Noël – Depuis le 1er décembre, une grande crèche de santons de Provence orne la vitrine de la boutique Nulle Part Ailleurs, à Yverdon-les-Bains. Un décor chargé d’histoires.
Un brigand, une poissonnière, des gitans et bien sûr, le boeuf et l’âne gris. Composée de plus de 120 pièces, la crèche s’offre aux yeux des curieux cheminant sur la rue du Valentin ou des clients de Joël Gehri, tapissier-décorateur qui tient la boutique Nulle Part Ailleurs depuis plus de quinze ans. Avec sa demi-soeur, Marie-Claude Pellerin, ils s’occupent soigneusement de cette grande famille d’argile, cadeau de leur mère. «Comme le magasin est bien centré dans la ville, on avait envie de pouvoir montrer cette grande crèche aux personnes qui s’aventureraient dans cette rue, un peu à l’écart du marché de Noël.»
Une grande dame
Leur mère n’est pas n’importe qui. Née à Lausanne en 1923, Francine-Charlotte Gheri grandit à Yverdon-les-Bains. Elle donnera d’abord naissance à Marie-Claude et à ses deux frères, nés d’un premier amour, et quelques années plus tard à Joël, sa soeur et son frère. Passionnée par les histoires, elle organise notamment les journées d’écrivains de la Riviera lémanique durant une dizaine d’années et met sur pied avec l’écrivaine Janine Massard les Rendez-vous littéraires du café romand à Lausanne. Elle est également présidente de l’association vaudoise des écrivains durant six ans. En parallèle, elle écrit plusieurs recueils de nouvelles ainsi que des petites histoires qu’elle lit aux enfants «C’était une très grande conteuse. Tous les soirs nous avions droit à une histoire qu’elle nous lisait ou qu’elle improvisait sur le moment.» confie Joël Gehri. «Mais au-delà de tout ce qu’elle nous racontait, elle nous a aussi inculqué l’envie de transmettre. Ce n’est pas pour rien si j’ai toujours eu des apprentis. Et même encore aujourd’hui, je donne des cours sur la façon de faire des fauteuils ou des chaises.» De son côté, Marie-Claude Pellerin est responsable de la communication de l’association des Soupes d’Ici et d’Ailleurs qui tous les soirs de l’Avent offre un repas à tous ceux qui le souhaitent sur la Place de la Gare d’Yverdon.
Se rassembler autour de l’étable
A l’origine de cette passion pour la crèche de Noël, il y a un disque: La Pastorale des santons de Provence, un livre audio racontant la Nativité dans la langue du Midi. Dans cette version, différents personnages secondaires font leur apparition: le boulanger, le pistachier, le meunier, etc. Attiré par la nouvelle de la naissance du Messie, ils se dirigent tous en direction de la crèche. En écoutant le récit de ces personnages, Francine-Charlotte Gheri décide de partir à leur recherche. Elle apprend alors l’existence d’un kiosque à journaux situé sur l’Avenue de la Gare à Lausanne qui fait venir des santons directement des ateliers de Marcel Carbonel, institution de renom dans le domaine. C’est auprès de cette boutique qu’elle rassemblera l’essentiel de sa collection. Au fil des ans, d’autres personnages trouvés ça et là viendront agrandir la communauté.
Le cortège avançant vers la crèche.
Chaque année, Francine-Charlotte Gheri prend l’installation de sa crèche très au sérieux. Dès le 1er décembre, elle pose les premières figurines jusqu’à l’arrivée du Petit Jésus. L’ange doit être positionné au dessus de l’étable, les gens du peuple en cortège, les uns derrière les autres. Même ses chers enfants ne doivent pas interférer dans la conception. «Un jour, je lui ai apporté une petite ferme, pensant que cela pourrait apporter quelque chose», raconte Joël Gheri. «Le lendemain, elle a dit à ma soeur qu’elle ne voulait pas d’immeubles dans sa crèche. Autre exemple, la mousse que l’on voit sur le décor a toujours été naturelle. Je ne sais pas ce qu’il me serait arrivé si j’avais eu le malheur d’y mettre du synthétique (rires).» Au sujet de la crèche, pas question de faire de différence entre ses enfants. Tous connaîtront cette crèche, son histoire, ses personnages. «C’est quelque chose qui nous a lié, entre demi-frères et demi-soeurs, qui nous a façonné des souvenirs communs», explique Marie-Claude Pellerin. «Quand elle est devenue trop âgée pour tout faire toute seule, c’était à nous de veiller à ce que la crèche prenne forme dès les premiers jours de décembre. »
Après une vie remplie de contes et de légendes, Francine-Charlotte Gehri s’éteint à l’âge de 98 ans, le 14 février 2022, jour de la Saint-Valentin. «Maintenant, quand on prépare la crèche, il nous arrive de lever les yeux au ciel pour lui demander si ce qu’on fait lui convient.» confie Marie-Claude Pellerin, sourire aux lèvres.
Quel futur pour la crèche?
A l’été 2025, Joël Gehri quittera son magasin bien-aimé. Mais sa demi-soeur et lui aimeraient que cette crèche puisse continuer d’être vue par le public, en l’aménageant devant la vitrine d’un commerce ou sur un stand du marché de Noël. En attendant, la crèche sera visible dans la vitrine de Nulle Part Ailleurs jusqu’au 6 janvier 2024, jour de l’Épiphanie où les rois mages s’arrêteront devant l’étable.
Dimitri Faravel
