ou encore 0% d’huile de palme: le Canton propose une nouvelle charte pour la restauration collective vaudoise. Elle vise pour l’instant principalement les établissements cantonaux, mais a vocation à s’étendre.
«Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai pas d’excellents souvenirs de la cantine scolaire», lançait Frédéric Borloz avec humour hier matin sur le site de Marcelin à Morges aux côtés de Valérie Dittli. Le ministre de l’Enseignement et de la formation professionnelle et sa collègue des Finances et de l’agriculture ont présenté à la presse la nouvelle stratégie de restauration collective.
Dans le but de proposer des repas plus sains, de saison et locaux, les deux conseillers d’État ont exposé la charte. Cette charte concernera en priorité les cantines des bâtiments administratifs cantonaux, les écoles du postobligatoire, hôpitaux ou encore les prisons. Cela représente environ quatre millions de repas par an. Si communes, universités et EMS étaient inclus, il s’agirait d’améliorer 18 millions de repas. Dans le cas du Gymnase d’Yverdon-les-Bains, le site est en gestion directe sous la supervision du Centre d’orientation et de formation professionnelles (COFOP).
3,5 millions pour bien manger
Cette charte vaudoise s’inspire des recommandations fédérales, mais aussi du programme «Cuisinons notre région» développé par le Valais et déjà adopté par le canton de Fribourg. Le Canton de Vaud a aussi regardé ce qui se faisait déjà du côté de Vevey ou Genève.
«Nous ne voulons pas réinventer la roue, mais généraliser les bonnes pratiques. Certaines existent déjà, tandis que d’autres doivent être implémentées et déployées», a souligné Valérie Dittli. «Il s’agit de planter la petite graine qui permettra de prendre les bons réflexes», a complété Frédéric Borloz.
Dans le cadre du Plan climat vaudois, le Conseil d’État demande au Grand Conseil un crédit d’investissement de 3,5 millions de francs pour promouvoir une restauration collective durable. Ce crédit, qui doit encore être validé par le Grand Conseil, vise notamment à former des cuisiniers, coacher les établissements et mener des audits.
éviter le gaspillage
Autre volet important de la charte, celui du gaspillage alimentaire, car 2,8 millions de tonnes d’aliments sont gaspillés chaque année. «On peut aussi manger une carotte qui est un peu moche», a déclaré Valérie Dittli. La ministre de l’Agriculture tient à encourager la consommation de l’ensemble du produit, mais aussi des légumes et fruits hors calibre.
Dans leur formation, les cuisinières et cuisiniers devront ainsi apprendre à cuisiner les bas morceaux, ainsi que des produits végétariens, locaux et de saison, et sans déchet. Il est aussi prévu de financer des projets pilotes, par exemple pour la distribution de contenants réutilisables pour les repas à l’emporter. Une plateforme de recensement des produits locaux est aussi envisagée, à l’instar d’une mesure du gaspillage alimentaire.
La charte mentionne aussi qu’au moins 80% des fruits et légumes frais doivent être cultivés sans le recours à une serre chauffée artificiellement, ou qu’au minimum 50% des produits exotiques soient issus du commerce équitable. Les poissons menacés sont à bannir des menus, et 15% de la nourriture doit être bio d’ici 2030.
Sur le sujet polarisant de la viande, le Canton tient à éviter les clivages. «On ne veut pas interdire la viande, on veut une approche locale», a expliqué Valérie Dittli. 100% de la viande devra être vaudoise ou suisse, dont 80% issue d’exploitations particulièrement respectueuses des animaux et de l’environnement. En revanche, les menus végétariens devront représenter au moins 50% de l’offre hebdomadaire.
Devoir d’exemplarité
Valérie Dittli et Frédéric Borloz ont mis l’accent sur le devoir d’exemplarité de l’État. Les deux ministres ont aussi souligné que la restauration collective représentait «un levier à fort impact» dans plusieurs domaines d’intérêt public: environnement, économie agricole ou encore bien-être animal. «Et parce que l’alimentation a un impact direct sur notre santé», a ajouté la conseillère d’État. En revanche, le fait de manger local n’amènera-t-il pas des coûts supplémentaires? Pas forcément, selon les deux conseillers d’état, car avec cette réflexion globale qui vise, comme dit plus haut, à éviter le gaspillage alimentaire et à cuisiner tous les morceaux de viande et tous les végétaux, on rentrera dans ses frais à terme.