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La pêche professionnelle tapa-sabllia a un nouveau visage

20 octobre 2017
Edition N°2106

Yvonand – Habitant depuis une dizaine d’années la localité, Pierre-Alain Chevalley, 43 ans, est pressenti pour succéder au pêcheur Luc Ottonin, décédé en 2016.

Pierre-Alain Chevalley, 43 ans, est prêt à relever le défi et à s’installer à l’embouchure de la Menthue, sous certaines conditions toutefois. ©Carole Alkabes

Pierre-Alain Chevalley, 43 ans, est prêt à relever le défi et à s’installer à l’embouchure de la Menthue, sous certaines conditions toutefois.

Sur les rives du lac de Neuchâtel, la pêche est une tradition ancestrale et profondément ancrée dans le terroir et le savoir-faire local. Mais, depuis quelques années déjà, la profession navigue en eaux troubles. Tonnages en baisse, problématique des eaux trop pauvres en phosphore ou concurrence déloyale des cormorans et autres volatiles gourmands en poissons, les vents contraires sont nombreux dans un métier pour lequel l’intérêt semble en perdition, et dont le nombre de professionnels est en chute libre.

A Yvonand, la question est sans doute encore plus vraie qu’ailleurs. Depuis le décès de Luc Ottonin, en juin dernier, la bourgade s’est retrouvée orpheline de toute activité professionnelle liée à la pêche (voir ci-dessous). Mais les autorités communales pourraient bien avoir trouvé son successeur, en la personne de Pierre-Alain Chevalley. L’ingénieur en gestion de l’environnement établi dans la localité depuis une décennie est, en effet, en passe d’obtenir son permis et les discussions avec la Commune sont déjà bien entamées. «Les deux parties ont très envie que cela se fasse, c’est certain, mais la question de l’endroit précis n’est pas encore réglée. Diverses pistes sont explorées», explique le Tapa-Sabllia de 43 ans. Parmi les options, celle de reprendre la parcelle de Luc Ottonin, dans le village des pêcheurs, est sur toutes les lèvres. Mais les conditions sont nombreuses. «D’abord, il faudrait que je puisse bénéficier d’un accès au lac, via la Menthue, durant toute l’année. Cela veut dire qu’il faudrait draguer la rivière et l’embouchure, détaille-t-il. Ensuite, il est nécessaire de procéder à des investissements conséquents, comme l’aménagement de plusieurs locaux hygiéniques, et le raccordement du hameau à la STEP, ainsi que de bénéficier d’un apport en électricité suffisant pour alimenter une chambre froide, notamment. Sans tout cela, je ne m’installerai pas à Yvonand. A moins que je m’établisse ailleurs sur le territoire de la commune, ce qui est en négociation (voir ci-dessous).»

 

«Le potentiel est là»

 

Nouveau dans la profession -le menuisier de formation est en pleine reconversion-, Pierre-Alain Chevalley ne semble pas affecté par les témoignages pas toujours optimistes à propos de l’avenir de la pêche professionnelle qui lui sont parfois adressés. «Au cours de mes stages effectués chez différents pêcheurs, que ce soit sur le Léman ou sur le lac de Neuchâtel, je crois m’être fait une assez bonne idée de ce qui m’attend. Et si je n’y croyais pas, je ne foncerais pas», confie l’intéressé. Novice, mais pas naïf, il sait qu’il devra non seulement pêcher le poisson, mais aussi le préparer et le vendre. «Le métier a évolué. Sans la vente directe, auprès des restaurants et des particuliers, c’est impossible aujourd’hui», assure-t-il. Pour arriver à ses fins, le pêcheur devra investir plus de cent mille francs pour acquérir un matériel de qualité et prêt à l’usage. «J’ai déjà racheté le bateau de Luc Ottonin à sa famille. Il y a pas mal de travaux à faire dessus, mais c’est une manière de faire en sorte que ce qui appartient à Yvonand reste à Yvonand, poursuit l’amoureux des traditions. Pour le reste, notamment l’aménagement de différentes salles de travail séparées, je cherche encore des investisseurs.

Si l’établissement de Pierre-Alain Chevalley sur les rives tapa-sabblias du lac de Neuchâtel semble en très bonne voie, cela ne se fera sans doute pas dans l’immédiat. Des discussions entre la Municipalité et le pêcheur ont déjà eu lieu et d’autres se dérouleront tout prochainement. Ensuite, il faudra encore patienter avant d’obtenir les autorisations cantonales, et ce quelque soit l’endroit où le bateau sera amarré. Après une année sans, les effluves de poisson fraîchement pêché pourraient donc à nouveau gagner Yvonand.

 

Avenir incertain pour le village des pêcheurs

 

©Carole AlkabesPropriété du Canton, le vieillissant mais néanmoins très bucolique village des pêcheurs a, durant quelques décennies, coulé des jours heureux. Mais, aujourd’hui orphelin de pêcheurs, son avenir n’a jamais été aussi incertain. Sa raison d’être étant conditionnée à l’hébergement d’une activité professionnelle liée à la pêche, il pourrait se voir rayé de la carte. «La balle est dans le camp du Canton, en effet. A Yvonand, il y a en tout cas une forte volonté politique que ce lieu emblématique de la vie du village soit conservé tel quel, ou en procédant à des aménagements, que ce soit en accueillant Pierre-Alain Chevalley ou non», explique Olivier David, municipal en charge des domaines, des plages et des forêts. D’autres possibilités existent, notamment près du port, mais là aussi, le Canton aura le dernier mot, «car le site envisagé pour accueillir l’activité de pêche se situe dans une réserve forestière», détaille le Tapa-Sabllia.

 

Poursuivre une tradition piscicole bien ancrée

 

De tous les village nord-vaudois situés sur la rive sud du lac de Neuchâtel, Yvonand fait partie de ceux qui possèdent une riche tradition de pêche. Bourgade lacustre par excellence, elle a accueilli, dans les années 1970, jusqu’à onze pêcheurs. L’intérêt marqué par Pierre- Alain Chevalley pour reprendre l’unique poste officiel, laissé vacant après le décès de Luc Ottonin, l’été dernier, est donc chaleureusement accueilli par les autorités communales. «Il est fondamental qu’Yvonand conserve une activité de pêche. Mais pas à n’importe quel prix, précise le municipal Olivier David. Nous voulons donner la priorité à un pêcheur du village, du cru, et non pas à quelqu’un qui vienne poser ses filets avant de repartir. Aujourd’hui, pour survivre, un professionnel ne peut plus se contenter de simplement pêcher. Le développement d’un commerce de proximité, qui fasse vivre le village, est quasi obligatoire. C’est de bon augure.»