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Pari réussi!
Sophie Chatelain, Estelle Hardier, Barbara Rao et Isabelle Behnke peuvent savourer leur victoire, accompagnées de Gilles Meystre, président de GastroVaud. Photo: Michel Duperrex

Pari réussi!

8 avril 2021

Les quatre restauratrices ont débloqué plus de 100 000 francs grâce à leurs efforts! Tous les cafetiers-restaurateurs de la ville en profiteront.

 

«S’il y a un mot qui définit mon sentiment? Impressionné. Ou admiratif. Ou les deux.» Gilles Meystre était de passage à Yverdon-les-Bains mardi avec une mission claire: féliciter les quatre restauratrices à l’origine du mouvement Afterworkless. «C’est unique dans le Canton, il n’y a pas d’autre exemple», les a complimentées le patron de GastroVaud, qui leur a remis une fleur à chacune, attention qui les a particulièrement touchées. «Elles ne sont pas toutes membres de GastroVaud d’ailleurs, mais cela ne fait rien: ce qu’elles ont accompli est formidable et j’avais vraiment à cœur de les féliciter. Et en plus, je suis très heureux de revenir dans cette région où j’ai débuté mon parcours dans la restauration», a relevé Gilles Meystre en référence à ses jeunes années de cuisinier, notamment passées du côté d’Yvonand.

Si le président de l’association faîtière des restaurateurs vaudois a tenu à revenir dans le Nord vaudois ce mardi, c’était donc dans un but bien précis: témoigner en personne son admiration à Isabelle Behnke, Estelle Hardier, Sophie Chatelain et Barbara Rao, les «Quatre fantastiques» qui viennent de récolter plus de 100 000 francs pour les restaurateurs de la ville.

Un tour de force rendu possible par leur détermination, alors même qu’elles ne pouvaient – au début – compter que sur elles-mêmes. Tout est en effet né d’une fondue entre les quatre amies, en novembre 2020, et d’un constat: les aides fédérales et cantonales tardant à arriver et les dossiers étant complexes à monter, les restaurateurs d’Yverdon avaient besoin d’aide. Alors, les quatre filles ont fondé le mouvement Afterworkless et ont organisé divers événements pour tenter d’améliorer leur quotidien.

Dernière idée en date, après être notamment allées «marcher sur Berne», avoir tenu des stands au Marché et inscrit des slogans sur les vitres des établissements publics yverdonnois: organiser une démarche participative pour tenter de récolter 500 000 francs, voire un million, en offrant des contreparties sous forme d’apéros, de privatisation de leur restaurant ou de… repas à partager avec elles quatre! «Un demi-million c’était trop, mais heureusement on a pu corriger le tir à temps, la Raiffeisen Yverdon a été d’accord de ramener le plancher à 100 000 francs», explique Barbara Rao. Cette somme a été atteinte à quelques heures du gong, le dernier versement (celui de la Ville d’Yverdon-les-Bains dans le cadre de la paella solidaire) arrivant juste à l’heure. Ouf!

«Dès qu’on aura touché l’argent, on le répartira entre les 50 restaurateurs», enchaîne Barbara Rao. Car les quatre filles n’ont pas agi dans leur intérêt propre, mais bien pour celui de tous les restaurateurs d’Yverdon-les-Bains. Même ceux qui ont suivi l’histoire de loin, mais qui étaient tout de même là depuis le début, toucheront 2000 francs, qu’ils aient beaucoup participé ou non aux activités.

«Ce n’est pas important. Ce qui compte, c’est qu’on ait montré de la solidarité. Je peux vous dire que j’ai été très émue par la journée du samedi avant Pâques à la Plage pour cette paella. Voir plus de 800 personnes venir chercher leur assiette, c’était très émouvant. Nous étions plus de 30 restaurateurs, et chacun a participé à sa manière à ce que la journée se déroule bien. Il y avait une telle osmose entre nous, ça m’a fait chaud au cœur et un bien fou. Alors on peut trouver que 2000 francs ce n’est pas beaucoup et c’est vrai que, quelque part, ce montant est symbolique au vu des charges qu’on a toutes et tous à payer, mais ces 2000 francs symbolisent surtout le fait qu’on est ensemble. J’ai eu de grands moments de déprime ces derniers mois, notamment quand le Black Lodge s’est ouvert et qu’on a dû fermer juste derrière. Alors ces moments de partage entre restaurateurs, ces témoignages d’affection de la part de la clientèle, ce sont des moments que je n’oublierai jamais. Et je garde une autre image forte: celle de ces deux patronnes retraitées qui sont venues à chacune de nos manifestations pour dire qu’elles étaient avec nous. J’en ai eu les larmes aux yeux», témoigne Isabelle Behnke, l’une des tenancières d’établissement les plus impactées par la crise.

Si le Double R peut bénéficier d’aides publiques, ce n’est en effet pas le cas du Black Lodge, qui a ouvert entre deux interdictions et qui ne coche donc pas toutes les cases. Une situation très compliquée pour Isabelle Behnke et son associé et conjoint Bastien Kerninon, qui ont trouvé du réconfort, des conseils et de l’aide auprès d’Afterworkless, une association spontanément née en pleine crise et qui s’est révélée bien plus utile et active que beaucoup d’organismes officiels.

«Mais je tiens tout de même à relever les efforts entrepris par la Ville d’Yverdon. Ce qui s’est fait ici en termes d’aides, notamment via les Fonds solidaires, est à relever. Bien d’autres communes n’ont pas été aussi solidaires envers leurs restaurateurs», a tenu à souligner Gilles Meystre, également député au Grand Conseil et bien placé pour comparer les actions des différentes Municipalités vaudoises.

 

Le commentaire de Tim Guillemin

 

Le petit âne buté est arrivé en haut de la colline

Puisque l’heure en est aux additions et aux chiffres, et que la somme de 100 000 francs a tout juste été atteinte, il est l’heure de régler nos comptes, justement, avec Barbara Rao. Et en public, bien sûr. La «grande gueule» du mouvement Afterworkless est difficilement supportable sur le long terme, avec son esprit de contestation permanente, ce claquet qui ne se ferme jamais, ce poing levé sans interruption et ces messages vocaux qui n’en finissent pas. Barbara Rao donne tout le temps son avis, surtout quand on ne le lui a pas demandé, veut écrire les articles à la place des journalistes, ne supporte pas le silence et oublie que, parfois, son interlocuteur a besoin d’un peu de répit pour espérer tenir le coup entre deux phrases sans début et sans fin, ou alors très éloignées l’une de l’autre. Bref, Barbara Rao est fatigante.

Et c’est justement ce qui la rend unique et lui a permis d’afficher une détermination proprement incroyable, au sens premier du terme, là où 99,99% des êtres humains de cette planète se seraient découragés devant l’ampleur de la tâche et cette cagnotte qui n’en finissait pas de stagner, si loin de l’objectif. Ses trois consœurs ont toutes eu leur moment de découragement et de silence, bien compréhensible. Barbara Rao aussi, sans doute, mais la batterie ne s’est jamais déchargée plus de trois secondes. Elle a ensuite repris son travail de conviction, avec une force intérieure absolument incroyable, qui lui a permis d’oser prendre contact avec les autorités politiques, mais aussi avec les décideurs financiers, Raiffeisen en tête. Le petit âne buté a tiré sa carriole avec courage et est arrivé en haut de la colline, là où tous les autres auraient fait demi-tour au milieu de la montée.

Bravo madame. Continuez à fatiguer le monde et, surtout, prenez un moment pour savourer le travail accompli et le bien fait autour de vous.

Tim Guillemin