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«On rend le spectateur plus complice de ce qui se passe sur scène»
Yverdon, 13 juin 2019. TBB, présentation saison, le directeur Georges Grbic. © Michel Duperrex

«On rend le spectateur plus complice de ce qui se passe sur scène»

20 juin 2019
Edition N°2522

Yverdon-les-Bains – Pour sa prochaine saison, qui démarrera en septembre, le Théâtre Benno Besson ira titiller son public en le prenant à partie.

Le public du Théâtre Benno Besson (TBB) pourra pousser une nouvelle porte, la saison prochaine à Yverdon-les-Bains. Celle du foyer qui, avec sa cinquantaine de places – un peu plus selon les représentations –, accueillera des spectacles «beaucoup plus intimistes», selon Georges Grbic.

Dans cet écrin restreint, modulable, et propice aux confidences, le directeur du TBB a souhaité donner une nouvelle dimension à son théâtre. Dans Loubna, Nastassja Tanner conviera le public dans son intérieur, en février. «La scène sera disposée comme si on se trouvait chez elle, explique Georges Grbic. Elle reconstitue un anniversaire qu’elle a fêté en retournant dans sa famille, en Algérie. Les spectateurs sont installés sur des sofas, et elle leur parle comme s’ils se trouvaient avec elle dans son salon.» Les Femmes amoureuses de Mélanie Chappuis profiteront, quant à elles, de l’intimité des quatre murs du foyer pour livrer leurs confidences sur l’amour, en avril, dans une mise en scène de José Lillo.

Le cirque s’invite au théâtre

D’une mise en abyme des questions qui taraudent la société à une mise en situation des spectateurs, il n’y aura parfois qu’un pas. Avec Frustée!, en janvier, place à une thérapie de groupe grandeur nature dans la grande salle du théâtre. Dans cette pièce, Latifa Djerbi interroge avec autant d’esprit que d’autodérision le formatage social qui nous dicte les normes du désir et du bonheur.

«On bouscule un peu le spectateur dans sa position pour le rendre plus complice des propositions qui sont faites sur le plateau», souligne le directeur du TBB. À tel point qu’en février, pour Embrase-moi, Kaori Ito et Théo Touvet n’hésiteront pas à partager la salle en deux groupes pour confier, chacun à ses auditeurs et à sa manière, les détails de leur rencontre amoureuse.

La danseuse et le circassien, qui forment un couple à la ville, se retrouveront ensuite sur la scène du foyer pour une chorégraphie à la fois forte et délicate. Théo Touvet ne sera d’ailleurs pas le seul à entremêler son art à une autre discipline puisque le monde du cirque se retrouvera également dans Phasmes, qui mettra en scène un duo d’acrobates en octobre prochain, dans Libertalia en novembre, ou dans Losing Ground, dans lequel le sportif de haut niveau Joachim Ciocca amènera tout un chacun à s’interroger, en février, sur son rapport ambivalent aux outils, du haut de son monocycle.

De la direction à la mise en scène

Georges Grbic, lui-même, n’hésitera pas à bousculer son auditoire dans Les deux Frères, dont il assurera la mise en scène en septembre prochain. Dans cette pièce inspirée du conte des frères Grimm et destinée aux plus jeunes, le public pourra découvrir le spectacle une première fois depuis la salle, puis une seconde fois depuis l’envers du décor. Entre autres créations, le théâtre prêtera également ses murs à Yvette Théraulaz, qui investira la scène en janvier pour raconter, en musique, les hommes qui ont jalonné sa vie dans Histoires d’Ils.

Le directeur tient, en cela, à apporter son soutien à la création romande: «Il y a une pépinière, en Suisse, avec des propositions très fortes qui circulent», souligne-t-il en référence à la programmation au sens large. «Cette saison, on est vraiment dans l’écriture contemporaine.» Une écriture au service, également, de pièces qui soulèvent des questions sociétales très fortes comme La machine de Turing – «un plaidoyer sur l’intolérance face à l’homophobie», à voir en novembre – ou Quoi/Maintenant, produit par la compagnie flamande Tg Stan, qui s’intéressera à la perméabilité des différentes couches sociales en avril. «Cette année, les murs sont très présents: comment découvre-t-on des murs entre nous, comment les franchit-on, comment les casse-t-on», image Georges Grbic.

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Quand la réalité rattrape le théâtre

Le TBB et L’Échandole proposeront une série de spectacles, lectures, ateliers et performances dans le cadre du Festival des autofictions, qui aura lieu du 13 au 22 mars 2020.

«C’est tout à fait nouveau, souligne Georges Grbic. On va mettre en valeur le théâtre des autofictions, qui se développe beaucoup actuellement, et que l’on a appelé un temps théâtre documentaire. Il s’appuie sur des éléments de réalité et les développe pour en faire un objet spectaculaire afin de le partager avec le public et d’amener une réflexion qui va au-delà de la thématique première.»

La Compagnie Kokodyniack, notamment, sera présente dans le petit escalier qui conduit au balcon du TBB. Le public pourra assister gratuitement à la retranscription de la parole d’habitants de la région que les artistes auront interviewés en amont, et découvrir leurs visages croqués au fusain, trait après trait.

«Tous les spectacles de ce festival ont un ancrage très réaliste», insiste le directeur du TBB. Les artistes s’inspireront souvent de leur vécu. La comédienne Diane Müller racontera ainsi son licenciement brutal d’une compagnie de théâtre, alors que Kiyan Khoshoie évoquera les aléas et les difficultés que rencontre un danseur contemporain dans Grand Écart.