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Plus de vingt ans de passion et de labeur lui valent le Graal des éleveurs
Pascal et Lauriane Henchoz avec Alabama (5 ans). © Michel Duperrex

Plus de vingt ans de passion et de labeur lui valent le Graal des éleveurs

14 janvier 2021

Pascal Henchoz vient de recevoir la récompense suprême de sa profession, l’appellation de Maître-éleveur Holstein. Un titre qui couronne une carrière entière visant un objectif: l’excellence de ses bêtes.

Pascal Henchoz a reçu un cadeau un peu spécial, fin décembre de l’année dernière. En ouvrant une missive de la coopérative Holstein Switzerland, l’éleveur a pu laisser éclater sa joie: il apprenait être Maître-éleveur 2021 de la célèbre race de bovidés.

«Je ne vais pas vous le cacher, au moment d’ouvrir la lettre, nous avions les larmes aux yeux avec ma fille, se remémore celui qui a vécu toute sa vie à Essertines-sur-Yverdon. C’est ce qui pouvait m’arriver de plus grand dans mon métier. Et nous ne sommes pas nombreux à avoir la chance d’être nommés.»

Car le titre de Maître-éleveur n’est pas une récompense lambda. Dans son communiqué, la coopérative le décrit comme «le couronnement de toute une carrière d’éleveur.» Et pour cause, ils ne sont que cinq sur 2000 membres à recevoir cette reconnaissance chaque année.

Il faut dire que quand on s’intéresse d’un peu plus près aux critères d’attribution du prix, ceux-ci ne laissent aucune place au hasard. Un nombre extrêmement élevé de paramètres sont pris en compte. Chaque centimètre de chaque bête peut faire la différence. Pareil pour le lait produit par les vaches, dont pratiquement toutes les propriétés sont analysées, du taux de matières grasses au taux de protéines. Le lauréat 2021 abonde: «Rien n’est aléatoire dans le calcul. Les contrôles laitiers se font onze fois par année et la description linéaire trois fois par an pour la morphologie.»

Pour s’assurer que le troupeau est performant sur la durée, ce sont seize années qui ont été passées au crible. C’est en effet sur les résultats obtenus entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2017 que les bêtes des membres ont été jugées. «Être éleveur, c’est savoir faire vieillir ses bêtes», résume Pascal Henchoz.

Alors quel est le secret pour remporter une telle récompense? Pour le paysan, qui s’est associé à Yves Collet en 2014, il n’y a pas de recette miracle: «Il faut de la passion et beaucoup de travail. Il est primordial de vraiment aimer l’élevage et être extrêmement pointu, aller jusqu’au bout des choses. Surtout, il est nécessaire de prendre le temps de s’appliquer. C’est un travail qui demande 365 jours de présence. On ne peut pas se dire que c’est dimanche et qu’on va être moins exigeant sur notre façon de nous occuper du troupeau. Il faut le dire, c’est un métier très astreignant qui demande des sacrifices, reconnaît le père de famille. Mais comme je l’ai dit, je suis passionné et je ne me plains pas de mon métier, bien au contraire.»

Un labeur de tous les instants que vient récompenser ce titre honorifique. «C’est vrai que ça ne va pas me donner des jours de repos, mais quand on reçoit ce prix, on se dit qu’on ne travaille pas pour rien. Et surtout qu’on ne fait pas tout faux dans notre métier. C’est un vrai boost.»

Toutefois, même si le dévouement total à son travail est une condition sine qua non pour obtenir la prestigieuse récompense, l’éleveur d’Essertines a mis toutes les chances de son côté en chouchoutant ses bêtes comme des athlètes de haut niveau. «Je travaille avec un nutritionniste, relève Pascal Henchoz. Il reçoit lui aussi toutes les données et me rend attentif aux différents problèmes ou aux carences de certaines vaches.» Un peu exagéré? Pas pour le Maître-éleveur. «C’est un peu comme le sport automobile, illustre le père de famille. Si on règle une vis d’une Formule 1, on voit tout de suite la différence. Si vous le faites sur une Fiat 500, vous ne vous rendrez compte de rien.»

Avec une nuance tout de même… impossible d’être aussi précis en biologie qu’en mécanique. «Même si on cherche des accouplements intelligents, qui permettent d’associer des bêtes complémentaires, en génétique un plus un ne font pas forcément deux! Néanmoins, il reste un cadre général et ces bons résultats sur la durée prouvent qu’on a effectué les bons choix.»
Seule ombre au tableau? La cérémonie de remise des prix qui est menacée par la situation sanitaire. Une cérémonie qu’il avait lui-même accueillie dans sa ferme des Mollanges, en 2017. Mais pas de quoi entamer le moral de Pascal Henchoz qui, à peine notre rendez-vous terminé, se rendait en courant sur son exploitation.

 

Un père de famille comblé

 

Une des plus grandes sources d’orgueil de Pascal Henchoz est directement liée à son père. «Une des trois grandes familles de vaches qui m’ont permis d’atteindre ces résultats me vient directement de lui. Je suis vraiment très fier d’avoir pu l’associer à ce succès.» Car dès ses 18 ans, il a pu mener stratégiquement l’élevage familial. «J’ai eu de la chance, mon père m’a fait confiance. Il était plus marchand de bétail dans l’âme. Au contraire de mon grand-père, qui avait des Simmental. Je pense que ça reste dans les gènes.»

Une affirmation qui trouve un écho particulier pour le père de famille, dont une des quatre filles a pour projet de reprendre un jour l’exploitation. Lauriane, 15 ans, va commencer son apprentissage en Suisse alémanique, puis peut-être passer par une école spécialisée, le Technicum. Un choix pas toujours facile à comprendre pour tout le monde, même si la jeune fille semble déjà complètement mordue: «Elle a de très bonne notes et certains professeurs étaient déçus qu’elle ne fasse que un apprentissage. Pourtant notre métier est aussi très technique et demande beaucoup de compétences…»

 

 

«Pascal Henchoz mérite cette récompense et je suis heureux pour lui»

 

Michel Geinoz, vous êtes directeur de la coopérative Holstein Switzerland, qui décerne le titre de Maître-éleveur. Que représente ce prix?

On le considère volontiers comme le titre suprême pour un éleveur. Il vient récompenser un travail effectué sur la durée, puisque seize années sont prises en compte pour déterminer les nominés. Alors c’est sûr qu’il donne une certaine aura.

Une aura qui a une valeur?

Le titre de Maître-éleveur donne incontestablement une plus-value. Et effectivement, les éleveurs peuvent ensuite s’appuyer sur ce titre pour vendre leurs bêtes plus cher. Mais souvent il n’y a même pas besoin de le dire. Dans le milieu, ces choses se savent.

Votre système de notation ne pousse-t-il pas à surmener les bêtes?

Pas du tout! Au contraire, pour devenir Maître-éleveur, il ne faut ni battre des records de production ni même gagner des concours. La sélection porte sur un ensemble complexe de critères, et ce sur la longévité. Seules les vaches qui ont une morphologie qui leur permet de produire beaucoup tout en restant en bonne santé peuvent rapporter des points.

Pascal Henchoz est un membre actif de votre coopérative. Vous attendiez-vous à ce qu’il reçoive le titre cette année?

Ce titre est espéré par de nombreux éleveurs. Je connais bien Pascal Henchoz, un éleveur très engagé et un juge agréé de notre coopérative. C’est un vrai passionné et il mérite son prix. Je suis heureux pour lui et je me réjouis de le compter parmi les ambassadeurs de notre race.

Massimo Greco