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«On veut savoir ce qui s’est passé»

24 octobre 2012

Un an après la terrible explosion qui a coûté la vie à leur fille Yassouda et à leur petite fille Odysséa, Elisabeth et Gérard se confient pour la première fois.

Odysséa et sa maman Yassouda ont disparu il y a tout juste un an.

«Grand-maman je t’aime, tu m’aimes, on s’aimera toute la vie!» Ces paroles sont les dernières qu’Elisabeth a entendues de la bouche de sa petite-fille Odysséa, âgée de cinq ans, peu avant qu’elle ne participe à un camp de vacances à Jolie Brise. Quelques jours plus tard, la fillette et sa maman Yassouda étaient emportées par la terrible explosion qui a ravagé le 39 de la rue de Neuchâtel, à Yverdon-les-Bains.

Le monde s’effondre

Un drame que les parents et grands-parents des victimes, Elisabeth et Gérard, ont appris en écoutant la radio dans leur voiture. Inquiète, Elisabeth a téléphoné au poste de Gendarmerie d’Yverdon-les-Bains. Quelques minutes plus tard, deux gendarmes de Payerne arrivaient à leur domicile. «Ils sont restés plus de deux heures, jusqu’à ce que le pasteur arrive. Ils ont été formidables, même si on pressentait qu’on allait nous annoncer le pire», se souvient Gérard.

Pour ce couple de jeunes retraités, le coup a été d’autant plus terrible qu’ils avaient déjà perdu Massouda, une autre enfant adoptée. Et perdre d’un seul coup Yassouda, âgée de 31 ans, et Odysséa, âgée de 5 ans, était la pire des nouvelles. «Aujourd’hui encore, il arrive qu’on se demande ce qu’on fait-là», expliquent-t-ils.

Bientôt un retour sur les lieux

Malgré tout, Elisabeth et Gérard ont décidé de s’accrocher à la vie. «Elles n’auraient pas voulu qu’on s’arrête», relève Elisabeth. Ce parcours est d’autant plus difficile que, passé les jours qui ont suivi le drame et les obsèques, les deux jeunes retraités se sont sentis oubliés. «Heureusement, notre médecin de famille s’occupe bien de nous. Mais nous n’avons plus eu de nouvelles de la gérance de l’immeuble, ni des autorités yverdonnoises», ajoute Gérard. Ce dernier avoue même avoir mal réagi lorsque des locataires de l’immeuble ravagé se sont plaints du manque d’informations: «On a été suivis par qui nous? Nous sommes plus mal lotis que certains locataires.»

Malgré toute la tristesse qui les envahit par moments, Elisabeth et Gérard sont déterminés à pousuivre le chemin. D’ailleurs, dans quelques heures, Gérard va venir, pour la première fois depuis qu’il s’est produit, sur les lieux du drame: «Je sens que je dois le faire, pour elles et pour nous. »

Elisabeth n’a pas encore la force nécessaire pour assumer un tel déplacement. Elle ne veut même plus aller au cabanon à Cheyres, où elle voyait ses «rayons de soleil» s’épanouir.

Régulièrement tenus au courant de l’évolution de l’enquête par leur avocat, les proches des victimes espèrent que la longueur de la procédure contribuera à faire la lumière sur les causes de cette explosion: «On veut savoir ce qui s’est passé.»

 

Le procureur en charge de l’enquête attend le rapport d’expert ces prochaines semaines

L’industrie gazière a réagi en adaptant ses directives

L’explosion qui s’est produite le 25 octobre de l’année dernière à la rue de Neuchâtel a non seulement été ressentie dans toute la ville, mais elle a aussi provoqué un véritable séisme dans la filière de la distribution du gaz. Au Service de l’énergie (SEY) de la Ville d’Yverdon-les-Bains tout d’abord. Municipale en charge de ce dicastère, Gloria Capt précise que les collaborateurs «ont été traumatisés par ce drame». L’émotion fait d’ailleurs son retour à quelques jours du triste anniversaire.

Mais le SEY a surtout lancé une campagne d’information pour rassurer et informer les consommateurs. En parallèle, le cadastre du réseau a été repris de zéro et un inventaire très précis des immeubles équipés, mais qui n’étaient plus approvisionnés, a été réalisé.

Gloria Capt rappelle que les contrôles intérieurs, du ressort du propriétaire, ne sont plus obligatoires depuis de nombreuses années. Le SEY a proposé aux propriétaires d’installations qui n’étaient plus alimentées de les couper. Certains ont refusé… Pas moins de 53 courriers ont été adressés.

Directives précisées

Vice-président de la Société suisse de l’industrie du gaz et des eaux (SSIGE), Martial Wicht explique que le drame d’Yverdon-les-Bains a conduit à l’adaptation de la directive G1 concernant les installations intérieures. Elle précise notamment les conditions dans lesquelles une installation peut rester sous pression et recommande la tenue de plans (tels le cadastre du SEY).

La directive G2, dont l’entrée en vigueur est agendée pour l’an prochain, et qui concerne plus particulièrement les distributeurs de gaz, comporte une modification majeure: une installation qui n’est plus approvisionnée doit être mécaniquement obstruée, soit avec un bouchon. Une vanne, même fermée, ne peut en aucun cas être considérée comme une obstruction fiable.

Un procès est souhaitable

En l’absence du procureur Stephan Johner, le premier procureur de l’Arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, Philippe Vautier, précise que l’enquête se poursuit. Le rapport de l’expert est attendu et, une fois toutes les pièces en mains, le procureur pourra prendre des conclusions. A ce stade, aucune inculpation n’a donc été prononcée.

Dans tous les cas, Gloria Capt, municipale, mais aussi avocate pénaliste, souhaite un procès, ne serait-ce que pour démontrer que tout a été entrepris pour établir les faits et permettre aux proches des victimes de faire le deuil.

En ce qui concerne l’immeuble, propriété de la Caisse intercommunale de pensions, il sera réoccupé par étapes, dès décembre pour les locaux commerciaux, et dans le courant du printemps par les locataires qui ont exprimé le voeu d’y revenir.

Isidore Raposo